"Il fonctionne comme un obstacle au feu" : comment le chêne-liège permet de limiter la propagation des incendies
Après avoir été délaissé pendant des années, cet arbre très présent dans la zone méditerranéenne revient à la mode pour la fabrication des bouchons de bouteilles de vin. Il offre aussi une résistance importante au passage du feu, un atout en période de gros incendies, comme l'explique à franceinfo une technicienne forestière.
Depuis trois jours, d'importants incendies sévissent dans le sud-est de la France. Certains sont en passe d'être maîtrisés, quand d'autres ont repris, notamment dans le Var et en Haute-Corse. D'ores et déjà, le bilan, effectué jeudi 27 juillet en début d'après-midi, est lourd : plus de 7 000 hectares de végétation ont brûlé au total.
Comment éviter qu'une telle catastrophe se reproduise ? Dans le Var, une association fait campagne pour l'entretien des suberaies, les forêts de chênes-lièges, afin de relancer la filière du liège et la fabrication de bouchons. Car ces arbres, qui poussent dans la plaine des Maures, située dans l'arrière-pays varois, offrent une résistance importante au passage du feu. Pour mieux comprendre ce mécanisme, franceinfo a interrogé Gisela Santos Matos, technicienne forestière de l'Association syndicale libre (ASL) Suberaie Varoise.
Franceinfo : En quoi des chênes-lièges peuvent-ils aider à lutter contre les feux qui sévissent chaque été dans le sud de la France ?
Gisela Santos Matos : Parfaitement adapté au climat méditerranéen, le chêne-liège possède une écorce épaisse qui le protège contre les incendies. Cette écorce lui permet de conserver l'humidité. Ainsi, la température à l'intérieur du chêne-liège est en moyenne 13°C inférieure à la température extérieure.
C'est donc une espèce qui a plus de résistance aux incendies. Il fonctionne comme un obstacle au feu. En fait, le passage du feu l'affaiblit mais ne le tue pas. Il va donc résister au changement climatique, beaucoup plus que le chêne vert ou blanc. Un incendie qui traverse une suberaie va faire des dégâts, mais moins que dans une pinède ou un maquis, ou bien une autre forêt. A condition que la suberaie soit bien entretenue...
Justement, comment entretenir les forêts de chênes-lièges pour limiter les dégâts causés par les incendies ?
La gestion d'une suberaie demande plus de travail que celle d'autres forêts, elle est plus importante que celle d'une pinède par exemple. Les pins, on les plante, et trente ans plus tard, on réalise la première éclaircie. Pour la suberaie, l'éclaircie intervient quinze ans après la plantation et, entre-temps, il faut réaliser des élagages fréquents. On récolte le liège tous les 10 à 12 ans, mais pour le récupérer, il faut au préalable dégager la suberaie. C'est cet entretien qui lui permet de mieux assurer sa fonction. Le massif des Maures est un bon exemple pour l'illustrer. J'y suis installée depuis quatre ans, et pas un arbre n'a brûlé sur ce territoire de 11 000 hectares.
Pour autant, on ne peut pas remplacer tous les arbres autour par des chênes-lièges pour réduire les incendies, car le problème, c'est que les suberaies abandonnées sont concurrencées par le maquis et qu'elles ne peuvent rien contre la négligence des gens, le manque d'eau, le vent ou encore une main criminelle... Or, à la Croix-Valmer, un acte de négligence est à l'origine du feu, à Bormes-les-Mimosas le feu semble avoir été déclenché de manière intentionnelle car il s'est déclaré à 23 heures.
Pour rendre les suberaies attractives et favoriser leur développement, vous cherchez à relancer la filière du liège. Comment faites-vous campagne et auprès de qui ?
L'Association syndicale libre (ASL) Suberaie Varoise a été créée après les gros incendies de 1991. Dans un premier temps, c'était pour aider les propriétaires forestiers à trouver des solutions pour tout remettre en état. Mais notre rôle principal est de relancer la filière liège. On fait campagne depuis une dizaine d'années seulement auprès des équipes de la Défense des forêts contre les incendies (DFCI), chargée de la prévention des feux. On essaye de les sensibiliser pour qu'ils nous aident à remettre en état les suberaies. On organise des réunions publiques dans les villages.
On travaille pour nos 240 adhérents, des propriétaires forestiers privés qui ont, pour la plupart, hérité de suberaies. On les aide à trouver des aides financières, à contacter de bons prestataires pour les coupes de bois, le levage du liège et sa commercialisation. On arrive à récolter une centaine de tonnes par an et à le revendre. Ce petit revenu permet au propriétaire de réinvestir dans la forêt et de créer ainsi un cycle. On a créé un partenariat avec le numéro un français des bouchonniers. Il achète le liège à un prix qui permet de payer le propriétaire de la suberaie et de couvrir le coup d'exploitation. Plus tard, ces bouchons peuvent même se retrouver sur les bouteilles du vin du propriétaire qui, souvent, a également des vignes. Car c'est justement le problème : les chênes-lièges ont été abandonnés dans les années 1980 au profit de la production de vin et du tourisme, devenus plus rentables.
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