Meurtre de Sihem dans le Gard : ce que l'on sait de l'enquête et de la version du suspect, Mahfoud H.
Elle n'avait plus donné signe de vie depuis le 25 janvier. Le corps de Sihem Belouahmia, 18 ans, a été retrouvé, jeudi 2 février, "dans un chemin de campagne isolé", près de La Grand-Combe, dans le Gard, non loin du lieu de sa disparition, a annoncé la procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, jeudi, lors d'une conférence de presse. Les enquêteurs ont identifié son corps vers 1 heure, sur les indications du principal suspect, en garde à vue depuis mardi. Cet homme de 39 ans, au lourd casier judiciaire, a reconnu "avoir tué la jeune fille dans le cadre d'une dispute liée à leur relation amoureuse", a précisé la procureure. Une version remise en question par l'avocat de la famille. Selon lui, "personne n'avait connaissance de cette relation". Voici ce que l'on sait sur ce féminicide.
Sihem, une lycéenne serviable et "très proche de sa famille"
Lors d'une conférence de presse, jeudi après-midi, l'avocat de la famille de Sihem Belouahmia, Mourad Battikh, a décrit la victime comme une jeune femme qui avait "la vie devant elle", avec "des projets d’études supérieures, peut-être à Paris". "Toujours dans le partage, aimée de tous", "heureuse de vivre", elle était "très proche de sa famille et de tous ceux à qui elle pouvait rendre service".
Le village de La Grand-Combe "ne fait qu'un autour de Sihem, de sa mémoire, de ce qu'elle était et restera auprès de ceux qu'elle aime", a poursuivi Mourad Battikh. Il ajoute que les proches de la victime "ont un sentiment de colère profond", mais s'inscrivent aussi dans une "quête de vérité, de justice et de compréhension".
Elle a disparu après avoir quitté le domicile de sa grand-mère
Le 25 janvier, vers 22h30, Sihem Belouahmia quitte le domicile de son père situé à La Grand-Combe, un village gardois au nord d'Alès. Elle se rend chez sa grand-mère, qui habite 200 mètres plus loin. Elle discute sur les réseaux sociaux avec des amis. Puis, vers minuit, sa grand-mère entend la porte claquer, selon le récit de l'avocat de la famille à France Télévisions. Sihem vient de quitter les lieux. "Les circonstances laissaient rapidement penser que c'était pour rejoindre une personne de sa connaissance. Elle ne donnait alors plus aucune trace de vie", précise la procureure de Nîmes.
Le lendemain, le père de la jeune femme se rend à la gendarmerie. Un appel à témoins est lancé pour signaler "la disparition inquiétante d'une personne majeure". Des recherches minutieuses, avec hélicoptère et chien, sont menées. Finalement, après plusieurs jours d'investigations sans succès, une enquête est ouverte du chef de "disparition inquiétante" puis "enlèvement ou séquestration". Deux personnes sont placées, mardi, en garde à vue : un homme, Mahfoud H., et une femme, la cousine de Sihem.
Mahfoud H. affirme l'avoir tuée lors "d'une dispute"
L'homme interpellé est "interrogé sur une participation à la disparition" et la femme pour "non-assistance à personne en danger", précise la procureure de Nîmes. La cousine de Sihem Belouahmia est rapidement "relâchée", car il n'y a "pas d'éléments étayés selon lesquels elle aurait eu connaissance des faits, ni de la dissimulation de sa cousine", détaille Cécile Gensac.
En revanche, la garde à vue de Mahfoud H., qui est l'ex-compagnon de cette cousine de Sihem, est prolongée. Durant la soirée de mercredi, il passe aux aveux. Il ne s'agit pas d'un "crime crapuleux comme on avait pu l'imaginer au départ de cette enquête", reconnaît l'avocat de Mahfoud H., Jean-Marc Darrigade, sur franceinfo.
Le suspect déclare "l'avoir tuée dans le cadre d'une dispute liée à leur relation amoureuse, alors qu'ils s'étaient retrouvés dans la nuit en toute intimité", révèle la procureure. Interrogée sur la nature de la relation entre le suspect et Sihem, la magistrate n'a pas souhaité en dire plus : "Je n'ai pour information que ce que le mis en examen a déclaré, je n'ai pas et je n'aurai pas la version de la défunte. Je serai très prudente sur les conclusions qu'on peut en tirer."
Devant la presse, l'avocat de la famille de Sihem a déclaré que "personne n'avait connaissance de cette relation amoureuse" qu'il a qualifiée d'"hypothétique". "C'est une version du mis en examen, il est probable que cette relation n'ait jamais existé." Mourad Battikh a confirmé que la jeune fille gardait très régulièrement les enfants de Mahfoud H. et de son ex-compagne, sa cousine. "Sihem voyait ce monsieur comme une nièce voit un oncle, comme une sœur son grand frère", a déclaré l'avocat, assurant que Mahfoud H. n'était "pas quelqu'un de fréquenté par la famille" de Sihem, des "parents sérieux, sans problème".
Le corps de Sihem a été découvert en bordure d'un chemin de campagne
Après ses aveux, Mahfoud H. conduit les enquêteurs et le magistrat instructeur en bordure "d'un chemin de campagne isolé, près de La Grand-Combe". Un corps "dont la description correspondait en tous points à celle de Sihem" y est découvert, "aux alentours de 1 heure du matin", précise la procureure.
"C'est un homme qui a fait le choix d'assumer sa lourde responsabilité pour mettre fin à un calvaire insupportable pour la famille, pour soulager sa conscience. Il a guidé les enquêteurs", déclare sur franceinfo son avocat, qui était à ses côtés lors des aveux, mais pas au moment de la découverte du corps.
Le suspect a déjà été condamné plusieurs fois
Le casier judiciaire de Mahfoud H. affiche 13 condamnations, prononcées entre 2001 et 2015. Selon la procureure, il a été condamné à cinq reprises pour des faits "d'atteinte aux biens" et à huit reprises pour "des faits en lien avec la conduite de véhicules". Le 29 avril 2015, il a écopé de douze ans de réclusion criminelle pour des faits de vol avec arme commis en 2012. Il avait été libéré le 26 février 2021, à la suite d'un aménagement de peine, a précisé, ultérieurement, Cécile Gensac. Il devait comparaître à partir de mercredi dans le cadre d'un nouveau procès d'assises pour des faits de "vol avec usage d'une arme", pour lesquels il avait passé près de trois ans en détention provisoire.
Dans une expertise psychologique réalisée dans le cadre d'une précédente affaire, consultée jeudi par franceinfo, il est décrit comme "une personne narcissique, orgueilleuse, têtue, impulsive, immature, ne parvenant pas à intégrer l'autre dans la relation". Cette expertise met également en avant "une déficience intellectuelle légère, des troubles cognitifs, des capacités d'élaboration, d'analyse et d'autocritique très déficitaires". L'expert psychologue note aussi que cet homme peut "être considéré comme sociopathe depuis l'adolescence".
Une autopsie est attendue pour déterminer les causes de la mort
"Les conclusions du médecin légiste seront rendues dans le courant de la semaine prochaine", a fait savoir Cécile Gensac. Les investigations se poursuivent également pour faire toute la lumière sur les circonstances du décès de Sihem. "La suite, c'est certainement une mise en examen qui sera plus en adéquation avec les aveux qu'il a formulés", assure l'avocat de Mahfoud H. sur franceinfo. A cette heure, il est mis en examen pour "arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire sans libération volontaire avant le 7e jour" et placé en détention provisoire.
"Une requalification des faits est possiblement envisagée, a confirmé la procureure. Avec le magistrat instructeur et leurs conseils, nous nous attacherons à nous approcher au plus exact de la vérité", a-t-elle ajouté à l'intention des proches de la victime.
Plusieurs questions restent en suspens. "On ne sait pas si elle est allée le rejoindre, si elle a été enlevée, si elle a été séquestrée, on aura les infos au fur et à mesure de l'instruction", a souligné l'avocat de la famille.
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