Procès des viols de Mazan : Gisèle Pelicot invite la société à "changer les mentalités", affirment ses avocats lors de leur plaidoirie

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
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Antoine Camus et Stéphane Babonneau, les avocats de Gisèle Pelicot, à la sortie de leurs plaidoiries, au tribunal d'Avignon (Vaucluse), le 20 novembre 2024. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
"Comment en France, en 2024, une femme peut-elle encore subir ce qui a été infligé à Gisèle Pelicot pendant au moins dix ans ?", s'est interrogé l'avocat Antoine Camus à la barre.

La fin d'un éprouvant procès. Après onze semaines d'audience et l'audition de 50 accusés devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, le procès des viols de Mazan est entré dans sa phase finale, mercredi 20 novembre, avec le début des plaidoiries des parties civiles. "Par ce geste presque politique de renoncer au huis clos", le 2 septembre, à l'ouverture de ce procès, Gisèle Pelicot a "invité toute la société à se poser des questions, à changer les mentalités, pour un avenir qui romprait enfin avec une violence qu'on voudrait d'un autre âge", a estimé Antoine Camus, le premier à plaider en fin de matinée. 

"Comment en France, en 2024, une femme peut-elle encore subir ce qui a été infligé à Gisèle Pelicot pendant au moins dix ans ?", s'est insurgé l'avocat. "Comment en France, en 2024, peut-on trouver au moins 50 hommes, mais en réalité 70 individus, dans un rayon de 50 kilomètres, pour venir profiter de ce corps inerte, sans conscience, qu'on croirait mort ?", a-t-il poursuivi. 

"Les débats ont établi que tous, en quittant cette maison de l'horreur, avaient compris que d'autres étaient passés avant."

Antoine Camus, avocat de Gisèle Pelicot

devant la cour criminelle du Vaucluse

"Aucun n'a cru bon d'alerter la police : on dénombre plus de 200 viols en dix ans", a relevé Antoine Camus, se référant au concept de la "banalité du mal" de la philosophe Hannah Arendt, déplorant que tous les accusés aient "contribué à cette monstruosité"

"Une forme de maltraitance de prétoire"

L'avocat est également revenu sur les questions qui ont été posées à la victime, portant sur "les signaux" qu'elle aurait dû voir, selon la défense, concernant les viols qu'elle a subis alors qu'elle était droguée aux anxiolytiques. "Comment imaginer que le danger vient de l'intérieur, au cœur même d'un foyer que l'on pense sécurisant et aimant ?", questionne-t-il. 

Il regrette aussi un passage quasi obligé durant ces semaines de procès : faire la "démonstration qu'on est une bonne victime. Comme si le fait pour une femme d'avoir, hors la scène de crime, une sexualité libérée, peut-être même débridée, serait disqualifiant pour occuper le banc des parties civiles", a-t-il observé. Gisèle Pelicot a été interrogée sur sa sexualité à plusieurs reprises et 27 photos intimes d'elles ont été projetées, à la demande de la défense. 

"On lui a même reproché de ne pas pleurer assez. Une manière de suggérer qu'il y aurait une connivence suspecte [avec son ex-mari]", estime l'avocat, se référant aux questions posées la veille par la défense. Pour lui, ces interrogations se sont apparentées à une "forme de maltraitance de prétoire". 

"Le violeur, c'est l'homme qui commet un viol" 

Stéphane Babonneau, qui plaidait aussi mercredi, a critiqué la ligne de défense des accusés "qui reconnaissent avoir pénétré Gisèle Pelicot sans avoir recueilli son consentement". "Mais la conclusion qu'ils tirent de ces constats est qu'elle n'a pas été victime d'un viol de leur part", a-t-il relevé. Ils plaident en fait "une simple et banale erreur d'appréciation, dont ils rendent Dominique Pelicot responsable".

"Le consentement de Gisèle Pelicot n'a jamais été un sujet de préoccupation pour les accusés. Leur mépris souverain transpire dans le dossier pénal et dans les propos tenus à cette barre."

Stéphane Babonneau , avocat de Gisèle Pelicot

devant la cour criminelle du Vaucluse

Il s'est ensuite penché sur le profil des accusés, questionnant l'analyse de certains experts à la barre qui définissent un agresseur sexuel selon certains critères. "On entend que les hommes accusés de viols seraient appréciés, intégrés, n'auraient pas le profil de violeur", observe l'avocat de la partie civile. "Le violeur, c'est l'homme qui commet un viol. C'est tout. Sans plus, sans moins".

Le début des réquisitions prévu lundi

Un peu plus tôt dans la journée, le principal accusé, Dominique Pelicot, a été entendu une dernière fois et a présenté ses excuses à son ex-femme et à leurs enfants. "Je n'imaginais pas à ce point que ça faisait autant de mal pour eux", a-t-il déclaré. "Tu finiras seul comme un chien !", l'a invectivée sa fille Caroline Darian, à l'autre bout de la salle d'audience, rouge de colère.  

Après les premières plaidoiries, le procès sera suspendu jeudi et vendredi, pour permettre au ministère public de préparer son réquisitoire. Le parquet a la tâche d'individualiser les peines de Dominique Pelicot d'un côté, et des 50 coaccusés de l'autre, âgés de 26 à 74 ans. Si la plupart sont poursuivis pour les mêmes faits, des viols aggravés sur Gisèle Pelicot, et encourent donc jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle, la justice doit prendre en compte le parcours personnel de chacun.

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