Procès des viols de Mazan : accusé d'avoir drogué et livré sa femme à des hommes, Dominique Pelicot est aussi le suspect numéro un dans des affaires de viol et meurtre

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Un dessin du principal accusé de l'affaire des viols de Mazan, Dominique Pelicot, lors d'une audience au tribunal d'Avignon (Vaucluse), le 11 septembre 2024. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)
Le mari de Gisèle Pelicot est mis en examen depuis près de deux ans pour un meurtre précédé d'un viol à Paris en 1991, et une tentative de viol avec arme commise en Seine-et-Marne en 1999.

Il est l'homme accusé d'avoir drogué sa femme avec des médicaments, entre 2011 et 2020, à Mazan, un village du Vaucluse, avant de la livrer à des hommes. Dominique Pelicot est jugé aux côtés de 50 d'entre eux, qui comparaissent principalement pour viols aggravés, devant la cour criminelle du Vaucluse. Une affaire hors norme, dont le procès retentissant s'est ouvert le 2 septembre, mais dont la poursuite est incertaine, en raison de l'état de santé du principal accusé. Néanmoins, ce n'est pas le seul dossier dans lequel le septuagénaire est mis en cause.

La première affaire remonte au 4 décembre 1991. Ce jour-là, Sophie Narme a rendez-vous, aux alentours de 10 heures, avec un client, qui se fait appeler Monsieur Duboste, pour lui faire visiter un appartement, rue Manin, dans le 19e arrondissement de Paris. Puis elle ne donne plus de nouvelles de la journée. Vers 21h30, son employeur, alerté par les parents inquiets de la jeune femme, se rend sur les lieux. Il voit sa voiture garée devant l'immeuble. Il entre dans l'appartement, dont il a un double des clés pour le faire visiter, allume la lumière, puis découvre le corps sans vie de Sophie Narme. "C'était une jeune femme de bonne famille, âgée de 23 ans, qui voulait se lancer dans l'immobilier, employée dans cette agence depuis un mois à peine", précise à franceinfo l'avocate de sa famille, Florence Rault. 

Un mode opératoire similaire dans deux affaires

Sophie Narme gît face contre terre, sur le ventre. Ses cheveux couvrent son visage. L'homme qui a commis les faits "l'a entravée puis endormie à l'éther", "a déchiré son soutien-gorge, l'a violée avant de l'étrangler avec la ceinture de sa jupe", poursuit Florence Rault. "Elle a perdu toutes les bagues qu'elle avait aux doigts, des signes qui évoquent des tentatives de se débattre", complète l'avocate. Sa peau est "tailladée", elle a "des blessures", ajoute-t-elle. "L'agresseur a probablement utilisé une arme blanche, sûrement un cutter." Un témoin a vu passer "un homme avec un imperméable", mais les voisins n'ont rien entendu, selon Florence Rault. Pendant des années, l'enquête s'enlise. Jusqu'à ce que le pôle cold cases, dédié aux crimes sériels ou non élucidés, créé en mars 2022 au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), soit saisi de l'affaire.

Comment les enquêteurs sont-ils remontés jusqu'à Dominique Pelicot ? C'est l'une des trois juges d'instruction du pôle qui a fait le lien avec un autre crime : une tentative de viol avec arme, commise à Villeparisis (Seine-et-Marne), le 11 mai 1999, sur Marion*, une jeune femme alors âgée de 19 ans, qui faisait visiter un appartement. Le rapprochement s'est fait "compte tenu notamment du mode opératoire des agressions et du contexte des faits, tous deux commis dans le cadre d'une visite d'appartement, les deux victimes étant toutes deux agents immobiliers", précise à franceinfo le parquet de Nanterre. Les deux dossiers mentionnent la présence de petites cordelettes. Sa manière de dévêtir les victimes, singulière, est similaire dans les deux affaires. "Ce qui s'est passé en 1999 débute comme en 1991. On retrouve l'éther, le cutter et des liens", expose Florence Rault, qui représente également Marion.

"En voyant la jeune femme, j'ai eu une pulsion"

"Un homme est entré dans l'agence immobilière et s'est directement adressé à elle, en lui disant qu'il était à la recherche d'un appartement de façon urgente. Il était avenant et présentable : Marion ne s'est pas méfiée. Elle pense à un appartement situé à proximité et l'emmène en voiture", relate l'avocate. La visite commence. Puis l'homme s'interroge : "Est-ce que mon lit rentre à cet endroit ?" "Marion prend son mètre dans sa poche. La chambre est sous pente, elle se met à genoux pour mesurer", rapporte Florence Rault. 

"Il l'attaque par-derrière et appuie un tampon d'éther sur sa bouche. Elle se débat, il la jette au milieu de la pièce. C'est très violent."

Florence Rault, avocate d'une victime de tentative de viol

à franceinfo

"Puis elle sent une lame sous son cou et ne parvient plus à bouger sous l'effet de l'éther. Elle lutte pour ne pas respirer cette odeur qui la fait partir", poursuit Florence Rault. Sa cliente parvient ensuite "à saisir les parties intimes" de l'agresseur, qui la relâche sous la douleur. Elle s'échappe dans un placard, qu'elle arrive à fermer à clé. "Elle y reste quatre heures. Puis, elle ouvre la porte : il n'y a plus personne."

"Placé en garde à vue et entendu sur commission rogatoire du magistrat instructeur", "un homme d'environ 70 ans, actuellement détenu dans le cadre d'une information judiciaire distincte ouverte à Avignon", est mis en examen le 14 octobre 2022, "pour le meurtre, précédé, accompagné ou suivi d’un autre crime, commis le 4 décembre 1991 à Paris et pour la tentative de viol avec arme commise le 11 mai 1999 à Villeparisis", indiquait, en janvier 2023, le parquet de Nanterre, qui confirme, désormais, qu'il s'agit bien de Dominique Pelicot. "En passant devant l'agence immobilière et en voyant la jeune femme, j'ai eu une pulsion", déclare-t-il en octobre 2022 face à la juge d'instruction, selon une source proche de l'enquête à France Télévisions.

Son ADN correspond aux traces de sang retrouvées sur la paire de chaussures blanches que Marion portait le 11 mai 1999. Selon l'avocate de cette femme aujourd'hui quadragénaire, Dominique Pelicot s'est retrouvé, pendant toute une journée, confronté à Marion, qui l'a formellement reconnu. Au pied du mur, le septuagénaire a reconnu les faits, mais a contesté avoir utilisé une arme et tenté de minimiser.

En revanche, Dominique Pelicot nie le viol et le meurtre de Sophie Narme, pour lesquels aucune trace ADN n'a été retrouvée sur les lieux du crime. Aucune empreinte génétique n'a pu être décelée sur la ceinture qui a servi à l'étrangler. De plus, les prélèvements sur lesquels se trouvait le sperme retrouvé sur la victime ont été égarés.

Ce sont des accusations "basées uniquement sur des rapprochements", a dénoncé auprès de l'AFP son avocate, Béatrice Zavarro, en janvier 2023. 

"La position de mon client est une dénégation absolue et pérenne. Il est tombé des nues. Nous allons nous battre comme nous le pouvons."

Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pelicot

à l'AFP

Concernant la tentative de viol, "la discussion va se porter sur les circonstances, on parle de viol avec arme, mon client dit qu'il n'y avait pas d'arme", a ajouté l'avocate. L'information judiciaire est toujours en cours et l'enquête se poursuit. Des investigations sont aussi menées sur le parcours de vie de Dominique Pelicot, afin de vérifier s'il est mêlé à d'autres affaires.

*Le prénom a été changé à la demande de l'intéressée.

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