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Attaque au couteau à Annecy : "Pour les plus jeunes, la priorité est de rassurer et de leur permettre de comprendre que ce cauchemar est terminé", souligne une psychologue

La psychologue spécialiste des traumatismes Hélène Romano répond aux questions de franceinfo après l'attaque au couteau à Annecy qui a fait six blessés, dont quatre enfants. Elle explique comment parler aux jeunes enfants lorsqu'un drame de ce type survient.
Article rédigé par franceinfo
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Des fleurs ont été déposées en hommage aux six blessés dont quatre enfants suite à l'attaque au couteau, le 8 juin 2023. (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

L'attaque au couteau à Annecy "vient heurter nos convictions et nos croyances dans un sentiment de sécurité", explique la psychothérapeute Hélène Romano, jeudi 8 juin sur franceinfo, après qu'un homme a blessé six personnes, dont quatre enfants dans une aire de jeux au bord du lac d'Annecy, devant de nombreux témoins, notamment des enfants. "Pour les plus jeunes, la priorité, c'est de rassurer et de leur permettre de comprendre que ce cauchemar est terminé", ajoute-t-elle.

Franceinfo : Comment réagir face à cette situation si particulière ?

Hélène Romano : La première des priorités, c'est d'essayer de rassurer, en particulier les enfants pour qui la situation n'a aucun sens. Il faut leur permettre de comprendre que ce cauchemar est terminé. Le lac d'Annecy est un lieu qui n'est pas au milieu des bombes. Ce n’est donc pas un endroit où l’on peut anticiper psychiquement les choses. Et ce sont des tout-petits qui ont été agressés donc cela vient heurter nos convictions et nos croyances en un sentiment de sécurité. Dans un pays en guerre, c'est horrible, bien évidemment, mais psychiquement, on est dans un état de défense. Là, ce n'est pas du tout le cas et c'est aussi pour cela que c'est très violent.

>> Annecy : une attaque au couteau fait six victimes, dont quatre enfants en bas âge

Comment rassurer ? Faut-il expliquer, faire parler ?

Il ne faut surtout pas "faire parler". Il faut proposer de parler, ce qui n'est pas du tout la même chose. "Faire parler”, c'est très intrusif. Il y a des enfants, des ados, des adultes qui n'ont pas envie de parler à ce moment-là. Il ne faut pas les laisser seuls et essayer de mettre du sens. Mettre du sens, cela peut être par exemple expliquer les secours qui sont mis en place. Il faut essayer de réinscrire les gens dans une communauté humaine. Cela peut paraître anecdotique, mais c'est fondamental dans ces situations. Il y a aussi plusieurs niveaux de proximité avec les faits. Il y avait des passants, des parents, des enfants qui étaient dans ce parc au moment de cette attaque. Des classes de lycéens n'étaient pas loin non plus.

 En psychologie, cela s’appelle le "niveau des impliqués". Les impliqués directs sont à prendre en charge en priorité. Ce sont bien évidemment la famille, les professeurs, ceux qui sont présents, et aussi les proches qui n'étaient pas présents.

Hélène Romano, psychothérapeute

à franceinfo

La seconde priorité des impliqués directs, ce sont ceux qui ont vu et qui ont entendu les cris et les hurlements.Ensuite, les impliqués indirects, ce sont tous les autres : ceux qui étaient à proximité, ceux qui habitent Annecy, ceux qui sont parents de petits enfants, mais également ceux qui ont déjà été agressés. Je pense aux victimes d'attentats, aux victimes d'agressions conjugales et à ceux qui ont déjà été victimes d'événements traumatiques. Pour ces personnes, cet événement risque de réactiver des choses. Il faut pouvoir leur proposer une aide bien que l'on manque de professionnels formés à ce niveau-là.

Aux enfants qui ont entendu parler des faits et à ceux qui ont écouté la radio, vu la télévision et les réseaux sociaux, que peut-on leur dire ?

Il est nécessaire de répondre du mieux possible en s'adaptant à ce qu'a compris l'enfant. On a tendance à se dire que les enfants sont trop petits pour comprendre donc on ne parle pas, alors qu'ils peuvent percevoir le désespoir et l'inquiétude des parents. Il faut leur expliquer qu'il s'est passé quelque chose de grave, qu'il y a un méchant qui a fait du mal à des enfants, mais qu’il a été arrêté et que les secours sont intervenus. On peut mettre des mots parce que les enfants perçoivent très bien que les adultes sont bouleversés. C'est compliqué, car il ne faut pas être intrusif. Mais ce qui est important, c'est d'essayer d'éviter soit de banaliser, soit de forcer à la parole. C'est un équilibre à trouver. 

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