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Ce que l'on sait du meurtre de Kévin à Mourmelon-le-Grand

L'adolescent a été tué, samedi, dans un parc. Deux adolescents ont été mis en examen, un jeune homme, A., et une jeune fille, O., complices présumés du crime.

Article rédigé par franceinfo
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Un portrait de Kévin, accroché à la grille du parc du Bois des Sœurs, où il a été tué, à Mourmelon-le-Grand (Marne), le 5 juin 2018. (MAXPPP)

"Tout était faux", a résumé le procureur de Reims, lors d'une conférence de presse, mercredi 6 juin. Quatre jours après la mort de Kévin, 17 ans, poignardé à mort dans un parc à Mourmelon-le-Grand, petite commune de la Marne située entre Reims et Châlons-en-Champagne, l'enquête a débouché sur la mise en examen pour assassinat de deux adolescents de 17 ans également – un jeune homme, A., et une jeune fille, O. – soupçonnés d'avoir fomenté un plan "machiavélique". Franceinfo retrace le fil des événements.

Kévin reçoit "une vingtaine de coups de couteau"

Samedi 2 juin, O., élève de première L, donne rendez-vous à Kévin, lycéen de terminale S, vers 15 heures dans le parc du Bois des Sœurs, situé entre l'église et la mairie de Mourmelon. L'adolescent est son "presque petit ami", dit-elle, selon France 3 Grand-Est. Alors qu'ils se promènent, un homme tente de faire tomber la jeune fille. Il est armé d'un couteau et frappe Kévin à plusieurs reprises. "Un corps-à-corps s'engage alors entre les deux hommes", raconte le procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette. L'inconnu finit par prendre le dessus sur Kévin et le blesse mortellement.

L'autopsie révèle sur le corps de Kévin "une vingtaine de coups de couteau dont deux coups mortels aux poumons avec une lame de 18 cm", décrit le procureur. L'inconnu, blessé, prend la fuite à pied. Malgré l'intervention rapide de passants, Kévin meurt quelques minutes plus tard. Les habitants de Mourmelon sont sous le choc.

Des habitants de Mourmelon-le-Grand (Marne), le 5 juin 2018, devant les fleurs déposées en mémoire de Kévin. (MAXPPP)

Un portrait-robot est réalisé et un appel à témoin lancé

Alors que débute l'enquête, menée par la brigade de recherches de Châlons-en-Champagne et la section de recherches de Reims, la lycéenne, O., est pour les gendarmes la seule témoin directe de l'homicide. À partir de ses indications, un portrait-robot d'un suspect est réalisé et un appel à témoin diffusé dès le lendemain pour retrouver la trace "d'un homme de couleur de peau 'type' basané".

D'après le signalement de la jeune fille, il s'agit d'un homme musclé et à la peau mate, âgé de 25 à 30 ans, mesurant entre 1,80 m et 1,90 m, vêtu d'un pantalon de treillis, d'une veste de sport noire à capuche, d'une casquette grise, d'une paire de gants gris, d'un foulard et de bottes ou de rangers.

Ce descriptif déclenche un torrent de commentaires racistes sur internet. "Le principal suspect est issu de l'immigration. Je refuse de m'habituer à cette barbarie qui tue la jeunesse de France", réagit Marine Le Pen sur Twitter. Un message depuis supprimé car le profil du suspect n'a rien à voir avec celui décrit par la petite amie de Kévin. Les "importantes contradictions" de son récit sont rapidement pointées par les enquêteurs.

Un suspect est arrêté et mis en examen

Malgré la mobilisation d'une cinquantaine de militaires, ce n'est que lundi que les investigations progressent. A la reprise des cours, un camarade de A., qui a été scolarisé dans le même collège que Kévin, remarque ses blessures. Cette information permet aux gendarmes de réorienter leur enquête.

A. est arrêté dans la soirée à son domicile et une perquisition est menée. Sa sœur cadette est interrogée. Devant les enquêteurs, elle révèle que son frère lui a avoué le meurtre. "Il lui avait déclaré avoir agi de la sorte à la demande de O. qui souhaitait se débarrasser de Kévin qui, selon elle, la harcelait", a expliqué Matthieu Bourrette, le procureur de la République de Reims. En garde à vue, A. reste silencieux.

Une perquisition a lieu le 4 juin 2018 à Mourmelon-le-Grand (Marne), au domicile d'un suspect du meurtre de Kévin. (MAXPPP)

Dans sa chambre, les gendarmes découvrent l'arme du crime, "un couteau des années 1940, qui était utilisé par les militaires de l'armée américaine", précise le parquet. Un cadeau offert par sa famille. A. est un passionné d'armes et de reconstitutions d'épisodes guerriers. Il rêve de rejoindre les rangs de l'armée. Les enquêteurs trouvent aussi des vêtements ensanglantés. Des analyses confirment que son ADN correspond à celui perdu par l'agresseur de Kévin dans sa fuite.

Mercredi, A. passe aux aveux.

Il a alors complètement changé de version : il a indiqué avoir prémédité le meurtre de Kévin avec la complicité active d'O.

Matthieu Bourrette

en conférence de presse 

La jeune fille est à son tour mise en examen

Les aveux du jeune homme incriminent la jeune fille. A. affirme qu'il a planifié le meurtre avec O. quatre jours plus tôt. O. devait donner rendez-vous à Kévin, alors que A. se trouvait à proximité. "A. devait alors simuler le vol du sac de la jeune fille pour conduire Kévin à intervenir et ainsi le poignarder à mort, détaille le procureur. Il était également prévu que la jeune fille soit légèrement blessée pour donner plus de crédit à l'agression."

A. et O. avaient tout prévu. Ou presque. Ils avaient recherché sur internet la photo d'un suspect potentiel en prévision de l'appel à témoin. A. avait même tenté de se fabriquer un alibi, mettant en ligne des photos de ses chaussures de sport avec la mention "J'ai bien couru. Lol". En apprenant l'arrestation de A., O. semble paniquer. Elle appelle à deux reprises les gendarmes pour leur dire qu'elle a peur de A. Elle leur confie même qu'elle redoute qu'il ne l'accuse.

L'adolescente est à son tour placée en garde à vue. Les gendarmes n'ont pas le temps de l'interroger très longtemps. O. fait un malaise. Elle a eu le temps d'indiquer qu'"elle avait rencontré le mis en cause une heure avant les faits" et que "c'était lui seul qui avait fomenté l'agression pour la libérer de l'emprise de son petit ami". Elle se défend d'avoir voulu la mort de Kévin.

A. et O. arrivent au tribunal de grande instance de Reims, mercredi 6 juin.  (Charles-Henry Boudet/France 3 Champagne-Ardenne)

Le mobile du meurtre reste flou

"Je ne peux que m'interroger pour savoir si j'ai de nouveaux 'amants diaboliques' ou si j'ai une logique de bras armé avec une tête criminelle", a reconnu le procureur de la République de Reims. Les raisons qui ont conduit au meurtre de Kévin demeurent nébuleuses.

Si la participation du jeune garçon semble relativement cernée, celle de la jeune fille et son rôle méritent d'être encore largement précisés.

Matthieu Bourrette

en conférence de presse

L'instruction devrait affiner leur rôle et leur profil psychologique. A. a-t-il agi par amour pour O. ? "D'après son entourage, il aurait pu décrocher la lune et les étoiles pour elle", mais "l'ambivalence de cette relation est sans doute un des sujets essentiels du dossier", concède le procureur.

A. était une connaissance de Kévin et d'O. : ils ont été scolarisés dans le même collège et Kévin et A. ont fréquenté les mêmes amis. D'après ses premières déclarations, le suspect aurait voulu aider son amie à se débarrasser de Kévin, avec qui elle continuait d'entretenir une relation ambiguë mais qu'elle accusait de "harcèlement". A. ne se dit pas "amoureux" de la jeune fille, ce qui entre en contradiction avec son acte et les témoignages de leur entourage. L'enquête a prouvé qu'"il est de notoriété publique qu'A. était épris de O".

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