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Enquête de personnalité, inspection... Comment est effectué le "criblage" des personnes embauchées sur des métiers sensibles

Après la tuerie à la préfecture de police, la détection de personnes radicalisées fait débat en France. 

Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des policiers après l'attaque au couteau à la préfecture de police le 3 octobre.  (DELPHINE GOLDSZTEJN / MAXPPP)

Depuis les attentats, et plus précisément depuis avril 2017, il existe plusieurs procédures de contrôle des fonctionnaires de police ou des agents administratifs comme Mickaël Harpon, qui a tué quatre personnes à la préfecture de police de Paris. franceinfo fait le point sur les procédures de contrôle existantes pour repérer et signaler les cas de radicalisation.

Par des enquêtes de personnalité et d'entourage 

Quand ils sont recrutés, d’abord, une enquête de moralité est menée par les Service central du renseignement territorial (SCRT) sur les agents. Ce sera le cas des 8 000 futurs policiers embauchés d’ici 2022. Au cours de leur carrière, une enquête peut également être menée pour s’assurer que le comportement des policiers reste compatible avec leur fonction et leur mission. S’ils font l’objet d’un signalement, d’un comportement suspect, par exemple pour radicalisation, c’est l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui est normalement saisie et qui va mener cette enquête. On appelle cela un "criblage" : il y a à la fois une enquête de personnalité et une enquête d’entourage, au cours de laquelle la famille, les amis, parfois les voisins peuvent être interrogés. Il y a aussi un questionnaire très précis auquel est soumis l’agent suspecté.

En fonction du résultat de cette enquête et de la gravité des faits, le fonctionnaire concerné peut-être soit muté, soit purement et simplement radié. Mais cette enquête de l’IGPN n’a lieu que si des soupçons lui sont remontés. Ce qui n’a pas été le cas pour Mickaël Harpon. Le ministre de l’Intérieur l’a reconnu dimanche 6 octobre, il y a bien eu des "dysfonctionnements". Christophe Castaner a pris comme exemple 2015, quand Mickaël Harpon aurait justifié devant ses collègues les attentats contre Charlie Hebdo. Si cela a été signalé verbalement à sa hiérarchie, il n’y a pas eu en revanche de rapport écrit conduisant à une quelconque enquête.

Lundi 6 octobre, Christophe Castaner a promis sur France Inter de "resserrer le tamis" pour que tout indice de radicalisation chez les forces de l'ordre fasse l'objet d'un "signalement automatique". 

Par une procédure plus lourde pour l'habilitation secret-défense

Pour l'habilitation secret-défense, la procédure est beaucoup plus lourde, explique le député Les Républicains des Bouches-du-Rhône, Eric Diard. "Tous les cinq ans vous avez une inspection par la DGSI, explique celui qui a cosigné un rapport parlementaire sur la radicalisation dans les services publics. Vous avez des contrôles réguliers et ensuite, vous avez l'IGPN qui contrôle la radicalisation". 

Ce délai est jugé trop long par certains. C'est un délai pourtant nécessaire, répond le commandant de police Christophe Rouget, du syndicat des cadres de sécurité intérieure. "Cette enquête est tellement lourde à effectuer qu'on ne peut pas la faire régulièrement, explique-t-il. D'ailleurs, on voit des pseudo-experts qui viennent sur les chaînes d'infos en continu expliquer qu'il faudrait la faire tous les ans, mais finalement, on n'aurait plus de policiers sur le terrain, ils seraient chargés d'effectuer des enquêtes sur leurs collègues". Selon lui, il faut trouver un juste équilibre entre sécurité, respect de la vie privée et démocratie. "Aujourd'hui, il y a tout un tas de métiers qui sont dangereux, est-ce qu'il faut cribler tout le monde ?"

Par un service dédié pour certains métiers à risque

Il y a de très nombreux métiers potentiellement plus dangereux qu’agent administratif. Depuis 2017, le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas) est chargé d’enquêter au moment de l’embauche sur les pilotes d’avion, de train, sur certains employés de la fonction publique, ou de salariés de compagnie de sécurité privée qui sont amenés à intervenir lors de grands événements sportifs, par exemple, ou de rassemblements de chefs d’Etat.

Le Sneas, qui compte une trentaine de personnes, vérifie que le comportement de ces personnes "n'est pas incompatible avec l'autorisation d'accès à des sites sensibles ou l'exercice de missions ou fonctions sensibles". Pour cela, les enquêteurs consultent les "fichiers de souveraineté". Ce sont des fichiers qui s’intéressent à la sûreté de l’Etat, à la défense et à la sécurité publique, il y en a huit au total. Les agents du Sneas croisent les informations contenus dans ces fichiers, ce qui leur permet de savoir si une personne à des antécédents judiciaires, si elle est recherchée, si elle a commis une infraction à caractère terroriste, et bien sûr si elle s’est radicalisée. Précisons que tout cela ne vaut que pour les personnes embauchées depuis 2017, ce n’est pas rétroactif. Tous ceux qui occupaient déjà ces postes sensibles avant cette date n’ont donc pas subi ce type d’enquête de la part du Sneas.

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