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Fin de l'histoire pour "l'homme des bois"

Au coeur de l'affaire Lherbier/Giraud depuis 2004, Jean-Pierre Treiber s'est suicidé dans sa cellule ce samedi. Retour sur le parcours contrasté d'un garde chasse, placé sous les feux de l'actualité par sa cavale de l'automne dernier.
Article rédigé par franceinfo
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La France entière connaît le portrait de Jean-Pierre Treiber: paupière droite tombante, regard hagard, visage rougi, crâne dégarni et oreilles décollées. Un visage assorti d'un surnom: l'"homme des bois" , depuis sa récente cavale.

Un homme proche de la nature, qui grandit dans un petit village haut-rhinois. Envoyé en CAP dans un lycée agricole, il échoue à obtenir son diplôme. Ses passions: "la chasse et la lecture des livres sur la faune et la flore" selon son acte de mise en accusation.

Il s'essaie successivement à l'élagage et à la pépinierie. C'est finalement son emploi de garde chasse en Seine-et-Marne que les médias retiennent. Il s'y installe dans les années 90 avec sa femme et sa fille. Le couple se sépare peu de temps après.

Un ami de Katia Lherbier et de Géraldine Giraud ?

Son chemin croise celui de Katia Lherbier, 32 ans, et de Géraldine Giraud, 36 ans, amantes depuis peu. Les circonstances sont floues. Le suspect affirme d'abord les avoir rencontrées par hasard en 2004, en faisant de l'auto-stop. Puis la version change: il les a croisées durant l'été, dans un bowling de l'Yonne. Ils seraient devenus amis. Le quadragénaire serait même autorisé à utiliser leurs cartes bancaires. Il retire 3.000 euros, qui permettent aux enquêteurs de remonter jusqu'à lui. Erreur de débutant ou réelle bonne foi ?

La tante de Géraldine prend place sur l'échiquier. A 55 ans, Marie-Christine Van Kempen a un faible pour Katia, sa colocataire. Mais la jeune femme s'éprend de Géraldine. Jean-Pierre Treiber connaissait-il la quinquagénaire ? Il l'a toujours nié.

Une patronne de bar affirme le contraire: elle les aurait vu prendre un café ensemble à Autun. Un codétenu de Jean-Pierre Treiber corrobore le témoignage. Un sombre scénario se dessine : le garde chasse aurait été chargé de tuer les deux jeunes femmes par une Marie-Christine Van Kempen jalouse. Après avoir été écrouée, la tante bénéficie finalement d'un non lieu.

Entre les cerfs et les sangliers

Treiber ne serait-il que ce garde chasse un peu frustre, obéissant à des ordres ? Sa cavale, rondement menée, laisse penser que l'homme est plus malin. Depuis son arrestation, il clame son innocence. Il ressent son incarcération à la maison d'arrêt d'Auxerre fin 2004, comme une injustice. Il parvient à s'évader cinq ans plus tard: caché dans un carton, il se fait embarquer dans un camion. Des codétenus couvrent sa fuite et l'alerte n'est donnée que six heures plus tard. La cavale dure 74 jours. Plus de deux mois pendant lesquels il nargue les enquêteurs.

L'image du garde chasse ressurgit: avec sa connaissance des bois, il s'y est forcément réfugié. Et il en joue. Le fugitif envoie des lettres d'amour à sa compagne du moment, Blandine Stassart. Déposées dans une boîte secrète d'un bois de Seine-et-Marne, il y décrit les cerfs et les sangliers qui l'entourent.

Il se fait passer pour un aventurier : "Ils n'imaginent pas ce que je dois faire pour vivre. Koh-Lanta, c'est du pipi de chat à côté de ce que je fais". Une autre lettre, envoyée au magazine Marianne, proclame son innocence. Des courriers qui n'ont de raison d'être que la colère. Colère contre un système judiciaire qu'il juge biaisé.

Un homme bien entouré

Il est finalement arrêté... dans un studio de Melun. Il explique "être resté un mois dans les bois" et "un mois dans l'appartement". L'homme est bien entouré. Michel Huys, ouvrier agricole et ancien collègue de travail, l'aurait hébergé en octobre dans sa ferme de Seine-et-Marne, "par amitié".

Un autre ami, Christian Trop, lui apporte de la "confiture et du fromage" . Mais la pression augmente, Michel Huys demande à un ami commun de le reloger. Régis Charpentier lui donne les clés d'un studio à Melun, début novembre.

La fin de l'histoire est connue: Jean-Pierre Treiber est arrêté dans l'appartement le 20 novembre. Incarcéré à Fleury-Mérogis, il se donne la mort trois mois plus tard. Une façon d'échapper à un procès qu'il n'a jamais voulu.

Julie Koch

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