Affaire Squarcini-LVMH : François Ruffin "essaie d’instrumentaliser ce procès pour des raisons personnelles, politiques, voire commerciales", assure Bernard Arnault

Le patron de LVMH Bernard Arnault s'est exprimé à la barre ce jeudi dans le cadre du procès de trafic d'influence au profit de LVMH.
Article rédigé par Yannick Falt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Bernard Arnault au procès de l'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, 28 novembre 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Bernard Arnault était entendu comme témoin jeudi 28 novembre dans le procès de Bernard Squarcini devant le tribunal correctionnel de Paris. L’ancien patron du renseignement est jugé pour avoir utilisé ses réseaux pour obtenir des informations confidentielles au profit de LVMH et notamment d'informations recueillies entre 2013 et 2016 sur l’actuel député de gauche François Ruffin qui réalisait à l'époque le film Merci patron, portant sur le groupe de luxe.

Bernard Arnault "pas au courant"

Bernard Arnault à la barre, François Ruffin en a rêvé, mais c’est bien en tant que témoin que le PDG de LVMH est interrogé, son groupe ayant signé un accord avec la justice pour éviter un procès en versant dix millions d’euros. La salle est bondée, les mesures de sécurité impressionnantes. Costume noir, voix fluette, Bernard Arnault réfute toute implication dans la surveillance de François Ruffin, se dit "absolument pas au courant". Quant à l'infiltration du journal Fakir : "Je n’ai jamais demandé à utiliser des barbouzes. C’est totalement contraire au code éthique de LVMH", défend-il.

A-t-il bel et bien voulu obtenir le film avant sa diffusion ? "Non, je l’ai vu après et le trouve d’ailleurs très drôle (…), François Ruffin est meilleur sur le plan cinématographique que politique", répond-il, assurant que le député instrumentalise ce procès "pour des raisons personnelles, politiques, voire commerciales", "parce qu'en même temps, il fait la promotion de son dernier film". "Monsieur Ruffin estimait que nous étions les champions des licenciements, des délocalisations, c’est faux", assure le PDG de LVMH. "Je me demandais : pourquoi ces contre-vérités ? Je me suis dit : c’est probablement son côté politique. Ça m’a fait penser à une citation trotskyste : 'Quand tu veux émerger politiquement, trouve un ennemi et accroche-toi à lui pour progresser'."

"Monsieur Ruffin est-il présent ?", demande Bernard Arnault à l'audience. "Oui derrière vous", répond le Président du tribunal. Le PDG se retourne et François Ruffin tonne : "Bonjour Monsieur Arnault". Ton aigre-doux entre les deux hommes, mais forte tension en revanche quand Bernard Arnault n’est plus interrogé par le tribunal mais par l’un des avocats de François Ruffin. Le patron du groupe de luxe le menace de diffamation et s’emporte même : "Je ne réponds pas à ces questions débiles !".

Rendez-vous pris pour un café

Bernard Arnault est parti sans un mot à la presse, laissant son avocate, la grande pénaliste Jacqueline Laffont s’exprimer. Elle estime l'exercice réussi pour son client. "Cela va fermer le banc de ce qu'on peut considérer comme une forme d'instrumentalisation médiatique de cette affaire par Monsieur Ruffin. Bernard Arnault a eu l'occasion de dire à quel point il y avait un côté quasi obsessionnel sur sa personne et sur le groupe LVMH. Bernard Arnault était présent, je pense que Monsieur Ruffin en a été très surpris."

"Monsieur Bernard Arnault a fait la démonstration que, dans son groupe et à titre personnel, ce qui compte, c'est le respect envers les institutions judiciaires, envers la République et envers la justice."

Me Jacqueline Laffont

à franceinfo

Sans surprise, François Ruffin, lui, n’est pas convaincu et dénonce la stratégie d’esquive de Bernard Arnault. "À tous les points du dossier, le groupe LVMH apparaît. C'est le groupe LVMH qui demande l'infiltration, et c'est le groupe LVMH qui est le bénéficiaire de cette infiltration, je le rappelle, dans un organe de presse."

"Je ne pense pas que Monsieur Arnault prenne au sérieux la justice de notre pays. Il a déjà payé dix millions d'euros pour échapper à être aujourd'hui sur le banc des prévenus, mais là, il vient sous serment faire des déclarations qui sont mensongères."

François Ruffin

à franceinfo

Les deux hommes se sont mis au moins d’accord sur un point à l'audience : un prochain rendez-vous autour d’un café, proposition de Bernard Arnault acceptée par François Ruffin. Un souhait de face-à-face qui était au cœur de Merci Patron.

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