Meurtre de Leïla Afif en 2000 : "Je savais que la science évoluerait et qu'un jour ou l'autre on le trouverait", témoigne Dounia, sa fille, après l'arrestation d'un suspect
"Je savais que la science évoluerait et qu'un jour ou l'autre on le trouverait", témoigne Dounia, la fille de Leïla Afif, retrouvée morte en 2000, après l'arrestation d'un suspect fin novembre. Elle témoigne au micro de France Bleu Isère.
24 ans après le meurtre de Leïla Afif, une mère de cinq enfants, retrouvée dans un canal à la Verpillière (Isère) le 12 mai 2000 avec une balle dans la tête, un suspect a été mis en examen et écroué le 2 décembre dernier. Sa fille aînée Dounia s'est toujours battue pour savoir ce qui lui était arrivé. Elle témoigne pour dire sa douleur, mais aussi pour conseiller aux familles concernées par des affaires non élucidées de ne rien lâcher pour retrouver les meurtriers.
"Après la mort de maman, je l'ai recroisé plein de fois"
C'est le pôle des crimes sériels ou non élucidés (le pôle "cold case") de Nanterre, créé en 2022, qui a relancé la procédure. Grâce aux analyses ADN, un suspect de 63 ans a été interpellé le 29 novembre dernier et écroué le 2 décembre. L'homme, Mohammed C. nie les faits. Selon Dounia, l'épouse du suspect et sa mère étaient amies et le suspect connaissait Leïla Afif. "Je me doutais que c'était quelqu'un de notre entourage, mais je ne m'attendais pas à cela, confie sa fille, Dounia, à France Bleu Isère. Après la mort de maman, je l'ai recroisé plein de fois dans ma vie par la suite. Même si dans le quartier de Villefontaine où il habitait aussi tout le monde se méfiait un peu de lui, parce qu'il était bizarre, notamment avec les femmes, c'était monsieur tout le monde !" Mais adolescente, elle se souvient que cet homme lui faisait peur.
"Il rôdait, il nous suivait. Quand il nous voyait marcher, il nous proposait qu'on monte dans sa voiture pour nous déposer, alors qu'on ne faisait même pas du stop."
Douniaà France Bleu Isère
Le jour de sa disparition, sa mère "devait aller inscrire mon frère au collège. Elle devait prendre le bus". Dounia suppose que l'homme "l'a peut-être vue à l'arrêt de bus et lui a proposé de l'emmener, pour lui faire gagner du temps, et comme elle le connaissait, elle est montée sans crainte dans sa voiture. En plus, j'ai appris par la suite qu'il l'avait déjà ramenée à la maison. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans la tête de celui que je perçois comme un monstre !"
Depuis 24 ans, Dounia et sa famille vivent avec le manque de leur mère, "une femme forte", qui élevait ses cinq enfants seule : "C'était une mère courage qui faisait tout pour nous. Elle nous disait toujours où elle allait et le jour de sa disparition, n'ayant aucune nouvelle d'elle, on a tout de suite compris qu'il lui était arrivé quelque chose de grave."
"Si le dossier de maman peut permettre de résoudre d'autres affaires..."
Le meurtrier de Leïla "m'a privé d'elle, de sa tendresse, de ses conseils, regrette Dounia. Nous ses enfants, on ne pourra jamais lui rendre tout ce qu'elle nous a donné. J'ai perdu un frère et une sœur de maladie, car cela les a bouffés de l'intérieur". A la fin de leur vie, "ils pleuraient, non pas de douleur mais de partir sans connaître l'assassin de notre mère", décrit-elle.
Le suspect a été également mis en examen pour le meurtre de Nathalie Boyer, 15 ans, en 1988. Elle avait été retrouvée égorgée à Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Nathalie Boyer, fait partie du dossier des "disparus de l'Isère" qui concerne neuf disparitions ou meurtres d'enfants dans le département entre 1983 et 1996. "Si le dossier de maman peut permettre de résoudre d'autres affaires, dont celle de Nathalie Boyer, c'est une grande joie pour moi. Car ce meurtre à l'époque nous avait traumatisés. On était des enfants, on a grandi avec ça !" poursuit Dounia.
Comme toutes les familles touchées par un drame devenu un "cold case", Dounia conseille : "Ne lâchez rien ! Il ne faut pas que le dossier soit refermé, pour éviter la prescription". Dans le meurtre de sa mère, "on avait un ADN. Je savais que la science évoluerait et qu'un jour ou l'autre on le trouverait, se souvient Dounia. Il fallait bien sûr qu'il soit fiché ou qu'un membre de sa famille le soit, c'est ce qui s'est passé avec l'ADN de parentèle. J'ai été patiente, je n'ai rien lâché et j'ai eu ma réponse. C'est tout ce que je souhaite aux autres familles de tout cœur."
Le pôle de Nanterre continue d'enquêter sur le suspect. Il a aussi découvert que ce dernier connaissait le père de la petite Charazed Bendouiou. Ils étaient collègues en 1987 quand la fillette âgée de 10 ans avait disparu au pied de son immeuble, dans le quartier Champfleuri à Bourgoin-Jallieu (Isère). Le corps de Charazed n'a jamais été retrouvé, rappelle France Bleu Isère.
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