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Infanticide de Berck : quatre questions sur le comportement de la mère

Le profil de la mère autant que la méthode utilisée soulèvent de nombreuses questions. Avec l'aide d'experts psychiatres, francetv info s'interroge sur le caractère inédit de ce fait divers.  

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Environ 400 personnes ont participé, le 29 novembre 2013, à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), à une marche blanche en mémoire de la fillette retrouvée morte sur la plage. (FRANÇOIS LO PRESTI / AFP)

Elle ne fuit pas ses responsabilités. Fabienne Kabou a reconnu les faits et a été mise en examen, samedi 30 novembre. Cette Franco-Sénégalaise de 36 ans, qui a laissé se noyer sa petite fille de 15 mois sur une plage de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), se déclare "indéfendable", selon son avocate.

Etudiante en philosophie, la mère serait "remarquablement intelligente, très bien élevée" mais dans "une logique parallèle à la nôtre", poursuit l'avocate. Un profil qui peut paraître étonnant. S'il est difficile d'anticiper l'expertise psychiatrique, il est déjà possible de souligner le caractère inhabituel de ce fait divers. Francetv info a interrogé des experts psychiatres sur les éléments qui interpellent dans le déroulement de ce drame.

Est-ce un acte prémédité ?

Le phénomène de l'infanticide n'est pas exceptionnel, comme le note Gérard Rossinelli, président de l'Association nationale des psychiatres experts judiciaires (Anpej), joint par francetv info : "Dans l'histoire, il y en a eu un certain nombre plus ou moins horribles ou complexes. Dans la France rurale des siècles passés, combien d'enfants ont été dévorés par les cochons ?" Mais dans l'affaire de Berck, plusieurs éléments retiennent l'attention.

D'abord, tout semble indiquer que la mère a agi avec préméditation. Fabienne Kabou, domiciliée dans le Val-de-Marne, s'est rendue à Berck, en train, "dans le but de mettre fin aux jours de son enfant. Elle l'a déposée vivante sur la plage alors que la marée montait", relate un communiqué du parquet de Boulogne-sur-Mer. Gérard Rossinelli confirme que cet acte "préparé au moins 48 heures à l'avance" constitue un élément marquant de ce dossier.

Comme l'affirme Paul Bensussan, expert psychiatre agréé par la Cour de cassation, sur le site du Monde : "L'infanticide est exceptionnellement prémédité." Mais il existe malgré tout une exception que les psychiatres nomment "mélancolie délirante", qui correspond à un cas de profonde dépression.

La mère souffrait-elle de "mélancolie délirante" ?

Dans l'affaire de Berck, plusieurs éléments semblent confirmer cette hypothèse de la dépression mélancolique. C'est le sentiment du psychiatre Bernard Laparre, expert près la cour d'appel de Versailles, contacté par francetv info. S'il invite à la prudence en attendant d'en savoir plus, il explique que les mélancoliques sont persuadés de l'inutilité et de la cruauté de l'existence au regard de "la catastrophe de leur vie matérielle". Et d'ajouter : "Ils sont déjà morts, la vie s'est arrêtée pour eux au point qu'ils sont capables de faire mourir les autres."

Selon son avocate, la mère aurait dit : "Berck, c'est triste, même le nom est triste. Et pour faire quelque chose de triste, je voulais un endroit triste." Réagissant à ces propos, Bernard Laparre évoque la théorie de la tristesse projetée : "Les personnes se disent : 'Je ne suis pas malade, mais tout le monde autour de moi est en souffrance'. C'est un affect projeté sur les autres, sur les lieux, sans reconnaître l'affection pour soi-même."

Peut-on parler de "suicide altruiste" ?

Pour Paul Bensussan, "dans la majorité des cas [d'infanticide], la mère est en dépression profonde. Cela peut aller jusqu'au 'suicide altruiste' : une mère 'aimante' tue son enfant pour le soustraire à une souffrance ou à une situation sans issue." Un suicide altruiste, c'est la volonté de se faire accompagner dans la mort par un être cher. Une mère décide donc de se suicider, mais elle tue ses enfants auparavant pour ne pas les abandonner.

Le suicide altruiste n'est pas un fait exceptionnel. Interrogé par francetv info, le psychiatre Bernard Cordier dit avoir connaissance de deux autres cas de suicide altruiste, rien que cette année en France. Mais l'expert ajoute que l'affaire de Berck semble se distinguer par "l'absence de suicide de la mère".

Pour Gérard Rossinelli, "ce n'est peut-être pas la traduction littérale d'un suicide altruiste". Bernard Laparre avance de son côté que la mère avait "peut-être un projet" pour mettre fin à ses jours, en rappelant que les suicides des mélancoliques ne sont pas "impulsifs, mais toujours structurés et élaborés".

Comment expliquer le choix de la noyade ?

Pour Bernard Cordier, ce qui frappe dans cette histoire "tout à fait exceptionnelle", c'est la méthode "incroyable, unique". L'expert souligne "le choix de Berck, une ville que la mère ne connaissait même pas, et cette image de rendre l'enfant à la mer qui reste difficile à décrypter". Il remarque que dans la majorité des cas, la méthode pour ce genre d'infanticide est l'étouffement.

Bernard Cordier avance l'hypothèse de "traditions transculturelles" qui pourraient expliquer ce choix de la marée, mais note que c'est une "méthode très aléatoire, non garantie". Il y avait peut-être aussi "l'espoir qu'un passant retrouve l'enfant" dans le geste de la mère, ajoute le clinicien.

Enfin, il s'étonne du fait que la mère avait forcément à l'esprit "l'agonie" que suscite une noyade. "Elle devait être guidée par une partie de son subconscient", suppose-t-il. Tout comme les autres experts, il demande à avoir l'ensemble des éléments du dossier pour pouvoir se prononcer définitivement, mais il n'exclut pas que Fabienne Kabou ait souffert d'hallucinations auditives.

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