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Pourquoi le "gifleur" de Manuel Valls a pu être jugé au lendemain des faits

Le jeune homme a été condamné à trois mois de prison avec sursis et à 105 heures de travail d'intérêt général, mercredi 18 janvier, par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Certains se sont aussitôt interrogés sur la rapidité de sa condamnation.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
L'ex-Premier ministre Manuel Valls, le 17 janvier 2017, à Lamballe (Côtes-d'Armor). (MAXPPP)

"Il y a parfois une justice accélérée pour certains." C'est ce qu'a déclaré sur RTL, jeudi 19 janvier, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, à propos de la condamnation du jeune homme qui a giflé Manuel Valls. En pleine campagne pour la primaire de la gauche, l'ex-Premier ministre a reçu un léger coup au visage, alors qu'il sortait de la mairie de Lamballe (Côtes-d'Armor), mardi.

Le lendemain, l'auteur de la gifle, âgé de 18 ans, a été jugé coupable de "violences volontaires sans incapacité de travail avec préméditation". Il a été condamné à trois mois de prison avec sursis et à 105 heures de travail d'intérêt général, par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Il doit également verser un euro de dommages et intérêts réclamé par Manuel Valls, qui avait porté plainte.

Le plaider-coupable à la française

La procédure juridique "me semble rapide, d'autres attendent beaucoup plus longtemps pour être jugés, certains depuis des années", a réagi Philippe Martinez jeudi, en comparant l'affaire avec les démêlés judiciaires de Serge Dassault. Or le parallèle est absurde et l'assertion est une lapalissade : certains faits nécessitent une enquête, d'autres non. L'ouverture d'une enquête confiée à un juge d'instruction (une information judiciaire) est décidée par le procureur de la République, pour des faits précis. Ainsi, elle est facultative en matière de délit, mais obligatoire en cas de crime (meurtre, viol...). 

On est loin de la gifle administrée à Manuel Valls. Dans ce cas précis, le jeune adulte a été jugé dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), la procédure française de plaider-coupable. Une procédure rapide mais qui n'a absolument rien d'exceptionnel.

D'origine anglo-saxonne, le plaider-coupable désigne un mode de traitement des infractions qui consiste, au terme d'une procédure allégée, à proposer au prévenu une peine inférieure à celle encourue en échange de la reconnaissance de sa culpabilité.

Une procédure introduite en France en 2004 

En France, cette procédure a été introduite par la loi du 9 mars 2004. Initialement réservée au jugement de quelques petits délits, la CRPC concerne, depuis la loi du 13 décembre 2011, tous les délits (à l'exception des délits de presse et de certaines atteintes graves aux personnes). "Dans la pratique, cette procédure est surtout utilisée pour traiter rapidement la masse des délits routiers, comme le défaut d'assurance ou la conduite en état alcoolique, ainsi que les délits simples, comme les petits vols", explique Vie publique.

Cette procédure s'applique dans le cas où le mis en cause majeur reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Si la personne ne reconnaît pas les faits, une procédure plus classique doit s'appliquer.

Mais si le prévenu reconnaît les faits, le procureur peut lui proposer une peine, dont le quantum en termes d'emprisonnement ne peut être supérieur à un an ou à la moitié de la peine encourue. Dans le cas du jeune homme qui a giflé Manuel Valls, la peine encourue était de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, comme l'explique la magistrate Judge Marie sur son blog.

Convoqué à l'issue de sa garde à vue

Au terme d'une audience tenue obligatoirement en présence de son avocat, le prévenu accepte ou refuse la proposition du procureur. S'il l'accepte, la proposition est soumise à un magistrat du siège qui peut l'homologuer par ordonnance. S'il la refuse, le tribunal correctionnel est saisi et statue dans les conditions habituelles : il y a donc un procès classique.

Que s'est-il passé pour le jeune "gifleur" ? Le parquet de Saint-Brieuc l'a convoqué à l'issue de sa garde à vue, mercredi après-midi. Le jeune homme a reconnu les faits. Selon le procureur de Saint-Brieuc, il a expliqué son geste par son opposition à Manuel Valls, notamment sur la loi Travail et l'utilisation du 49-3. "Acquis aux idées régionalistes", il a aussi jugé que l'ancien Premier ministre traitait "mal la Bretagne et les Bretons".

Le parquet a donc proposé une peine de trois mois de prison avec sursis et 105 heures de travail d'intérêt général au jeune homme, qui l'a acceptée. En vertu de la procédure de CRPC, la peine a ensuite été homologuée par un juge.

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