: Récit "Ça a duré dix minutes en tout" : comment Redoine Faïd s'est une nouvelle fois évadé de prison
Le braqueur récidiviste de 46 ans s'est échappé du centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne) avec la complicité d'un "commando armé", dimanche, à l'aide d'un hélicoptère. Le parquet de Paris a ouvert une enquête de flagrance pour "évasion en bande organisée" et "association de malfaiteurs".
L'opération s'est jouée en quelques minutes. Il est 11h20, ce dimanche 1er juillet. Redoine Faïd est autorisé à quitter le quartier disciplinaire et d'isolement de la prison de Réau (Seine-et-Marne), où il est détenu depuis novembre 2017, pour recevoir la visite de son frère, Brahim Faïd. Le braqueur multirécidiviste de 46 ans purge une peine de vingt-cinq ans de prison pour un braquage échoué en 2010 qui avait coûté la vie à Aurélie Fouquet, une policière municipale de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne).
Les parloirs de la prison de Réau, constitués de 30 à 40 box, se trouvent près du quartier "maison centrale", moins sécurisé, accessible depuis la cour d'honneur de la prison. Cette cour de bitume gris est le seul endroit du centre à ne pas être équipé d'un filet anti-aérien et à être hors de vue des gardiens armés installés dans les miradors, décrit Le Monde. En ce premier jour de juillet, le temps est estival, le ciel est bleu, sans aucun nuage à l'horizon.
"Un commando très bien renseigné"
Soudain, un vrombissement distant se fait entendre dans le ciel. Un bruit d'hélices ou de moteur, de plus en plus imposant. Il s'agit d'un petit hélicoptère de type Alouette appartenant à un club aéronautique de Fontenay-Trésigny, dans le même département. Plus tôt dans la matinée, ses occupants ont pris en otage le pilote instructeur du club afin qu'il les conduise et les dépose à la prison.
L'engin se met en vol stationnaire, juste au-dessus de la cour d'honneur. Deux hommes "habillés de noir, portant des cagoules et des brassards de police au bras", sautent de l'hélicoptère et se dirigent vers les parloirs, raconte Martial Delabroye, secrétaire FO du centre pénitentiaire, dans Le Parisien.
Equipés de "fusils d'assaut de type kalachnikov et disqueuses", ils lâchent des fumigènes afin d'obstruer les caméras de surveillance et découpent à la disqueuse une porte ouvrant sur un "chemin d'intervention", "un couloir que seuls les personnels utilisent", précise Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO Pénitentiaire, sur franceinfo.
En quelques minutes, les deux hommes accèdent au parloir où se trouvent Redoine Faïd et son frère. Ils sont seuls dans le box, surveillé par un seul gardien "au lieu de deux d'habitude, décrit Martial Delabroye. Ça a duré dix minutes en tout". Le commando exfiltre le détenu, sans faire de blessés ni d'otages. "Ils savaient très bien où ils allaient, ils étaient très bien renseignés", explique Emmanuel Baudin.
Abasourdis, les gardiens ont juste le temps de donner l'alerte avant que l'hélicoptère ne décolle, hors de portée des surveillants armés postés dans les miradors. "Il y avait un collègue qui était de l'autre côté, qui a entendu la disqueuse et a eu le bon réflexe de se mettre à l'abri parce que ça aurait pu très mal se passer", raconte Martial Delabroye, sur franceinfo.
On a des armes ailleurs, dans des armureries, mais le temps d'y aller et de les récupérer... Et surtout passer par là où l'hélicoptère était, c'était se mettre en danger.
Un représentant syndicalà France 3 Paris Ile-de-France
Une cavale en voiture
Redoine Faïd, le braqueur tristement célèbre pour ses cavales romanesques, vient une nouvelle fois de prendre la fuite, cinq ans après son évasion de la prison de Lille-Séquedin, en 2013. Le commando abandonne l'hélicoptère quelques minutes plus tard à une soixantaine de kilomètres de la prison, à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise). "L'engin a été retrouvé incendié", précise Loïc Travers, du syndicat Alliance police, à BFMTV.
Sur place, les enquêteurs retrouvent le pilote de l'appareil, en état de choc. Il est transporté à l'hôpital. Selon une source policière au Monde, Redoine Faïd prend ensuite place à bord d'une Renault noire, direction l'A1. En fin de journée, la voiture est découverte incendiée dans un parking d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Redoïne Faid et ses complices ont disparu.
Selon France 3 Paris Ile-de-France, le fugitif est monté dans une camionnette blanche portant un logo Enedis, avant de s'évaporer dans la nature. A 17h34, ils sont filmés par des caméras de surveillance dans un parking de O'Parinor, un centre commercial d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) à bord d'un utilitaire blanc, reprend Le Parisien.
Près de 3 000 gendarmes et policiers mobilisés
Une enquête de flagrance est ouverte par le parquet de Paris pour "évasion en bande organisée" et "association de malfaiteurs". Le plan épervier est déclenché et la police judiciaire saisie. Des "dispositifs coordonnés de contrôle et d'interception sont mis en place" dans différents départements, qui "tiennent compte de la dangerosité du fugitif et de ses possibles complices", indique le ministère de l’Intérieur. Près de 3 000 gendarmes et policiers sont mobilisés en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France pour arrêter les fugitifs. Brahim Faïd, le frère de Redoine Faïd, a été placé en garde à vue dimanche après-midi.
En fin de journée, lors d'un point-presse à la prison de Réau, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a expliqué que les services de l'établissement avaient aperçu, il y a "quelques mois", des drones survolant la prison, suggérant qu'ils auraient pu permettre de préparer cette opération. "C'était une évasion hors norme, qui a nécessité un commando bien préparé (...). C'est indiscutablement quelque chose d'extraordinaire".
Au lendemain de cette évasion, de nombreuses questions se posent. Qui sont les complices de Redoine Faïd ? Avait-il des alliés à l'intérieur de la prison ? Pourquoi la cour d'honneur de la maison d'arrêt n'est-elle pas protégée par un filet anti-évasion ? "Nous demandions depuis l'ouverture que cette partie soit sécurisée ! Nous n'avons jamais été entendus. Pourquoi sécuriser les parties détention et pas celle-là ?", a déclaré un représentant du syndicat FO Pénitentiaire au Parisien. "C'est inacceptable. C'était presque trop facile", martèle l'Ufap-Unsa, qui avait fait la même demande.
Selon un témoin cité par le quotidien, le braqueur avait noué des liens avec le personnel et se faisait parfois apporter le café dans sa cellule. Le ministère de la Justice a lancé une inspection pour déterminer s'il y a eu "des défaillances en termes de sécurité passive et sécurité active", a précisé la garde des Sceaux.
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