Agrément d'Anticor : "C'est Jean Castex qui va prendre la décision puisqu'on a porté plainte contre Eric Dupond-Moretti" relève sa présidente
"Cet agrément existe en France parce qu'on a un système pénal qui est insuffisant sur les affaires politico-financières", affirme la présidente de l'association anti-corruption.
L'agrément de l'association anticorruption Anticor doit être renouvelé tous les trois ans et vendredi 12 février c'est le "délai ultime". Sans cet accord, l'association ne peut défendre "légalement le fonctionnement normal de notre démocratie". "C'est monsieur Castex qui va prendre la décision puisqu'on a porté plainte contre monsieur Dupond-Moretti", a expliqué vendredi sur franceinfo Élise Van Beneden, la présidente d'Anticor.
franceinfo : L'agrément va-t-il être renouvelé à temps ?
Élise Van Beneden : On ne le sait pas pour l'instant. On a envoyé notre dossier début août, il a été perdu donc on l'a renvoyé fin septembre. On est en instruction depuis le 2 octobre. Cela fait deux mois que l'on échange avec le ministère qui nous pose beaucoup de questions et à chaque fois il proroge le délai actuel. On est très inquiet parce que notre agrément actuel expire lundi. Donc à partir de mardi Anticor ne pourra plus agir.
Cet agrément vous permet, notamment, de vous porter partie civile dans les affaires de corruptions. Est-ce que le gouvernement joue la montre ?
Cela veut dire que probablement cette procédure de renouvellement de l'agrément est assez politisée. Il nous sert à saisir un juge d'instruction dans les affaires de corruption, de détournement de fonds publics, de prise illégale d'intérêt, d'achat de voix. Cet agrément existe en France parce qu'on a un système pénal qui est insuffisant sur les affaires politico-financières. On a un procureur qui est hiérarchiquement soumis au ministre de la Justice et qui dispose parallèlement de l'opportunité des poursuites, ce qu'il veut dire qu'il peut classer sans suite un dossier. On a un système où les citoyens ne sont pas considérés comme victimes de la corruption, donc ils ne peuvent pas poursuivre les élus corrompus. Dans les histoires politico financières, on peut se retrouver avec un procureur qui ne veut pas agir parce que sa carrière serait en danger et aucune victime ne pouvant agir. Cet agrément signifie qu'Anticor et les deux autres associations qui sont agréées sont considérés comme victimes au sens procédural de la corruption. Cela nous permet de saisir un juge d'instruction et d'empêcher que ces affaires, qui peuvent déranger soient enterrées.
Vous avez travaillé sur des affaires qui dérangent. Est-ce que c'est pour cela que votre agrément tarde à être renouvelé ?
Il y a un problème c'est que cette autorisation d'agir, il faut qu'on la demande au garde des Sceaux, mais là c'est monsieur Castex [le Premier ministre] qui va prendre la décision puisqu'on a porté plainte contre monsieur Dupond-Moretti.
"C'est un peu paradoxal de devoir demander au gouvernement l'autorisation de le contrôler et éventuellement de pouvoir porter plainte contre ses membres. Ce n'est pas normal que des citoyens aient besoin d'une autorisation pour se considérer victimes de la corruption."
Élise Van Beneden, la présidente d'Anticorà franceinfo
La corruption en France c'est 120 milliards d'euros par an, donc on est tous victimes de ce qui se passe et il n'y a pas de raison qu'on ait besoin d'une autorisation pour saisir un juge. Cette autorisation existe aujourd'hui, mais il n'est pas normal qu'on doive la demander au gouvernement alors qu'il pourrait avoir tendance à la politiser.
Qu'allez-vous faire si vous n'obtenez pas l'autorisation de renouvellement ?
On saisira le tribunal administratif pour demander à la justice de nous donner cet agrément puisque nous avons une faculté de contester la décision du Premier ministre. Entre temps, on sera vraiment dans une situation difficile puisque nous avons des audiences dès le 17 février et on ne pourra pas se porter partie civile à l'audience et donc on ne pourra pas plaider.
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