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Bordels, clip de rap et cravates club : la vie dissolue de Dodo la Saumure

Dominique Alderweireld est renvoyé devant la justice dans l’affaire du Carlton pour "proxénétisme aggravé". Le sexagénaire y voit une occasion de plus de faire parler de lui.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Dominique Alderweireld, dit Dodo la Saumure, pose dans son nouveau club, baptisé alors DSKlub, le 30 avril 2014 à Blaton (Belgique).  (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Son passage à la barre promet d’être croquignolesque. Avec DSK, Dodo la Saumure, 66 ans, est l’autre personnage médiatique de l’affaire du Carlton, dont le procès fleuve s'est ouvert lundi à Lille (Nord). Il est entendu ce jeudi 5 février. Poursuivi, comme 13 autres prévenus, pour "proxénétisme aggravé", le sulfureux sexagénaire n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice.

Avec treize condamnations au compteur, Dominique Alderweireld, de son vrai nom, ne semble pas craindre ce nouveau procès. Au contraire : il en attend beaucoup. Car Dodo, qui a l’âme d’un entrepreneur, sait surfer sur sa notoriété. Il n'a pas hésité à exploiter le filon de l’affaire du Carlton et la médiatisation à laquelle elle l'a exposé depuis qu'elle a éclaté. 

Clip de rap et autobiographie

La preuve en plusieurs saynètes. Lors d’une rencontre avec une journaliste de Libération en janvier 2012, Dodo souhaite que son adresse mail (dodolasomure@yahoo.fr) figure dans le portrait publié en dernière page du journal. Objectif : trouver des investisseurs pour ses nombreux projets : un club de massage pour femmes, mais surtout une "maison de plaisir" pour personnes handicapées.

En février 2013, il est le héros du nouveau clip du rappeur français Seth Gueko, grand fan de Mesrine et des gangsters. Le truculent personnage pose en manteau de fourrure et lunettes de soleil, un gros cigare aux lèvres.

En avril, celui qui est à la tête de plusieurs établissements de prostitution en Belgique - où ce commerce est interdit, mais toléré - annonce l’ouverture d’une nouvelle "maison de plaisir" près de la frontière française, baptisée le "DSK". Pour "Dodo Sex Klub, en flamand", assure-t-il. Rien à avoir avec l’ex-patron du Fonds monétaire international donc… La justice n’en croira rien et lui interdira d’utiliser ces initiales.

En mai 2013, Dodo la Saumure continue de surfer sur la vague et publie une autobiographie, coécrite avec le journaliste Jean-Pierre Saccani. Moi, Dodo la Saumure (Denoël) se vend à près de 20 000 exemplaires.

Père de trois filles

Ce natif d’Annoeullin, dans le Nord, a toujours assumé ses activités. Selon Libération, il a ouvert son premier bordel en 1970 grâce aux 800 euros prêtés par son grand-père. Réfutant le terme de "proxénète", il préfère se définir comme "taulier" ou "souteneur". Voire "maquereau". Son sobriquet lui vient d’ailleurs du nom de la préparation saline dans laquelle trempent ces poissons.

Dans l’affaire du Carlton, la justice lui reproche d'avoir envoyé depuis la Belgique des prostituées dans la région lilloise, ainsi qu'à Paris et aux Etats-Unis. L'une d'elles, Jade, dit avoir participé à des "parties fines" avec DSK. "Je n'ai jamais reçu d'argent et les filles que j'emploie sont indépendantes", rétorque-t-il à un journaliste de l’AFP, accoudé au bar d'un de ses clubs, le Low Cost, implanté le long d'une allée sordide de Tournai. Du haut de son mètre soixante-quinze, cet homme bedonnant et chauve, père de trois filles, jure la main sur le cœur "ne jamais avoir contraint quiconque à se prostituer".

"Une enfance difficile"

S’il se moque d’être traité de maquereau et se dit même fier de son surnom, Dodo la Saumure ne supporte pas d’être qualifié d'"inculte". "Vous pouvez écrire que je suis un souteneur, mais pas que je suis inculte", lance-t-il aux différents médias qui l’ont rencontré. Une vieille blessure ? "J’ai fait de très mauvaises études, j’avais pas envie", raconte-t-il à Libération. Dans son autobiographie, il affirme avoir traversé une "enfance difficile" dans différentes localités du Nord, où il ne pouvait se laver qu'une fois par semaine.

Cancre en classe - il a triplé sa 6e -, dyslexique, il se retrouve chez les jésuites à Armentières, une expérience dont il gardera un profond anticléricalisme. A 17 ans, il commet son premier cambriolage et, à 18 ans, fréquente sa première "marmite", une prostituée, dans l'argot fleuri du "mitan" qu'il se plaît à utiliser.

Dodo la Saumure n’a peut-être "pas eu le bac" mais il a du vocabulaire, enfin, le sien. Dans ses nombreuses interviews, il se plaît à citer la compagne de Périclès, Aspasie, qui tenait elle aussi, selon lui, "un bordel". Dans son livre, il philosophe : "Pour connaître la liberté, il faut avoir connu la prison. Une maxime toute personnelle que je me suis forgée par la raison. J'ai coutume de dire que je suis stoïcien. Il vaut mieux changer ses idées que le monde…" A la fin de l’ouvrage, il publie son propre lexique, le "Dodo pour les naves" (les non affranchis), digne des dialogues d’Audiard. On y apprend qu'"avoir les arêtes qui poussent" est l’autre expression pour dire "devenir un mac".

Ceinture noire de karaté, cuisinier à ses heures

Des arêtes, Dodo la Saumure en a avalé plusieurs avant de s’établir comme "tenancier" dans les années 1990 en Belgique. Après avoir monté son premier bar à hôtesses avec les sous de son papy, le jeune Dominique veut s’essayer à d’autres carrières. "Mon premier job, c'était dans une banque, confie-t-il à L’Express. Le patron m'a demandé de retirer ma cravate club, car elle était trop voyante. Je n'y ai plus remis les pieds."

Puis il tente "l’aventure aux Etats-Unis pour vendre des vêtements. Mais les femmes y étaient trop grosses", lâche-t-il dans Libération. Son parcours sinueux oscille ensuite de combines dans l'immobilier à l'organisation de défilés de mode chez des concessionnaires automobiles, en passant par l'implantation de machines à sous ou encore un commerce de viande entre le Mali et la Côte d'Ivoire dans les années 1970. "J'ai été le croque-mort de quelques sociétés", admet cette ceinture noire de karaté.

Il retourne ensuite s’établir dans le plat pays, où il prospère dans le business des bars à hôtesses. Il y rencontre Béatrice Legrain, dite Béa, ou Lola, selon La Voix du Nord. Cette femme de 41 ans, originaire de Lille, est elle aussi mise en examen dans l’affaire du Carlton pour "proxénétisme aggravé". De Dodo, elle disait en 2012 dans Libération "C’est un bon compagnon… qui fait très bien la cuisine. Il fait aussi très bien l’amour, voilà, je n’ai rien à cacher."

DSK ? Connaît pas

Béatrice Legrain est elle aussi gérante d’un "bar à filles". Elle affirme avoir éconduit DSK alors qu’il tentait de la suivre dans les toilettes après un déjeuner à Paris, lors d’un après-midi de "libertinage".

Dodo la Saumure, lui, jure n’avoir jamais rencontré l’ancien ténor socialiste. René Kojfer, l’ex-directeur des relations publiques du Carlton, lui aussi renvoyé devant la justice et ami de longue date de Dominique Alderweireld, serait le seul lien entre les deux hommes. "Je ne connais pas DSK même si j’aurais adoré le rencontrer, parade Dodo la Saumure dans La Voix du Nord. Je suis sûr qu’on aurait eu moult sujets de discussion."

Les deux "D" de l’affaire, assis au premier rang des bancs des prévenus, ont confirmé ne pas se connaître lors du premier jour du procès.

En prévision de son audition, ce jeudi, le taulier se met sur son 31. Il glisse à nos confrères de France 3 : "Je suis allé me faire blanchir les dents en Espagne et j'ai mis les costumes du dimanche de côté." Alors qu’il risque dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende, Dodo la Saumure se dit "confiant", qualifiant cette affaire de "pantomime"

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