La "veuve noire de l'Isère" jugée en appel pour le meurtre de son dernier mari
Manuela Gonzalez a été condamnée en première instance à 30 ans de prison pour le meurtre de son mari, Daniel Cano. Son procès en appel a débuté devant la cour d'assises de Valence (Drôme), lundi 23 mai.
"C’est vrai, madame Gonzalez, le noir vous va très bien", avait lancé l'avocat général à Manuela Gonzalez, lors de son procès en première instance, en avril 2014. Celle qui est surnommée la "veuve noire de l'Isère" avait été condamnée à 30 ans de réclusion pour le meurtre de son dernier mari, Daniel Cano. Libérée pour vice de procédure en septembre dernier, elle comparaît en appel depuis lundi 23 mai, devant la cour d'assises de Valence (Drôme).
Ses cheveux noir de jais ont laissé place à un sage carré blond. Vêtue d'une chemise blanche et d'une veste noire, Manuela Gonzalez a commencé son procès en appel comme elle avait terminé celui en première instance à Grenoble. "Je suis innocente", clame la quinquagénaire. Ses avocats s'échinent depuis le début du procès en appel à déconstruire le mythe autour de Manuela Gonzalez. La défense réfute ainsi l'expression "veuve noire", inspirée de ces araignées venimeuses qui dévorent le mâle après l'accouplement.
La défense invoque un suicide
Cette femme a été diabolisée. On la surnommait ainsi, "la veuve noire", bref une tueuse en série. Mais Madame Cano n'a jamais été condamnée [avant 2014 pour des faits de ce type].
Le passé trouble de Manuela Gonzalez pèse sur les débats. Avant Daniel Cano, parmi ses quatre ex-compagnons, deux ont frôlé la mort, deux autres ont perdu la vie dans des conditions suspectes. En ce qui concerne la mort de Daniel Cano, la défense invoque un suicide. Pour preuve, selon Manuela Gonzalez, son mari aurait glissé, dans le cercueil de sa mère, morte quelques mois avant lui, un mot indiquant : "Bientôt, je serai à tes côtés." Les avocats de l'accusée ont demandé l'exhumation du corps de la mère de Daniel Cano. Des demandes pour le moment refusées.
La thèse du suicide est balayée par les parties civiles. "Déjà, le corps de Daniel Cano a été retrouvé à l'arrière de la voiture, détaille à France 3 Alpes François Leclerc, leur avocat. La voiture a été retrouvée sans clé de contact, ni sur le contact, ni à l'intérieur de la voiture, ni sur le corps de Daniel Cano, ni autour de la voiture. C'est donc bien que quelqu'un a conduit cette voiture et ce n'est pas Daniel Cano. On n'a pas retrouvé non plus le récipient qui a servi à mettre le carburant qui a mis le feu à la voiture."
Autre élément suspect, après l'autopsie du corps de ce chaudronnier de 58 ans, trois sortes de somnifères sont retrouvés dans son sang. Par ailleurs, un mois avant sa mort, Daniel Cano échappe de peu à l'incendie de la chambre conjugale en plein milieu de la nuit. La faute à une bougie renversée par le chien, selon Manuela Gonzalez. A ce moment-là, elle-même est dans la cuisine, au rez-de-chaussée. Elle prépare des sandwichs à son mari pour le lendemain, assure-t-elle aux gendarmes.
Le mobile de Manuela Gonzalez, c’est l’argent, c’est une évidence !
"La perte de son mari lui rapporterait gros : 235 000 euros provenant de deux contrats d’assurance-vie, ainsi que l’exonération de remboursement du prêt", explique Libération.
Asphyxie, intoxication médicamenteuse…
Ironie de l'histoire, quelques années plus tôt, Daniel Cano a servi d'alibi à Manuela Gonzalez. Au début des années 1990, cette fille d'immigrés espagnols est mise en examen pour le meurtre de Thierry Lechevalier, son compagnon. L'homme est mort asphyxié dans l’incendie de leur appartement. Après autopsie, des médicaments sont retrouvés dans le sang de la victime, rappelle Le Dauphiné libéré. Mais Manuela Gonzalez bénéficie d’un non-lieu, grâce au témoignage de Daniel Cano, avec qui elle se trouvait au moment des faits. La police conclut à un suicide.
Un drame qui en rappelle d'autres dans sa vie. Son premier mari a échappé de peu à la mort. Quand elle rencontre Gilbert, elle a 16 ans, lui 18 ans. De leur union naît une fille. Mais, en 1983, Gilbert est hospitalisé après avoir ingéré une dose importante de sédatifs. Il reste trois mois dans le coma. "Gilbert se réveille au bout de trois mois, mais le couple, lui, ne résiste pas", rapporte Paris Match. L'enquête, elle, évoque une tentative de suicide.
Une condamnation pour "vol avec violence"
Manuela Gonzalez se met alors en couple avec Michel, un bijoutier de trente ans son aîné. Peu après, l'homme est retrouvé inanimé sur le sol par une voisine. Il a avalé un puissant anxiolytique. Il accuse Manuela. Elle avoue avoir pilé des somnifères dans son thé pour lui soutirer des chèques, pour un montant de 84 000 euros. Elle plaide "un acte désespéré pour nourrir" sa fille, relate Paris Match. Elle est condamnée à deux ans de prison avec sursis pour "vol avec violence".
Après ces déboires judiciaires, Manuela Gonzalez rencontre François, gérant de bar. Mais, un soir d'avril 1989, au terme de trois ans de vie commune, Manuela découvre le corps inanimé de son compagnon, asphyxié dans sa voiture garée dans le garage. L'homme a en plus avalé des médicaments. Manuela Gonzalez évoque un homme dépressif. Les proches de François donnent une autre version. Eux décrivent un homme heureux mais qui craignait sa compagne. Finalement, l'enquête conclut à un suicide.
Une série d'évènements déroutants. Mais invoquer le passé est "insupportable pour la présomption d'innocence", s'agace Ronald Gallo, avocat de Manuela Gonzalez, au micro de France 3. Pendant sa liberté, l'accusée est retournée auprès de sa fille. Elle a profité de son nouveau statut de grand-mère et s'est occupée de ses parents malades. Maintenant, elle espère "être enfin entendue", selon son avocat. Le verdict est attendu le 31 mai.
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