Mort de Fiona : cinq mois d'enquête chaotique
Les recherches ont repris, jeudi, pour retrouver le corps de la fillette de 5 ans, dont les parents ont longtemps menti aux enquêteurs. Sans succès.
Cinq mois se sont écoulés depuis la disparition de Fiona, le 12 mai dernier, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Cinq mois au cours desquels Cécile Bourgeon, la mère de la fillette de 5 ans, a menti, appelé au secours, avant d'accuser son compagnon, Berkane Maklouf, d'avoir porté des coups mortels à l'enfant. De nouvelles recherches pour retrouver le corps ont été entreprises, jeudi 10 octobre, mais se sont révélées infructueuses.
Une disparition mystérieuse
Fiona, 5 ans, teint clair, yeux bleu-vert, disparaît le dimanche 12 mai, dans le parc Montjuzet, où elle joue avec sa petite sœur, Eva. C'est ce que raconte la mère des deux filles, Cécile Bourgeon, 25 ans, enceinte de six mois, lorsqu'elle lance l'alerte. Elle assure s'être assoupie un "bref instant", et n'avoir pas retrouvé Fiona à son réveil.
La police lance un appel à témoins et recherche cette fillette "espiègle et sociable" de 1,10 m, dans cet immense espace boisé de 26 hectares, situé sur les hauteurs de Clermont-Ferrand. Accident, disparition inquiétante, enlèvement : les enquêteurs ne peuvent exclure aucune hypothèse. Mais le procureur de la République, Pierre Sennès, ne déclenche pas l'Alerte enlèvement, car il n'a aucun élément, ni aucun témoignage en ce sens.
La piste de l'enlèvement
Pourtant, les enquêteurs voient très vite dans l'enlèvement une "hypothèse majeure". Le ratissage méticuleux du parc permet d'éliminer un accident. Et le procureur juge qu'il n'a "pas de raison de mettre en cause la parole de la mère". D'après les témoignages reçus, Fiona se trouvait dans le parc Montjuzet au moment de sa disparition et "le comportement de la maman était celui d'une personne paniquée, très affectée par le fait qu'elle venait de perdre son enfant", raconte Pierre Sennès. Une information judiciaire pour "enlèvement et séquestration" est ouverte, le 14 mai.
La mère entendue comme victime
Le lendemain, la mère de Fiona se constitue partie civile pour "participer activement à la manifestation de la vérité", selon son avocat, Gilles-Jean Portejoie. C'est donc en qualité de victime que Cécile Bourgeon rencontre les deux juges chargés de l’enquête. Elle a désormais accès au dossier. Pendant ce temps, dans le parc Montjuzet et aux alentours, les enquêteurs piétinent.
Les fausses pistes
La police enquête sur l'entourage de Cécile Bourgeon et remonte la piste d'un ancien compagnon, contre qui la jeune femme a porté plainte un an plus tôt pour "viol et séquestration", une affaire toujours en cours d'instruction. "Par le passé, cet homme, qui a entretenu une relation avec la maman de Fiona au printemps 2012, aurait menacé d'enlever la fillette et de l'emmener en Algérie", écrit La Montagne à son sujet.
Pendant l'été, la mère de Fiona s'estime "un peu abandonnée", dans un entretien au même quotidien local. "Là où je suis un peu déçue, c'est qu'il y a quand même eu beaucoup de témoignages qui n'ont abouti à rien", dit-elle. Plusieurs dizaines de témoins ont appelé le numéro vert de la police, qui les vérifie, sans succès. Comme ce témoignage indirect d'un enfant, rapporté par Le Parisien, le 31 juillet. Selon une femme, qui n'a pas assisté à la scène, un petit garçon dit avoir joué dans le parc avec Fiona et s'est plaint d'avoir vu un homme "avec un sourire effrayant". Malgré les quelque 200 témoignages recueillis, la police n'a pourtant jamais pu prouver la présence de Fiona et de sa mère dans le parc ce jour-là.
Après les larmes, la "culpabilité" et la "honte"
Le discours de Cécile Bourgeon évolue. Après les appels à l'aide, qui parviennent à mobiliser un comité de soutien, elle évoque sa "culpabilité" et sa "honte" de s'être "fait enlever son enfant".
Cécile Bourgeon et Berkane Maklouf en garde à vue
Rebondissement, le 24 septembre. Les policiers disposent de témoignages évoquant la mort accidentelle de la fillette, selon France 3. Ils envisagent sérieusement une toute nouvelle hypothèse : Fiona aurait pu avaler des médicaments ou des produits stupéfiants avant de mourir. Cécile Bourgeon et Berkane Maklouf sont placés en garde à vue, ainsi qu'un ami de ce dernier. Leur domicile, près de Perpignan, est perquisitionné.
Cécile Bourgeon accuse son compagnon
Le couple est acculé. L'enquête permet d'établir que la mère n'était pas dans le parc avec sa fille, le 12 mai, contrairement à ce qu'elle affirmait. Cécile Bourgeon change sa version des faits, le 25 septembre. Fiona "est morte accidentellement à la suite de coups que la mère n'a pas portés personnellement", annonce l'avocat de la mère de la fillette. Elle accuse son compagnon. Selon elle, Berkane Maklouf a "porté un coup important" à l'enfant le soir du 11 mai, qui a causé "un hématome autour de l'œil". Dans la nuit, "Fiona a vomi à plusieurs reprises" et elle a été "découverte morte dans son lit au matin".
De son côté, Berkane Maklouf reconnaît aussi que l'enfant est morte et qu'elle a reçu des coups, quelques jours avant que la mère ne donne l'alerte. Mais il dément en être l'auteur. "Il a reconnu un accident domestique et que le couple avait monté un scénario. Selon lui, l'enfant s'est étouffée dans son vomi. Ils l'ont trouvée le matin dans cet état et ont paniqué", explique son avocat. Après le drame, la mère et son compagnon auraient ensuite enterré Fiona.
Les recherches reprennent, en vain
Le corps de la fillette serait enterré "en lisière d'une forêt", à Aydat (Puy-de-Dôme). Les fouilles s'organisent près du lac d'Aydat, à 20 kilomètres au sud-ouest de Clermont-Ferrand, mais se révèlent infructueuses. Les indications du couple sont floues. Le beau-père, toxicomane, est "sous l'emprise des stupéfiants" lors des recherches. "Il avait reçu son traitement de substitution, mais il n'était pas dans des conditions favorables pour être très précis dans les recherches", précise le procureur. Elles sont suspendues jusqu'à nouvel ordre. Les enquêteurs veulent à nouveau entendre les deux suspects.
Le couple est mis en examen
Cécile Bourgeon est mise en examen, jeudi 26 septembre, pour "non assistance à personne en danger", "modification d'une scène de crime", "recel de cadavre" et "dénonciation d'un crime imaginaire". Quatre délits, et non des crimes, pour lesquels elle risque cinq ans de prison. Elle est placée en détention provisoire à Lyon.
Berkane Maklouf, 32 ans, est le principal suspect, même s'il conteste les accusations de sa compagne. Il est mis en examen pour "coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" sur mineure de moins de 15 ans et par personne ayant autorité, un crime puni de 30 ans de réclusion.
Soupçons de violence sur Eva, la petite sœur de Fiona
De nouvelles révélations viennent assombrir le tableau. Alors que le corps de Fiona n'a toujours pas été retrouvé, Eva, sa petite sœur de 3 ans, pourrait elle aussi avoir subi des violences. Un signalement de leur grand-mère maternelle déclenche une enquête préliminaire, au parquet de Perpignan. Le père des filles, Nicolas Chafoulais, tenu à l'écart des enfants par le couple, réclame la garde exclusive d'Eva.
Nouvelles auditions, nouvelles fouilles
Le couple doit être à nouveau entendu, avant que les recherches ne puissent reprendre. Des policiers émettent des doutes. La petite Fiona a-t-elle réellement été enterrée ? "Je ne crois pas à leur version, confie un policier clermontois. Pour enterrer quelqu'un, il faut une pelle... Or ils n'en avaient pas !" Selon l'hebdomadaire, Cécile Bourgeon aurait expliqué aux enquêteurs que Berkane Maklouf avait trouvé une pelle à proximité d'une maison dans la forêt. Autre élément qui intrigue les enquêteurs, selon Le Point.fr : personne n'a rien remarqué le dimanche matin où Fiona est censée avoir été enterrée, "dans un secteur touristique très fréquenté des promeneurs et des sportifs".
Cécile Bourgeon est auditionnée, mercredi 9 octobre. Elle affirme "de manière très émouvante et ferme qu'elle fera tout pour aider à retrouver le corps de Fiona", selon son avocat, Gilles-Jean Portejoie, assurant qu'elle était "dans une logique de collaboration absolue avec les enquêteurs". La jeune femme affirme être à présent en mesure de donner des indications plus précises sur le lieu où se trouve l'enfant. Mais les recherches entreprises, jeudi 10 octobre, autour de Ceyrat, au sud de Clermont, n'ont rien donné.
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