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Témoignage Dany Leprince : "Je continuerai à me battre jusqu'à ce que j'obtienne la révision du procès"

Dany Leprince, accusé d'un quadruple meurtre, se confie à franceinfo à l'occasion de la diffusion du documentaire "Je ne suis pas un assassin" sur l'affaire qui lui a valu une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Dany Leprince assiste à la projection du film documentaire de Bernard Nicolas à Thorigné-sur-Dué, le 4 mars 2023. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Dany Leprince dénonce, lundi 27 novembre sur franceinfo, l'attitude de certains "enquêteurs" et "de la juge d'instruction" qui "ont essayé de bricoler l'histoire à leur manière". Celui qui clame son innocence, est toujours accusé d'un quadruple meurtre commis dans la Sarthe à Thorigny-sur-Dué, en 1994. Son frère, sa belle-sœur et deux de leurs filles avaient été retrouvés morts le soir du 5 septembre 1994.

Dany Leprince a été reconnu coupable après des aveux, puis il s'est rétracté. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans en 1997 pour le quadruple meurtre, il a bénéficié d'une libération conditionnelle en 2012. Depuis l'an dernier, Dany Leprince n'est plus sous contrôle judiciaire et a désormais le droit de s'exprimer sur cette affaire. "Je continuerai à me battre jusqu'à ce que j'obtienne la révision du procès", déclare-t-il à l'occasion de la diffusion d'un documentaire mercredi sur W9 intitulé : Je ne suis pas un assassin, de Bernard Nicolas et Jérôme Korkikian. Ce film est un retour sur ce combat pour faire reconnaître son innocence, sur les ratés de l'enquête, les incohérences, les pistes non explorées.

franceinfo : Pourquoi reprenez-vous la parole encore aujourd'hui ?

Dany Leprince : Tout simplement parce que je ne suis pas l'auteur des faits et je continuerai à me battre jusqu'à ce que j'obtienne la révision du procès.

Vous avez encore un espoir d'être innocenté ?

Ce n'est pas qu'un espoir, on va y parvenir. Je ne sais pas dans combien de temps. Si je mène ce combat, c'est pour être innocenté et pour que les assassins de ma famille soient démasqués.

Ce documentaire revient longuement sur les faits : après la découverte de ce massacre à coups de hachoir chez votre frère, qui était votre voisin, dans votre village de Thorigny-sur-Dué en 1994, vous êtes accusé par votre propre épouse à l'époque et votre fille qui disent vous avoir vu avec une arme à la main. Poussé à bout par les enquêteurs dans les dernières heures de votre garde à vue, vous avouez à deux reprises en 24 heures. Ensuite, vous vous rétractez. Vous dites que vous basculez et que c'est le piège ?

En 1994, l'aveu était pratiquement la preuve, même s'il n'y avait pas d'éléments matériels qui venaient le conforter. C'était la reine des preuves. Ce que j'ai vécu en 1994, je ne pourrais pas le vivre aujourd'hui parce que les gardes à vue sont filmées. À la fin de ma garde à vue, ils [les enquêteurs] ont fait crier une fille dans une salle à côté et ils m'ont dit que c'était ma fille. En fait, ils avaient fait pleurer une femme gendarme pour la faire passer pour ma fille, ça je l'ai appris après, et évidemment, il était trop tard.

Cet aveu, dans les circonstances que vous décrivez, écrase tout le reste. Cela a empêché d'explorer d'autres pistes ?

Après, c'est fini. C'est la justice de l'époque. Ils [les enquêteurs] sont partis dans leur esprit sur l'hypothèse que les faits ne pouvaient être commis que par un homme. Moi, je suis un gabarit. Je mesure ce que je mesure, mais je n'y peux rien. Ils n'ont jamais pensé que ça pourrait être une femme.

Vous êtes convaincu que votre épouse, qui est votre accusatrice, a joué un rôle dans ce massacre ?

Normalement, elle aurait dû être mise en examen au moins pour non-assistance à personne en danger, mais la juge d'instruction a été certainement sa meilleure avocate. Les déclarations de ma femme et de ma fille changent parce qu'elles s'appuient sur des aveux extorqués et elles vont toujours s'ajuster, sans arrêt, pour essayer que ça concorde. Mais ce n'est pas si simple parce que les faits ne se sont pas déroulés à 21h30. Ils se sont déroulés avant que j'arrive.

Il y a un moment très fort dans ce documentaire, le seul où vous ne trouvez plus vos mots : c'est celui où vous racontez, après des années, que vous avez le sentiment d'être écouté par une magistrate, la présidente de la Cour de révision. Que se passe-t-il dans votre tête à ce moment précis ?

C'est une magistrate particulière, une magistrate à l'ancienne qui a beaucoup de métier et qui en fin de compte… Je suis un peu désarçonné, car j'ai toujours eu l'habitude de me faire taper dessus quand j'allais voir un juge… Et là, je tombe sur une magistrate qui prend le temps de m'écouter et qui au lieu de me poser des questions, me demande mon avis. C'est un peu perturbant, quelque part. C'est quelque chose de très simple…

C'est la première fois que vous vous dites qu'il y a peut-être un juge qui croit que vous pouvez être innocent.

Elle l'a cru puisqu'elle m'a fait sortir [de prison] avant la décision de la chambre criminelle, donc je suis sorti neuf mois dehors [en juillet 2010]. Malheureusement, j'ai été réincarcéré, parce que la demande en révision a été rejetée [en avril 2011]. Il y a un espoir, mais il faut rester prudent. La magistrate était très déçue que le procès en révision n'ait pas lieu.

Ensuite, en 2012, vous êtes libéré sous condition, sous contrôle judiciaire. On vous interdit d'évoquer l'affaire et vous avez dû garder le silence pendant des années. Comment avez-vous vécu cette obligation au silence ?

Je pars du principe que, même si ça ne fait pas toujours plaisir de respecter les décisions de justice qui sont rendues, on n'a pas le choix. Parce que si je ne respecte pas ce contrôle judiciaire, ils me réincarcèrent. Je n'en veux à personne même si, dans le livre [Ils ont volé ma vie], je dis qu'il y a des gens qui ont été en dessous de tout et qui ont essayé de bricoler l'histoire à leur manière, des enquêteurs, la juge d'instruction qui avait dans son cabinet un jeune auditeur de justice qui n'était rien d'autre qu'un enfant que mon ex [femme] avait gardé dans sa jeunesse.

Comment allez-vous aujourd'hui ?

Je vais bien, je vis une vie normale. Évidemment, quand je vais voir mon avocat, c'est pour parler du dossier, mais on n'est pas pris par le dossier tous les jours quand on se lève le matin. On est obligé de faire confiance à la justice dans la mesure où ce sont les magistrats qui vont décider de mon sort. On est obligé de faire confiance à la justice, mais il faut rester vigilant.

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