Manifestation des policiers : "Quand on doit pleurer pour avoir un stylo ou du papier toilette, ce n'est pas tolérable"
Les policiers manifesteront samedi dans sept villes de France, dont Paris, pour dénoncer le manque de moyens et leur mauvaises conditions de travail. franceinfo a rencontré deux gardiens de la paix des Bouches-du-Rhône, épuisés par leur quotidien difficile.
Ils manifesteront samedi 16 septembre à Marseille : Vanessa et Sébastien, policiers dans les Bouches-du-Rhône, font partie des gardiens de la paix membres de l'Union des policiers nationaux indépendants (UPNI) qui manifesteront pour dénoncer le manque de moyens qu'ils subissent et leurs mauvaises conditions de travail au quotidien. Comme eux, dans six autres villes de France dont Paris, des policiers exprimeront leur colère, à l'appel de cette association qui fédère des gardiens de la paix non-syndiqués.
Sanitaires noirs de crasse et véhicules rafistolés
Sébastien a 25 ans de police derrière lui et Vanessa est gardienne de la paix depuis dix ans. Ces dernières semaines, comme un grand nombre de leurs collègues, ils ont fait remonter à l'UPNI des photos de leurs commissariat de Marignane et de Vitrolles. L'UPNI a en effet organisé un concours photo du commissariat le plus insalubre de France. L'association a récolté des centaines de photos et, si le gagnant est le commissariat de Coulommiers (Seine-et-Marne), celui de Vanessa et Sébastien est bien placé : sanitaires noirs de crasse, murs béants, véhicules rafistolés... La situation est difficile.
On est resté pendant quatre ans sans eau potable au commissariat
Vanessa, policière dans les Bouches-du-Rhôneà franceinfo
Et ce n'est pas tout : "Les souris qui se baladent, les poubelles qui sont pleines à craquer, les fenêtres qui sont cassées, [...] les volets qui tiennent avec des cartons parce que le système ne fonctionne plus...", énumère Vanessa. Ce manque de moyens est tel qu'il est directement visible par les personnes qui sont reçues par les forces de police. "Quand j'avais des victimes qui venaient dans mon bureau, et qui traversaient donc la moitié du commissariat, la plupart s'excusaient presque", se souvient cette gardienne de la paix.
Beaucoup de personnes qu'elle rencontre au commissariat sont choquées par les conditions de travail qu'elle subit. "On nous disait 'On est désolés pour vous, dans quelles conditions on vous fait travailler ! C'est une honte'", raconte la jeune femme. Des employés de sociétés de nettoyage lui proposent même un peu d'aide. "Demandez un devis à mon patron, c'est sale ! Qui vous fait le ménage ?", s'étonne l'un d'eux. "Même les victimes avaient de la peine pour nous !", déplore Vanessa.
Pas de menottes pour les nouveaux policiers
Au printemps 2017, les commissariats de Marignane et Vitrolles ont fusionné. Ce changement est imposé aux 230 policiers de la circonscription. Malgré quelques aménagements et la promesse de sept policiers en plus, Sébastien et Vanessa ont le sentiment d'une situation qui dérive. "Quand on doit pleurer pour avoir un stylo ou du papier toilette, ce n'est pas tolérable", dénonce Vanessa. Au-delà des infrastructures liées au commissariat, ce sont parfois des équipements de sécurité indispensables qui font défaut.
On n'a pas suffisamment de lampes pour équiper tous les policiers. Récemment, il y a des collègues qui, en arrivant dans les Bouches-du-Rhône, n'ont pas de menottes. C'est le monde à l'envers.
Sébastien, policier depuis 25 ansà franceinfo
En parlent de leur situation à franceinfo, Sébastien et Vanessa enfreignent le droit de réserve des policiers. S'ils s'exposent à la place des syndicats, c'est parce que la confiance n'est plus là. "On ne comprend pas leur attitude. Ce sont des collègues qui sont détachés et qui devraient être indépendants, monter au créneau chaque jour quand on voit dans quelles conditions on travaille. Mais on n'en voit pas le résultat." L'UPNI a d'ailleurs commencé à s'organiser après l'attaque au cocktail molotov de plusieurs policiers à Viry-Chatillon, en région parisienne, en 2016, avant de se constituer en association.
Pleurer pour travailler dans de bonnes conditions
Sébastien ne décolère pas face à ces conditions de travail, d'autant plus inacceptables selon lui avec le risque terroriste important. "On est en état d'urgence, ça fait deux ans qu'on tourne avec des véhicules qui sont pourris, des freins à main qui ne fonctionnent plus, des radios de bord qui ne fonctionnent pas non plus parce qu'elles ont 15 ans, parfois on n'arrive pas à avoir des gyrophares deux tons...", énumère-t-il. D'après lui, la seule solution est de manifester ou de communiquer des photos, comme lors du concours de l'UPNI, pour que la situation s'améliore. "C'est quand même fou ! Il faut qu'on pleure pour travailler dans de bonnes conditions." Mais sur le Vieux-Port de Marseille où ils manifesteront samedi, il y a un an au plus fort de ce mouvement, ils n'étaient que 200 policiers des Bouches-du-Rhône à manifester et braver leur hiérarchie.
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