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"Costa Concordia" : les 6 défis d'un sauvetage hors du commun

Francetv info revient sur deux ans et demi d'une mission incroyable : le redressement puis le déplacement d'un monstre des mers, échoué au large de l'île du Giglio, en Italie. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
L'épave du "Costa Concordia", au large de l'île italienne du Giglio, dimanche 13 juillet 2014.   (GIUSEPPE CACACE / AFP)

Le 13 janvier 2012, 32 des 4 200 personnes à bord du Costa Concordia ont perdu la vie. Deux ans et demi après le naufrage du paquebot de croisière au large de l'île italienne du Giglio, le mastodonte va enfin reprendre la mer. Si tout va bien. Un dernier voyage, direction la casse, dans le port de Gênes, 320 kilomètres plus au nord, où il sera démantelé. Dans la ville même où il avait été construit, en 2006. 

Jeudi 17 juillet, les techniciens de ce chantier titanesque sont parvenus à remettre l'épave à flot, où elle avait coulé. Mais le succès de cette opération périlleuse n'est pas encore garanti. A l'approche de cet instant de vérité, son ultime voyage, francetv info revient sur le sauvetage de la démesure, défi par défi.  

1Eviter la marée noire (janvier 2012)

Quand les opérations préparatoires au pompage des cuves démarrent, onze jours après le drame, les corps de 17 victimes sont toujours prisonniers du Costa Concordia. La priorité : éviter que la catastrophe environnementale ne s'ajoute au drame humain. Car l'épave renferme 2 400 tonnes d'un carburant visqueux, semblable à celui qui s'est répandu au large des côtes bretonnes après le naufrage de l'Erika, en 1999. La société néerlandaise Smit et la firme italienne Neri se chargent de ce pompage périlleux : "Dans les conditions de température sur zone, le fioul très visqueux doit être réchauffé avant d'être pompé", note cet article du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre). "Une barge flottante est raccordée aux réservoirs immergés, le fioul récupéré est stocké sur cette barge et ensuite évacué vers un pétrolier, positionné à côté de la barge", détaille l'organisation, qui ajoute : "Il faudra 2 mois et demi pour vider la totalité des 15 réservoirs dotés d'une double coque", contre une estimation initiale de deux à quatre semaines.   

2Décider du destin de l'épave (printemps 2012)

Maintenant que la marée noire est évitée, que faire de ce mastodonte qui bouche l'horizon des insulaires toscans ? Pour Alain Cota, directeur technique de la société Sepac, spécialiste de la stabilité des navires, "le démantèlement sur place paraissait l'option la plus rationnelle", explique-t-il à francetv info. "Mais la pression des écologistes a été déterminante dans le choix du renflouement [la remise à flot], une méthode qui, à leurs yeux, présentait moins de risques environnementaux." Et pour cause : "Le navire s’est (...) couché au beau milieu d’une réserve naturelle, sur un versant rocheux, rendant son découpage effroyablement complexe et dangereux pour l’environnement", écrit en 2013 le site Mer et Marine. Ainsi, en novembre 2012, les équipes de plongeurs chargés d'évaluer les risques environnementaux tombent par hasard sur une drôle de population : des moules géantes, ou Pinna nobilis. L'espèce, rare et protégée, squatte les fonds marins autour de l'épave. Elles sont donc provisoirement mises à l'abri, tandis que se construit une ville sous-marine entièrement dédiée au sauvetage du Costa Concordia.

3La remettre à la verticale (septembre 2013)

L'opération de renflouement, décidée dès le printemps 2012, revient au consortium américano-italien Titan-Micoperi. Elle mobilise 120 plongeurs (avec plus de 15 000 immersions à leur actif), des soudeurs, des charpentiers, des pilotes de bateau, des ingénieurs, des biologistes et pas moins 60 experts en renflouage et logistique navale. Originaires de 26 pays différents, ils se relaient 24 heures sur 24 autour de l'épave, sous la direction de Nick Sloane, un Sud-Africain de 56 ans, spécialiste du renflouement des navires.

La première étape décisive de cette mission consiste à redresser le paquebot. Une mission d'autant plus risquée qu'il s'agit d'un monstre de 114 000 tonnes, haut comme un immeuble de onze étages, et grand comme trois terrains de football (290 mètres de long sur 35 mètres de large). A côté de l'épave, des grues trônent sur des îlots flottants, tandis qu'une plateforme de 1 000 mètres est construite à 30 mètres de profondeur pour soutenir la coque une fois le géant redressé. "Des plongeurs ont injecté 18 000 tonnes de ciment dans des sacs situés sous la coque pour assurer son maintien et l'empêcher de se briser lors de l'opération", poursuit Le Monde.fr. Le 17 septembre, à 4 heures du matin, le Costa Concordia est redressé, laissant voir pour la première fois son flanc déchiré par la roche. Nick Sloane, lui, devient une star. 

4Inspecter l'épave, encore et encore (septembre 2013 - juillet 2014)

Maintenant que le navire est redressé, les experts font l’inventaire des dégâts à tribord. Ce n’est qu’une fois "que nous aurons évalué leur ampleur, que nous saurons où nous en sommes par rapport à la remise à flot", avait déclaré à Reuters Nick Sloane, fin 2013. Un travail qui passe par de nouvelles plongées, comme en témoignent ses impressionnantes images, communiquées début juillet par la police italienne. 

5La faire flotter, sans la casser (juillet 2014) 

"Nous avons un navire qui est un véritable gruyère, explique Alain Cota. Il est troué de tous les côtés. On ne peut donc pas le renflouer en y injectant de l'air. Il faut le faire flotter autrement, en utilisant des caissons." Une méthode bien connue, mais jamais utilisée sur un paquebot de cette taille. Le principe est simple : en plus des 15 caissons installés sur le flanc droit du bateau pour le redresser, 15 autres sont attachés autour de l'épave, cette fois sur le flanc gauche. De l'air y est injecté, afin que le navire se relève, sous l'effet de la poussée d'Archimède, d'au moins 2 mètres. Une fois en flottaison, le navire (et ses 60 000 tonnes de caissons) est déplacé d'une trentaine de mètres vers le large à l'est de l'île. Là, il est solidement positionné à l'aide de 36 câbles d'acier et de 56 chaînes. Ainsi, jeudi, le Concordia est stable, assure sur Twitter The Parbuckling Project, compte officiel de l'opération de renflouement. 

Mais les équipes du consortium américano-italien ne sont pas encore au bout de leur peine. Le vent, qui a soufflé dans la nuit, a entraîné du retard dans l'avancement de l'opération, compromettant un départ pour Gênes le 21 juillet. Le bateau doit être tracté par quatre remorqueurs. "Jusqu'ici, le 'Costa Concordia' reposait à même la roche, puis sur une plateforme sous-marine. Il existe désormais un risque qu'il se casse en deux, relève Alain Cota. Mais s'il flotte, alors c'est bien parti. Il suffit de le remorquer jusqu'à Gênes, en espérant que la météo soit clémente : du vent ou de la houle pourrait mettre un terme au voyage, auquel cas, il rejoindrait les fonds marins". Interrogées sur la faisabilité de la route jusqu'à Gênes, les équipes de sauvetage, annoncent "80% de chance, en étant optimiste", rapporte CNN. "Le nouveau risque désormais est celui de le voir se rompre au large de la Corse, là où les courants méditerranéens sont les plus forts." 

Et ensuite, le recycler ? 

Mille cinq cents cabines, cinq restaurants, treize bars, cinq jacuzzis, quatre piscines, un gymnase, des thermes, un casino, une discothèque... Le luxueux paquebot n'est plus qu'une embarrassante masse d'acier, bientôt de nouveau échouée, en cale sêche, dans un chantier de Gênes. Mais selon The MediTelegraph, ses matériaux ne termineront pas à la poubelle, mais seront reconvertis dans le secteur du bâtiment. Une seconde vie, dont est chargé le groupe Duferco, poursuit le site spécialisé. "Pas moins de 60 000 tonnes d'acier seront prélevées sur le 'Concordia'", poursuit-il, pour une valeur estimée entre 15 et 15 millions d'euros. Une broutille à côté des 100 millions d'euros prévus pour le démantèlement. Rien, à côté aussi des deux milliards que devrait coûter l'intégralité de l'opération. 

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