Cet article date de plus de treize ans.

La réalité de la délinquance des mineurs

L'idée lancée hier par Brice Hortefeux visant à empêcher les mineurs délinquants de sortir le soir, sauf s'ils sont accompagnés par un adulte, provoque de vives réactions: inapplicable pour certains, pas fondée pour d'autres. Le point sur la réalité de la délinquance des mineurs en France.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Radio France © France Info)

Sur son blog, le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS explique qu'"on ne voit absolument pas sur quoi peut reposer ce nouvel emballement politico-médiatique" et démonte un à un les arguments du ministre de l'Intérieur.

Quand le ministre maintient que la part des mineurs dans la délinquance aurait progressé "de 5% en un an pour atteindre 18 %", le sociologue rappelle que ce chiffre concerne en fait la part des mineurs mis en cause par la police et la gendarmerie, et non la progression de la délinquance des mineurs. De plus, ce taux de 18% est constant depuis cinq ans. Au cours des dix dernières années, il a même baissé: en 1998, la proportion de mineurs interpellés était en effet de 22%.

Mieux, selon d'autres chiffres publiés par le ministère de la Justice, les mineurs ne représentent que 8,6% des personnes condamnées en 2007 (dernier chiffre publié), soit moitié moins que selon les statistiques policières. Les mineurs de moins de 13 ans, visés par la proposition du ministre de l'Intérieur, représentent par ailleurs moins de 0,3% de l’ensemble des personnes condamnées par la justice en France. On est loin des hordes sauvages dénoncées par Brice Hortefeux...

Ce matin, Martine Aubry s'est opposée à cette idée de couvre-feu. Une mesure qu'elle juge inapplicable. "Vous pensez vraiment qu'il va y avoir des policiers pour aller contrôler la nuit pour voir si un jeune qui est dans la rue a moins de 13 ans ou plus, s'il a été condamné et s'il peut sortir? On se moque du monde!", a-t-elle déclaré.

Le premier secrétaire du Parti socialiste a rappelé que 22 lois avaient été votées sur le thème de la sécurité depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007, avec, selon elle, des résultats qui s'aggravent sur ce terrain. "On ferait mieux de remettre de la police de proximité, qui puisse accompagner les gens, aller rencontrer les familles, les convoquer, leur expliquer qu'il y a des choses qui ne vont pas", a-t-elle ajouté, déplorant la baisse de moyens matériels et humains dans le projet de budget pour 2010.

De leur côté, les policiers et les magistrats ont accueilli la proposition de Brice Hortefeux avec scepticisme. Ils ont également soulevé la question des moyens, évoquant une "réduction d'effectifs" et une "surcharge de missions" pour la police. Pour Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance (deuxième syndicat de gardiens de la paix), "c'est une mesure de bon père de famille qui va rassurer la population" . Une proposition qui s'inscrit "une fois de plus dans une politique répressive", selon la présidente du Syndicat de la magistrature Emmanuelle Perreux. Quant à Hélène Franco, juge des enfants pendant sept ans au tribunal de Bobigny, elle a qualifié l'idée de Brice Hortefeux d'"incantatoire et de démagogique".

Depuis plusieurs années, au nom de la protection des mineurs, des maires prennent régulièrement des arrêtés introduisant un couvre-feu pour les mineurs en général: ils doivent pour ce faire s'assurer, selon la loi, que la restriction de liberté de circulation des mineurs en vue de leur protection soit justifiée par deux motifs : l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels cet arrêté est pris et l'adaptation de son contenu à son objectif de protection.

Anne Jocteur Monrozier

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.