Attentat de Nice : le quartier de la Madeleine paye un lourd tribut
Une importante communauté maghrébine vit dans le quartier de la Madeleine à Nice. Entre l’émotion très forte dans les rues du quartier et la peur d’être montrés du doigt, certains habitants vivent une double peine. Un rassemblement et une messe en l’église Sainte-Marie Madeleine ont rendu hommage aux victimes ce dimanche matin.
Derrière sa caisse dans cette supérette du boulevard de la Madeleine, Les gestes de Francine sont lents et mécaniques : "C’est très dur à supporter, parce que c’est un petit quartier, on se connait tous. La dame qui est morte avec ses deux petits-enfants. Elle était adorable, je la voyais presque tous les jours au magasin. Elle s’appelait Laurence, elle avait 49 ans. Un petit garçon de 7 ans, Yanis, sa petite fille de 2 ans et demi. Ils sont morts tous les trois. Tout le quartier est touché, énormément" .
A l'union boulistes, il y a beaucoup moins d'habitués sur le terrain de pétanque. Les quelques joueurs présents ont la mine grave : "La madeleine c’est un quartier qui est assez...pas clôturé mais on est tous les uns avec les autres. Et du coup tout le monde se connait. Tout le monde connait quelqu’un qui connait quelqu’un qui a été touché. 16 décès recensés jusqu’à maintenant. Le quartier est froid. Je me suis étonnée à sortir hier soir. D’habitude le weekend c’est assez vivant, on est tous plus ou moins dehors. Mais là non, hier soir non, il n’y avait personne dans les rues".
Walid habite dans une petite ruelle à l'abri des regards. Sa famille, ses amis sont venus le soutenir autour d'un café. Un temps pour la prière et le souvenir. Walid a perdu son jeune frère Bilal sur la promenade. Il s'accroche à une photo de lui souriant au bord de la mer.
Walid demande à son cousin Mohamed de parler à sa place : "Mon cousin c’était comme mon frère. On était vraiment très proche. On passait beaucoup de temps ensemble. On passait tous les weekends ensemble. C’était quelqu’un de très gentil, très généreux. Quelqu’un aimait faire la fête quand il fallait le faire. Un jeune de 29 ans comme tous les autres jeunes qui habitent ici. Il adorait le football, il pratiquait un peu. Après au consulat de Tunisie, il y a eu une réunion après l’attentat. Trois représentants de l’assemblée nationale tunisienne ont parlé de cette double peine par rapport à l’identité de la personne qui est responsable de l’attentat et par rapport au nombre de tunisiens qui ont été touchés. C’est vrai qu’on est dans l’incompréhension. Dès que je parle de mon cousin je suis bouleversé. J’ai du mal à prendre du recul par rapport à tout ça" .
Retour sur le boulevard de la Madeleine. Dans cette pizzeria très appréciée des habitants du quartier, on trouve Sofiane derrière le comptoir : "La plupart des familles qu’on connait sont de culture musulmane. Le tueur n’a visé personne en particulier, il a visé tout le monde. Je ne sais pas si cela a un rapport, mais deux personnes qui avaient l’habitude de venir ici et de me dire bonjour, elles sont passées et elles m’ont ignoré. Moi je suis français, je suis né ici, mes parents sont français. Après c’est des origines. Il y a peu de personnes qui n’ont pas d’origine. Moi je ne me différencie pas de n’importe quel français ici. C’est une religion ce n’est pas une patrie" .
Yahia le patron va dans le même sens : "Moi je suis tunisien et je suis du même quartier que le tueur, c’est vrai, on ne va pas le renier. Après ce sont des cas isolés. Nous on travaille, on est des gens bien élevés. Les gens sont assez intelligents, ils comprennent que ce sont des minorités. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac" .
La communauté entière rassemblée ce dimanche
La procession prévue comme tous les ans ce dimanche matin en l'honneur de la patronne du quartier Sainte-Marie Madeleine a été annulée. A la place une messe pour toutes les victimes de la Madeleine. Célia Moreau, la présidente du comité de quartier : "On va être dans une église catholique mais on ne cherche pas à dire ce sont les catholiques. C’est la communauté entière qu’ils soient catholiques, musulmans, protestants, qu’ils soient israélites ou qu’ils soient athées, on est là pour se rassembler et pour dire non. On n’accepte pas que des jeunes, que des personnes qui étaient là pour s’amuser pour se divertir, pour profiter de la vie meurent de façon idiote" .
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