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DSK, ou comment redevenir respectable en quatre étapes

L'ancien directeur du FMI a accordé un entretien à CNN, mardi. La dernière phase d'un retour au centre du jeu médiatique.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Dominique Strauss-Kahn sort du Sénat après avoir été entendu par une commission parlementaire, mercredi 26 juin 2013 à Paris. (MARTIN BUREAU / AFP)

Pas à pas, Dominique Strauss-Kahn revient sur le devant de la scène. Deux semaines après avoir parlé fiscalité face aux sénateurs, l'ancien patron du FMI a fait une sortie médiatique remarquée, mardi 9 juillet, sur la chaîne américaine CNN.

Il a profité de l'occasion pour évoquer l'affaire du Sofitel de New York, et livrer son analyse sur le système bancaire européen. Cet entretien constitue la dernière étape en date dans la nouvelle mission de DSK : redevenir respectable aux yeux de ses pairs. Francetv info vous explique comment il s'y emploie.

1Tourner la page du Sofitel

Pour Strauss-Kahn, la première étape d'un éventuel retour en grâce consiste à solder l'héritage de l'affaire du Sofitel de New York, qui a précipité sa chute politique. Il s'y est d'abord employé avec l'aide de ses avocats. Le volet américain de l'affaire DSK est en effet clos depuis le 10 décembre 2012. C'est à cette date que ses avocats et ceux de Nafissatou Diallo, qui l'accusait d'agression sexuelle, ont trouvé un accord financier mettant fin à la procédure civile. Un an auparavant, le procureur de New York avait abandonné les charges pénales qui pesaient sur DSK, jugeant que la parole de la plaignante n'était pas crédible.

Mais si l'affaire du Sofitel est close d'un point de vue civil et pénal, il n'en était pas de même d'un point de vue médiatique. Depuis une interview très policée accordée à TF1 en septembre 2011, l'ancien patron du FMI n'avait en effet plus dit un mot à ce sujet devant les caméras.

DSK a donc choisi de clore cette longue séquence médiatique lors d'un entretien accordé à CNN. Face à un journaliste vedette de la chaîne diffusée dans le monde entier, il a joué la carte du responsable politique qui fend l'armure. Dans un anglais impeccable, il a expliqué avoir trouvé "terrible" le fait que des images de lui, menotté et encadré par des policiers, aient pu être diffusées. Et d'enchaîner immédiatement sur les failles du système bancaire européen. Une façon de montrer qu'en ancien directeur du FMI, il n'a rien perdu de ses capacités d'analyse économique.

VIDEO. DSK évoque le "moment terrible" de son arrestation (M. BOISSEAU / V. LABENNE / FRANCE 2)

2Se débarrasser de ses ennuis judiciaires 

Outre l'affaire du Sofitel, le nom de Dominique Strauss-Kahn est depuis 2011 associé à deux autres affaires de mœurs : celle du Carlton de Lille (Nord), ainsi qu'une accusation d'agression sexuelle envers Tristane Banon... Pourtant, au fil des mois, l'ancien favori des sondages pour la présidentielle de 2012 a réussi à déminer le terrain de ses soucis judiciaires.

A l'image du volet américain de l'affaire DSK, les accusations de Tristane Banon, la romancière qui avait porté plainte contre Strauss-Kahn pour "tentative de viol" et "agression sexuelle" pour des faits remontant à 2003, se sont rapidement dégonflées. En octobre 2011, le parquet de Paris a en effet décidé de classer sans suite la plainte de Banon, les faits d'agression ayant été reconnus, mais prescrits.

Reste l'affaire du Carlton de Lille, au cours de laquelle l'ancien ministre de l'Economie a été mis en examen pour "proxénétisme aggravé en bande organisée". Mais là encore, les choses se présentent plutôt bien pour DSK. Le 11 juin, le parquet de Lille a requis un non-lieu en sa faveur, estimant que son comportement sexuel dans cette affaire "ne relève pas du droit, mais de la morale"

Pour l'heure, aucun juge n'a formellement déclaré l'ex-patron du FMI innocent dans ces trois cas. Mais à chaque fois, les décisions prises lui ont permis de voir s'éloigner son nom de la colonne "affaires" des journaux. 

3Retrouver les feux des projecteurs

Les ennuis judiciaires quasi-écartés, DSK a pu goûter de nouveau à la vie publique. On l'a ainsi vu débouler sur le tapis rouge du festival de Cannes, samedi 25 mai. Au bras de sa nouvelle compagne, tout sourire, il a monté les marches du palais des Festivals pour assister à la projection du dernier film en compétition.

Dix jours plus tard, c'est dans les gradins de Roland-Garros que l'ancien ministre a été aperçu. Certains de ses proches, cités par Europe 1, jugent Strauss-Kahn "détendu, libre", après avoir été contraint durant plusieurs mois à la discrétion. Interrogé par Le Parisien, son ami Laurent Azoulai croit même savoir que DSK "adore lire ou entendre dans les médias les interprétations sur ses moindres faits et gestes". "Il est passé par des moments tellement durs qu'il a envie de jouer un peu", continue-t-il.

Dominique Strauss-Kahn assiste, avec sa compagne, à la finale de Roland-Garros opposant Serena Williams à Maria Sharapova, à Paris, le 8 juin 2013. (THOMAS COEX / AFP)

4Incarner à nouveau l'expertise en économie

Dernière étape du retour en grâce de DSK : faire à nouveau parler de lui pour son expertise économique. Le 24 septembre, Rue89 rapportait que l'ancien patron du FMI avait créé une société, Parnasse. Les activités prévues par ses statuts concernent des "conseils, conférences, informations dans les domaines économique, social, immobilier, politique tant en France qu’à l’étranger".

De fait, celui dont les journaux louaient l'expérience en matière d'économie multiplie les interventions sur ce thème depuis plusieurs mois. Forum économique à Pékin (Chine), conférence à Cambridge (Royaume-Uni), débat sur la crise de l'euro à Yalta (Ukraine)... DSK est invité partout dans le monde pour exposer son analyse. Et cela semble le ravir. "Il s’éclate dans ce qu’il fait, choisit les dossiers qui l’intéressent. Il est libre et n’a de comptes à rendre à personne", poursuit Azoulai dans Le Parisien.

De quoi redevenir prophète en son pays ? Cela semble difficile, tant son intervention devant les sénateurs, mercredi 26 juin, a soulevé l'indignation. Le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi, invoque ainsi des "raisons morales" pour dire sa désapprobation, tandis que la patronne du Front national, Marine Le Pen, a déploré sur Europe 1 "l'image assez humiliante de la France à l’étranger" donnée, selon elle, à cette occasion. Du côté du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a sobrement indiqué qu'elle n'aurait pas "particulièrement recherché son expertise" en matière d'évasion fiscale. Qu'importe : après des mois de diète publique, DSK parle à nouveau d'économie, et il semble que cela suffise à son bonheur.

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