: Récit "Un mec a crié 'Tapez-les !'" : à Champigny-sur-Marne, la soirée du Nouvel An vire au passage à tabac de policiers
Deux policiers ont été roués de coups à Champigny-sur-Marne, alors qu'ils tentaient de ramener le calme en marge d'une soirée de réveillon. Récit d'une Saint-Sylvestre qui a tourné au cauchemar pour les forces de l'ordre.
Des dizaines de personnes se pressent devant le hangar de la rue Benoît Frachon, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), dimanche 31 décembre, peu après 21 heures. Elles attendent le début de la soirée "FaceBlack". L'initiative est née quelques jours plus tôt sur le groupe Facebook du même nom, qui réunit plusieurs milliers d'internautes, rapporte Libération. Selon le quotidien, l'instigateur du projet se nomme Djibril et se présente comme organisateur de soirées sur sa page "Dynastie événement".
Sur le flyer distribué aux participants, la promesse est alléchante. "Réveillon 2018, soirée de 21 heures à l’aube." Les filles peuvent entrer pour la modique somme de cinq euros et les garçons, quinze, s'ils arrivent avant minuit. La promotion de la soirée est également assurée sur Snapchat. L'organisateur accorde moins d'attention aux mesures de sécurité. Pas moins de "800 participants" sont attendus. La salle, qui accueille habituellement des fêtes religieuses, ne peut pourtant abriter que 200 personnes. Seuls quatre agents de sécurité sont engagés et ni la préfecture, ni le commissariat de Champigny-sur-Marne ne sont prévenus, indique une source municipale à Libération.
"Une queue comme à Disneyland"
Ce sont finalement des centaines de personnes qui rejoignent la zone industrielle de Champigny-sur-Marne, le soir de la Saint-Sylvestre. Devant la porte, les vigiles font entrer les jeunes par groupe de cinq. Ali arrive vers "22-23 heures". Il découvre "un monde de malade, avec une queue comme à Disneyland". "Les gens avaient froid et étaient à bout car le contrôle à l’entrée de la soirée se faisait très lentement, raconte le lycéen de 17 ans au Parisien. Comme le billet passait de 15 à 20 euros à minuit, personne ne voulait payer davantage après avoir attendu des heures." Les vigiles décident toutefois de n'autoriser de nouvelles entrées qu'une fois que des participants seront sortis. "C'est là que c'est parti en vrille", se rémémore Ali.
Un groupe d'une vingtaine d'hommes remonte la file d'attente, vers 23h15, rapporte Libération. Ils prennent à partie les vigiles et exigent d'entrer dans la salle. "Les gens ont commencé à doubler, à s’énerver…", raconte encore Ali au micro de franceinfo. Une première bousculade a lieu, suivie d'une deuxième. A l'entrée du hangar, un muret en briques s'écroule. "Des gens aussi sont tombés." L'un des vigiles fait usage de gaz lacrymogène pour repousser la foule.
Vers minuit, plusieurs personnes tentent d'entrer par la porte arrière. Les vigiles les repoussent, mais des bagarres éclatent avec des fêtards alcoolisés. Sur un autre côté du bâtiment, un groupe force un rideau de fer. "Il y avait un mur de placo derrière le rideau de fer, ils l'ont défoncé aussi", témoigne un ami du propriétaire, interrogé par Le Point.
"Ça n'arrêtait pas de péter"
Le propriétaire finit par appeler la police, qui arrive sur les lieux quelques instants plus tard. "On a vu les CRS avec leurs boucliers, ils tiraient des flash-balls", poursuit Ali. Le jeune homme affirme avoir été touché à la cuisse. D'autres répliquent par des tirs de projectiles ou avec des extincteurs dénichés dans des bâtiments voisins. Manu, dont la voiture est garée derrière le hangar, voit "des trucs qui volent dans tous les sens, des gens qui cavalent". "Ça n'arrêtait pas de péter, il y avait de la fumée partout... C'était une catastrophe", ajoute Ali sur franceinfo. Des dizaines de capsules de gaz et des cartouches de lanceurs de balles de défense jonchent les trottoirs près de la salle, selon Libération.
"Je n’excuse pas ce qui s’est passé, mais ils [les policiers] ont réagi trop brusquement", estime le lycéen. La panique gagne les participants de la soirée. Plusieurs centaines de personnes se mettent à courir, tentant de quitter la zone industrielle. A quelques centaines de mètres de la salle, deux policiers de Chennevières-sur-Marne arrivent en sens inverse et se retrouvent au milieu de la foule. Laurie, une gardienne de la paix d'une vingtaine d'années, est membre d'une brigade de roulement de nuit, selon L'Express. La jeune femme est accompagnée de Dominique, un capitaine de police de 47 ans.
Un mec a crié 'Tapez-les !'. Toute la haine que les gens avaient, ils l’ont déversée sur la dame et le monsieur.
Ali, témoin de l'agressionau "Parisien"
Le lycéen affirme qu'une "bonne vingtaine de personnes se sont jetées" sur les fonctionnaires. Laurie se retrouve au sol, recroquevillée sous les coups de pieds et de poing. Dominique est lui aussi passé à tabac par des individus "de toutes les couleurs, avec des filles aussi". Autour d'eux, plusieurs jeunes filment la scène, avant de poster la vidéo sur les réseaux sociaux.
La policière "avait la bouche en sang"
"Quand ils ont été moins nombreux, quelqu’un a essayé de prendre [l'arme de la gardienne de la paix], détaille Ali. J’ai dit 'c’est bon, lâchez-la'." Le jeune homme décide de venir en aide à la policière. "Lorsque je me suis approché d’elle pour la relever, elle avait la bouche en sang et semblait presque évanouie", poursuit-il, cette fois dans les colonnes de Libération.
Couverte de contusions, Laurie se voit prescrire sept jours d'incapacité totale de travailler (ITT). Dominique, lui, obtient dix jours d'ITT. L'officier de police, qui n'avait jamais été victime d'une telle agression en vingt ans de carrière, souffre d'une fracture au nez. Le médecin n'a pu déterminer s'il aura besoin d'une opération, tant les hématomes étaient étendus le soir de la Saint-Sylvestre. "Ils sont très choqués psychologiquement mais physiquement, ils remontent la pente, confie un responsable de la police de Chennevières-sur-Marne à L'Express. Les lésions auraient pu être plus graves."
Deux individus, arrêtés en marge des échauffourées, ont été arrêtés et placés en garde à vue dimanche 31 décembre. Soupçonnés de dégradations, ils ont finalement été relâchés mardi. L'un d'eux sera convoqué ultérieurement devant le tribunal de Créteil pour "outrage et rébellion".
La police de Champigny-sur-Marne, chargée de l'enquête, cherche désormais à identifier les agresseurs à partir des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Ali, lui, se désole de l'attaque dans un entretien au Parisien. "Les gens ont été traités comme des animaux et certains se sont malheureusement comportés comme des animaux." Le parquet de Créteil a également ouvert une enquête pour "mise en danger de la vie d’autrui" et "ouverture au public d’un établissement sans autorisation", pour faire la lumière sur les circonstances de l'organisation de ce réveillon.
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