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Double meurtre dans les Cévennes : ce que l'on sait de la traque du suspect

Depuis trois jours, les gendarmes n'ont "aucun signe" du tireur présumé. D'importants moyens sont déployés pour retrouver cet homme dont la personnalité est jugée "de type paranoïaque" et considéré comme "apte à la survie", selon le parquet.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des gendarmes patrouillent près du village des Plantiers dans le Gard, le 12 mai 2021.  (M. ESDOURRUBAILH / MAXPPP)

Les recherches continuent jeudi 13 mai dans les Cévennes, autour du village des Plantiers, où un homme âgé de 29 ans a tué son patron et un collègue dans une scierie mardi 11 mai. L'employé n'avait "pas salué son patron qui le lui a fait remarquer. Le mis en cause a sorti une arme de poing et a immédiatement ouvert le feu", selon le procureur d'Alès. Le suspect est ensuite "rentré chez lui, aurait récupéré une arme et serait reparti dans la forêt".

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Dans un message audio transmis via la gendarmerie, jeudi, le père du meurtrier présumé l'a appelé à se rendre : "J'ai la garantie qu'il n'y aura pas feu si tu te rends maintenant, mon fils, fais-moi confiance." Depuis mercredi 9 heures, c'est le pôle criminel du parquet de Nîmes qui mène l'enquête. La femme du tireur présumé a été auditionnée mercredi.

Des centaines de gendarmes mobilisés dans la forêt

Après le double homicide de mardi, le meurtrier présumé est toujours introuvable. "On a aucun signe de lui depuis trois jours", a reconnu le général Philippe Ott, commandant du groupement de gendarmerie du Gard lors d'un point presse jeudi en fin de journée. "On est sur un format de 350 gendarmes" mobilisés, a indiqué le commandant de gendarmerie.

Avec l'appui du GIGN, les gendarmes recherche l'individu dans une zone de 15 km² difficile d'accès. Ce sont de "longues journées dans un décor extremement complexe, concède le général. Les chiens tracent, nous amènent à un endroit, et le perdent. On recommencera jusqu'à ce qu'on y arrive."

"Clairement, on va le chercher, le plus gros des forces engagées sont dans des chemins escarpés, des vallons, dans une nature totalement isolée."

Le général Philippe Ott

Les Plantiers, situé dans le nord du Gard, est un bourg encaissé et entouré de petites montagnes et de forêts de conifères, comprenant dix hameaux traversés par un cours d'eau. "Le compartiment de terrain sur lequel nous agissons est très vaste", des montagnes, des "couverts forestiers denses" avec de nombreuses grottes, décrivait mercredi le colonel Laurent Haas.

Grottes "sondées", "recherche infrarouge", hélicoptères et drones

Les enquêteurs travaillent sur "toutes les hypothèses", indique jeudi soir le procureur de Nîmes : "Celle qui est privilégiée est celle de son maintien dans la zone mais nous ne pouvons pas exclure le risque qu'il ait franchit le dispositif." Le procureur rappelle que l'objectif est de l'"interpeller vivant" pour "comprendre son cheminement".

Les gendarmes utilisent "des moyens sophistiqués" pour retrouver le tireur, indiquait mercredi le colonel Laurent Haas. Ils quadrillent le terrain, survolé par des drones et sept hélicoptères, et un binôme de cartographes basés à Montpellier apporte "un appui opérationnel". Ils actualisent les cartes existantes "en utilisant un vecteur aérien" pour signaler tout changement : effondrement, éboulement ou chemin caché.

Le général Ghislain Réty, commandant du GIGN, décrit sur franceinfo une "double manœuvre" : un encerclement, et "un système de ratissage, avec des coups de sonde" sur des points ciblés, comme des grottes ou des habitations. "Ces coups de sonde sont donnés par le GIGN avec des moyens techniques, des véhicules blindés, des drones, pour prendre le minimum de risque tout en garantissant le succès de la mission." Le colonel Laurent Haas précise que "toutes les bergeries et les grottes du secteur sont sondées pour être sûr qu'il n'a pas trouvé refuge à l'intérieur". 

"Il reste difficile de débusquer quelqu'un dans un secteur qu'il connaît par cœur, avec de multiples possibilités de caches", ajoute le colonel Haas. Un chien de Saint-Hubert, aux capacités olfactives supérieures aux autres races, participe également aux opérations. Les gendarmes doivent faire face à un homme "déterminé et armé" qui "connaît parfaitement" le terrain. "Il en connaît tous les recoins" et "on a affaire à quelqu’un de déterminé et armé", poursuit le colonel Haas.

Les habitants appelés à rester confinés, un appel à témoins lancé

Les habitants du secteur sont invités à rester confinés chez eux. "Les gens se sont organisés, ils se rencontrent sur la place du village et circulent au strict minimum, explique la sous-préfète du Vigan, Sabadia Tamelikecht. Ils croisent les forces d'intervention. C'est pour eux un grand stress. On est là pour expliquer autant qu'on peut."

À la demande du procureur de Nîmes, un appel à témoin a été lancé, il rappelle les précautions d'usage : ne surtout pas intervenir mais contacter la gendarmerie du Gard au 04 66 38 67 22. Pas moins de 50 appels ont été reçus à la gendarmerie du Gard depuis le& lancement de l'appel à témoignages. "À ce stade aucun indice nous permet de prioriser une hypothèse plus qu'une autre", déclare Philippe Ott.

"On ne sait pas de quoi il est capable", s'inquiète un chasseur qui explique à France Bleu Gard Lozère être resté chez lui avec "[son] fusil à portée de main". Le maire des Plantiers, Bernard Mounier, déplore "une rupture violente, agressive" avec "la vie paisible d’un petit village de 250 habitants". "Je suis confronté à des gens qui ont peur. Il faut que je sois là pour leur dire : n’ayez pas peur", a lancé l'élu.

Un suspect au comportement de "type paranoïaque", quatre familles exfiltrées, "potentiellement ciblées"

Valentin Marcone, âgé de 29 ans et licencié dans un club de tir, vivait dans la commune des Plantiers avec son épouse et leur enfant. Il a une "personnalité très particulière, très procédurière", a précisé mardi le procureur d'Alès François Schneider, évoquant "un comportement assez inquiétant de type paranoïaque" depuis quelque temps, lors d'un point presse tenu dans la localité voisine de Saumane.

L'homme avait connu des conflits avec l'ancien maire du village et avait déposé de nombreuses plaintes dont certaines classées sans suite. "Il devait faire l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel pour des faits d’atteintes à l’intimité de la vie privée, puisqu’il avait enregistré une audition qui avait été faite par les gendarmes de la brigade locale", a ajouté le procureur.Le trentenaire était également en conflit avec son employeur "pour des problèmes d'horaires de travail", a expliqué François Schneider. Le suspect n'était cependant pas connu pour des violences.

Quatre familles des Plantiers ont été évacuées de leur domicile, a annonce jeudi à franceinfo le maire, Bernard Mounier. Elles ont été mises à l'abri, alors qu'elles sont "potentiellement ciblées", explique le maire qui veut prendre toutes les précautions. "Il y avait peut-être des différends de voisinage que je ne connais pas. Le seul différend que je connaissais, puisque c'est allé en justice, c'était avec mon prédécesseur."

Un "homme apte à la survie"

Le procureur de Nîmes, Eric Maurel, en charge du dossier, a précisé  de nouvelles informations jeudi soir sur la personnalité du suspect : "C'est un homme apte à la survie en milieu hostile, il a l'habitude de partir en montagne ou de faire des randonnées." Mais le procureur souligne qu'il n'est pas non plus "un survivaliste" ni "un paramilitaire" "Lorsqu'il part faire des randonnées, il lui arrive de se perdre en montagne et ne part jamais plus d'une journée." Eric Maurel précise par ailleurs que "depuis quelques jours", Valentin Marcone "avait un changement dans son comportement et venait au travail avec un gilet pare-balles."

À la suite des perquisitions menées au domicile du suspect, le procureur indiquait mercredi que "le tireur est a priori équipé d’au moins deux armes" dont une arme longue avec une portée potentielle de 300 mUne douzaine d’armes ont été retrouvées ainsi que "des éléments d’armes extrêmement sophistiqués et une quantité estimée à 3 300 munitions de tous calibres." L'homme a pris la fuite en emportant avec lui un équipement lui permettant de résister au froid et aux intempéries. "Nous craignons toutes les hypothèses", reconnaissait le procureur de Nîmes, qui formule l'espoir de le voir "déposer les armes" et "venir s’expliquer sur son passage à l’acte dans le cadre d’une reddition pacifique".

Le profil Facebook du suspect "est en train d’être exploité", a précisé Eric Maurel, et il "révèle des éléments de personnalité qui tendent à confirmer la dangerosité criminologique de cet individu". Il multipliait sur son compte les références à un jeu vidéo de guerre et les publications hostiles aux autorités : police, justice, hommes politiques. L'homme avait souhaité rejoindre l'armée pour devenir tireur d'élite et n'y était pas parvenu à cause de problèmes de vue. "Il a toujours gardé cette appétence pour les armes, décrit le procureur. La tentation pourrait être de partir sur l’idée d’un survivaliste. En tout cas, il s’est équipé comme un homme qui part dans la nature, pour résister au froid, aux intempéries, comme un homme qui part à la chasse".

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