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Incendies en Gironde : le statut datant du Moyen-Âge de la forêt de la Teste-de-Buch est-il en cause ?

Cette forêt située au pied de la fameuse dune du Pilat à un statut particulier datant du Moyen-Âge. Son mode de gestion forestier est montré du doigt dans la lutte contre l'incendie.

Article rédigé par franceinfo - Thomas Giraudeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un arbre en flammes lors d'un incendie dans la forêt de La Teste-de-Buch (Gironde) le 13 juillet 2022. Photo d'iullustration. (THIBAUD MORITZ / AFP)

À La Teste-de-Buch, en Gironde, le feu a peu progressé mercredi 20 juillet. Une première journée d'accalmie pour les centaines de pompiers au contact du feu depuis plus d'une semaine. L'incendie monstre, au bord du bassin d'Arcachon, a détruit la quasi-totalité de la "forêt usagère" de La Teste. C'est une forêt au statut particulier, rare en France, et ancestral. Ce statut date du Moyen-Âge, et son mode de gestion qualifié de chaotique est clairement mise en cause. Il complique énormément la tâche des pompiers.

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Sous une tente du PC de La Teste, où les pompiers coordonnent leurs opérations. Pierre Marzat déplie une carte devant nous : "La forêt usagère s'arrête ici, donc, aujourd'hui, il reste ce morceau, c'est tout." Ce poumon vert à côté duquel l'octogénaire a toujours vécu est aujourd'hui une terre brûlée. En partie parce que les pompiers ont beaucoup de mal à accéder au brasier : des arbres morts depuis des mois, et une végétation pas entretenue, leur barrent la route. Alors, ils doivent tronçonner, nettoyer les passages... Beaucoup de temps perdu à ne pas lutter contre les flammes.

Pierre Marzat, président du groupement local de défense des forêts contre les incendies, montre une carte de la forêt usagère de La Teste, avant l'incendie. Des 3 900 hectares, il n'en reste aujourd'hui quasiment plus rien. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Une forêt mal entretenue

"Ça fait un peu mal à l'estomac", explique Pierre Marzat. Il s'agit d'un déchirement pour et ses camarades de la Défense de la forêt française contre les incendies (DFCI) locale, le groupement forestier. Cela fait des années qu'ils proposent d'entretenir et de couper des arbres dans cette forêt, et des années qu'ils se heurtent à plusieurs oppositions. Et d'abord celle d'habitants des communes alentours : grâce à ce statut particulier de "forêt usagère", ils ont un droit de regard sur la gestion de la forêt et peuvent bloquer des travaux. Ils sont même les seuls à pouvoir venir y ramasser du bois pour leurs besoins personnels. Les propriétaires des parcelles, à l'inverse, ne peuvent pas en faire grand-chose. Impossible de vendre le bois, explique Pierre Marzat : "Pour les propriétaires, il y a une absence de revenu."

"Comment voulez-vous que l'on gère une parcelle de 40 hectares s'il n'y a aucun revenu ?"

Pierre Marzat, DFCI

à franceinfo

Faute de moyens, des propriétaires laissent la végétation pousser. Et le terrain devient alors impraticable pour les pompiers. "Ce n'est pas de notre faute", se défend Jean-Bernard Biehler, qui a perdu trois hectares et demi dans l'incendie, et rejette la faute sur une association d'habitants, l'Association de défense des droits d'usage et de la Forêt usagère, l'Addufu.

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Selon lui, elle bloquerait les projets de travaux forestiers. "En 2021, l'Addufu s'est précipitée devant les engins pour les empêcher de travailler, raconte Jean Bernard Biehler. Ils ont manifesté ensuite devant la sous-préfecture de ce fait le projet a été retardé et bloqué. Cette année, pas plus tard que le 1er juilllet 2022, il y a moins d'un mois, le sous-préfet tape du poing sur la table et demande que les travaux commencent." Ces travaux ont bien commencé, mais trop tard pour être vraiment utile aux pompiers.

Un tract de l'Association de défense des droits d'usage et de la Forêt usagère à propos de l'abbatage de certains arbres. (ADDUFU)

Dans un communiqué, l'Addufu assure qu'elle ne s'est jamais opposée à ces travaux, mais qu'elle voulait des garanties sur les conditions d'abattage et de vente des arbres coupés. Aujourd'hui, les seuls arbres à couper sont calcinés, plus personne ne peut rien en faire.

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