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L'Allemagne enquête sur un "Oradour" oublié

Le procureur général de Dortmund est arrivé aujourd'hui dans le village de Maillé, en Indre-et-Loire. Il doit enquêter sur un massacre commis par l'armée allemande en 1944. 124 villageois y ont été tués. Les crimes de guerre sont imprescriptibles en Allemagne.
Article rédigé par franceinfo
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C'était le 25 août 1944. A Paris, les cloches sonnaient à toutes volées pour célébrer la libération, dans une ville en liesse. Mais à Maillé, à 50 km au sud de Tours, c'est à un tout autre souvenir que renvoie cette date.

Ce jour-là, 60 à 80 soldats allemands bouclent le village. Par balle ou à l'arme blanche, en quelques heures, ils vont tuer 124 des 500 habitants, avant de bombarder les lieux au canon. Parmi les morts, on relèvera 42 femmes et 44 enfants. “La plus jeune des victimes avait trois mois, la plus âgée 89 ans”, raconte Sébastien Chevereau, de la maison du souvenir de Maillé.

“J'ai honte de ce qui a été commis ici par les Allemands et je m'excuse auprès de tout le monde. Je suis surpris et touché par l'accueil que j'ai reçu”, a confié Ulrich Maass à son arrivée à Maillé. Dans le village, tous espèrent que l'enquête du procureur général de Dortmund permettra de rendre justice aux victimes de ce massacre qui rappelle celui d'Oradour-sur-Glane, perpétré le 10 juin 1944, où 642 civils ont été tués par des SS. Un crime devenu un symbole, mais qui fait parfois oublier qu'il ne fut pas unique.

A travers l'enquête de la justice allemande, c'est l'une des périodes les plus sombres de l'histoire européenne qui remonte à la surface. Durant cet été 1944, tout bascule. Les armées allemandes qui font retraite sont constamment harcelées par des groupes de maquisards.

Auteurs non identifiés
Ainsi, le 24 août, ce serait en représailles à l'une de ces attaques, que le sous-lieutenant Gustav Schlüter fait boucler le village et massacrer tous ceux qu'il y trouve. C'est du moins ce qu'a conclut la justice française en 1952, en condamnant à mort Gustav Schlüter. Condamnation par contumace, car l'ancien sous-lieutenant n'a jamais été appréhendé. Il est mort en 1965. Mais des zones d'ombres demeurent. La justice allemande, pour qui le crime de guerre est imprescriptible, pu reprendre l'enquête grâce aux travaux d'un universitaire en 2004.

Le procureur cherchera donc d'abord à savoir qui a commis ce crime, car le massacre de Maillé est le seul évènement de ce type en France qui n'ait pas de coupable identifié. Une unité SS, la 17ème division Waffen-SS est suspectée, de même qu'une unité de logistique de la Wehrmacht. Le rôle de Gustav Schlüter est lui-même contesté par les historiens.

Le procureur Maass doit donc interroger les derniers témoins du massacre durant trois jours. Pas pour confondre des coupables : On voudrait juste “savoir” pour “dire la vérité aux jeunes”, souligne l'un des 28 orphelins de guerre du village. Dans l'espoir - ténu - que ça ne se reproduise plus.

Grégoire Lecalot

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