Procès des viols de Mazan : des peines de quatre à vingt ans de prison requises contre les 51 accusés

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
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Gisèle Pelicot lors du procès à Avignon (Vaucluse), le 26 novembre 2024. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
La peine maximale avait été demandée lundi contre Dominique Pelicot, décrit comme le "chef d'orchestre" des viols commis pendant une décennie sur son épouse.

La fin d'un long réquisitoire. Des peines de quatre à vingt ans de prison ont été demandées par l'accusation contre les 51 accusés au procès des viols de Mazan, lors d'un réquisitoire conclu mercredi 27 novembre et qui aura duré trois jours, devant la cour criminelle du Vaucluse à Avignon. Le verdict est attendu au plus tard le 20 décembre.

"Vingt ans pour chacun !", réclamaient des militantes féministes dès lundi, en déployant une immense banderole sur les remparts de la ville. Soit la peine maximale encourue pour des faits de viols aggravés. C'est bien celle qui a été requise contre Dominique Pelicot, décrit comme le "chef d'orchestre" de la décennie de viols sur son ex-épouse, qu'il droguait aux anxiolytiques pour la livrer à des inconnus recrutés sur internet. La vice-procureure Laure Chabaud est longuement revenue sur la personnalité "structurée sur un mode pervers" de l'homme de 71 ans contre qui la peine la plus importante a été requise. Toutes les autres s'étalent entre 10 et 18 ans de réclusion criminelle.

Lundi, la magistrate a rappelé les deux circonstances aggravant les faits de viols ou tentatives de viols, reprochés aux coaccusés de Dominique Pelicot : la réunion et la soumission chimique. Seul Joseph C., 69 ans, est poursuivi pour agression sexuelle en réunion, car aucun acte de pénétration n'a été observé sur les vidéos le concernant. Le parquet requiert à son encontre quatre ans de prison ferme avec un mandat de dépôt, soit la plus faible des peines requises lors de ce procès.

"Le viol ordinaire n'existe pas"

Laure Chabaud a repris la parole mercredi matin, pour appeler solennellement la cour criminelle du Vaucluse à signifier "que le viol ordinaire n'existe pas, que le viol accidentel ou involontaire n'existe pas", reprenant ainsi l'argumentaire de certains accusés. 

Dès le début de ce réquisitoire fleuve lundi, les accusés ont compris que les peines réclamées iraient crescendo. Pour Didier S., premier cas abordé après Joseph C., le couperet tombe lundi en début d'après-midi : "Je demanderai de le condamner à dix ans de réclusion criminelle", lance Laure Chabaud, derrière son pupitre. Le retraité de 68 ans est venu une fois au domicile du couple Pelicot et n'avait pas de casier judiciaire. Un brouhaha monte sur les bancs des accusés : ils saisissent à cet instant que les peines requises ne descendront pas en dessous de ce seuil.

Dix ans sont également réclamés contre Patrick A., 60 ans, qui se déclare homosexuel et assure être venu pour avoir une relation sexuelle avec Dominique Pelicot. Pourtant, "une conversation Skype parfaitement explicite" a montré que le septuagénaire lui avait confié avant sa venue qu'il aimait faire "tringler" son épouse endormie. Celui-ci lui avait également donné des consignes pour ne pas la réveiller. Mêmes réquisitions pour Jacques C., Hugues M., Jean-Marc L., Ghabi S., Simone M., Philippe L., Paul G., Ludovick B. et Mathieu D. 

Onze ans sont demandés contre Andy R., âgé de 31 ans lorsqu'il s'est rendu à Mazan, le 31 décembre 2018. Cet ouvrier agricole, qui avait déclaré à l'audience n'avoir "rien d'autre à faire" le soir du Nouvel An, fait partie de la minorité d'accusés qui reconnaissent les viols aggravés. Mais il a déjà été condamné pour violences conjugales, ce qui a manifestement motivé le ministère public à faire preuve de sévérité à son égard. La même peine est requise pour Quentin H., 34 ans, ex-policier et surveillant pénitentiaire au moment des faits, qui a failli à son devoir d'exemplarité.

La soumission chimique des accusés irrecevable pour le ministère public 

Les peines se sont alourdies au fil des réquisitions. Les dénégations contribuent manifestement à accentuer leur sévérité. Pour Patrice N., électricien de 55 ans, la réquisition passe le seuil des douze ans. L'homme, très volubile, a prétendu ne se souvenir que des pénétrations digitales sur la victime, alors qu'il avait pourtant effectué plusieurs pénétrations péniennes sur celle-ci, sans préservatif. 

Husamettin D., qui figure dans le même quantum de peine requise, a expliqué ne pas avoir voulu toucher Gisèle Pelicot à son arrivée dans la chambre "car il pensait qu'elle était morte", rapporte la vice-procureure, indignée. Elle déplore "les explications confuses et contradictoires" de ce quadra, pour qui "dans son idée, la victime faisait semblant de dormir". 

Douze ans sont également réclamés à l'encontre de Cyrille D., Redouan E., Boris M., Cyril B., Thierry P., Omar D., Mahdi D., Ahmed T., Redouane A., Lionel R, et Jean T. Ce dernier a affirmé tout au long de la procédure, et pendant l'audience, "ne plus se souvenir de rien", rappelle Jean-François Mayet. L'accusé de 52 ans pense avoir été drogué par un verre de soda que Dominique Pelicot aurait offert, ce que le septuagénaire dément. Pourtant, sur les vidéos, Jean T. agit "de façon consciente, non mécanique, et manifeste ce qui ressemble à un geste de satisfaction en levant le pouce face à la caméra", relate l'avocat général.

La détention de contenus pédopornographiques comme facteur aggravant

Treize ans ont été requis contre six autres accusés, au regard, semble-t-il, de leur passif judiciaire. C'est le cas de Nizar H., qui a été condamné pour violences conjugales à l'égard de la mère de son fils en 2015 et de son ex-compagne en 2018. Il en est de même pour Adrien L., déjà condamné pour des faits de violences et de viols sur d'anciennes petites amies.

Parmi eux, figurent aussi Florian R. et Cyprien C. qui comptent tous les deux neuf mentions à leur casier respectif. Pour le premier, âgé de 32 ans, il s'agit de faits de conduite sans permis, de vol en réunion et de recel de stupéfiants. Pour le second, 44 ans, principalement de délits routiers mais aussi d'atteintes aux biens.

Mardi midi, un cap est franchi dans une salle d'audience de plus en plus fébrile : quatorze ans sont demandés à l'encontre de six hommes, dont quatre sont poursuivis pour détention de contenus à caractère pédopornographiques. Le cas le plus marquant est celui de Thierry P., chez qui les enquêteurs ont retrouvé pas moins de 656 photos et 419 vidéos de ce type. L'accusé de 61 ans avait également échangé avec un homme qui proposait sa propre fille, auquel "il répondait favorablement", souligne l'avocat général.

Jusqu'à 18 ans requis pour s'être rendu six fois à Mazan

Mardi après-midi les peines montent, et la tension avec. Quinze ans sont demandés à l'encontre de trois hommes dont Hassan O. (en fuite), et Joan K., 27 ans, le plus jeune des accusés, qui s'est rendu deux fois à Mazan, en 2019 et 2020. Cet ancien militaire avait affirmé au cours de ses premières auditions "qu'il avait été accueilli par Gisèle Pelicot éveillée". "Son positionnement fluctuant" est pointé du doigt par l'avocate générale. Tout comme celui de Vincent C., également poursuivi pour deux séries de faits.

Pour les quatre accusés venus à six reprises au domicile du couple Pelicot, le ministère public réclame 16 à 18 ans de réclusion criminelle. Parmi eux, Charly A. s'est rendu à Mazan pour la première fois en janvier 2016, alors qu'il n'avait que 21 ans. Détenu depuis février 2021 dans le cadre de cette affaire, cet accusé au "contexte éducatif très instable" est apparu particulièrement effacé lors de son interrogatoire.

De même, Romain V., 63 ans, est revenu à la barre, en pleurs, sur son enfance teintée de violences physiques et d'humiliations de ses parents, ainsi que de violences sexuelles répétées de la part d'un prêtre. Mais, à cause notamment de "son discours banalisateur, sans recherche des raisons de son comportement", l'avocat général requiert 18 années de réclusion à son encontre.

Enfin, pour Cédric G. et Jean-Pierre M. qui ont pu être perçus comme des disciples de Dominique Pelicot, le ministère public a demandé respectivement 16 et 17 ans de réclusion. Le premier a longuement envisagé de soumettre chimiquement l'une de ses ex-compagnes, avant de se rétracter. Le second n'est pas poursuivi pour viols sur Gisèle Pelicot mais sur sa propre épouse endormie, à plusieurs reprises, avec la participation de Dominique Pelicot.

"Des réquisitions totalement disproportionnées"

Si ces réquisitions sont suivies par les cinq magistrats professionnels de la cour criminelle du Vaucluse, l'ensemble des accusés devrait aller en prison le jour du verdict, attendu autour du 20 décembre, puisque les avocats généraux ont systématiquement requis du mandat de dépôt. "Je considère que ce sont des réquisitions totalement disproportionnées", déplore Louis-Alain Lemaire, l'avocat de quatre accusés.

De même, son confrère Patrick Gontard, qui défend Jean-Pierre M., dit "halluciner" devant ce réquisitoire. "Procès hors norme, réquisitions hors norme !", lance-t-il. Plus mesuré, Emile-Henri Biscarrat rappelle que s'ouvrent dès mercredi deux semaines et demie de plaidoiries de la défense, qui seront "l'occasion de rappeler l'ardente exigence que la cour devra avoir pour individualiser les peines". 

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