Vidéo des lycéens agenouillés mains sur la tête : l'avocat des plaignants annonce une nouvelle plainte et met en doute l'indépendance du parquet
Arié Alimi, avocat d'une vingtaine de lycéens maintenus à genoux et mains sur la tête, le 6 décembre dernier à Mantes-la-Jolie, annonce lundi sur franceinfo qu'il déposera plainte, alors que débutent les premières auditions par l'IGPN.
"On ne peut que constater que si cinq mois plus tard il n'y a pas eu la moindre audition, le parquet de Nanterre n'est pas indépendant", a estimé, lundi 13 mai sur franceinfo, Arié Alimi, avocat de l'Union nationale lycéenne [Unel] et d'une vingtaine de lycéens arrêtés et maintenus à genoux, mains sur la tête, le 6 décembre dernier à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines. En marge d'une mobilisation nationale des lycéens, 152 jeunes âgés de 12 à 21 ans avaient été interpellés près du lycée Saint-Exupéry après des incidents. La vidéo de leur arrestation, genoux au sol et mains sur la tête, avait provoqué un tollé. A l'issue de leur garde à vue, la plupart d'entre eux avaient écopé de simples rappels à la loi.
Arié Alimi annonce déposer plainte "avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction" alors que débutent les premières auditions par l'inspection générale de la police nationale (IGPN), cinq mois après l'interpellation de ces 152 jeunes.
franceinfo : Auditionner ces lycéens cinq mois plus tard c'est trop tard ?
Arié Alimi : C'est beaucoup trop tard. Je rappelle qu'il s'agit d'actes extrêmement graves, abjects, commis sur des enfants, ceux que l'on est censé le plus protéger en République. Ils étaient 152, ça fait vraiment penser à des images de rafles. Ensuite ce sont des personnes issues de l'immigration, c'est important de le préciser, on est dans des quartiers populaires, oubliés et stigmatisés trop longtemps par la République. Et puis, on a surtout ces commentaires [audibles sur la vidéo] qui constituent une revendication de cette humiliation collective par l'Etat puisque ce sont des fonctionnaires de police. Enfin, il n'y a eu aucune réaction spontanée de l'institution judiciaire, aucune enquête préliminaire ouverte directement par le parquet. On a été obligé de déposer plainte et c'est seulement cinq mois plus tard, aujourd'hui, qu'il y a les premières auditions. Ce qui est absolument regrettable en termes de déperdition de la preuve.
Est-ce que vous estimez que l'enquête qui va s'ouvrir sera véritablement indépendante ? Parce que c'est un peu le soupçon de manque d'indépendance que vous avez l'air de soulever aujourd'hui ?
Nous déposons aujourd'hui une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction parce qu'effectivement, on ne peut que constater que si cinq mois plus tard il n'y a pas eu la moindre audition, le parquet de Nanterre n'est pas indépendant. On espère également, grâce à l'instruction qui va être ouverte, que tous les enfants seront entendus. Je dis bien les 152 enfants, ainsi que tous les témoins. Pas seulement, comme c'est le cas actuellement, ceux qui ont déposé plainte. Visiblement, le parquet, n'a pas encore pris la mesure de ces images et de ces actes.
Vous parlez de scènes graves, elles le sont, mais certaines plaintes ont été déposées pour actes de torture et de barbarie. Est-ce qu'on peut aller jusque-là ?
Le fait de laisser des enfants, parce qu'on parle vraiment d'enfants, plusieurs heures à genoux, il s'agit d'un acte de torture et de barbarie. Cela a déjà été jugé à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Evidemment, il n'y a pas que les actes de torture et de barbarie, il y a aussi des violences qui ont été commises sur ces enfants. Le fait d'avoir été menotté, le fait d'avoir été frappé à coups de matraque, le fait d'avoir été gazé dans un enclos, maintenu plusieurs heures, le fait d'avoir été transporté, à 152 enfants, dans des camions vers des commissariats, dans des cellules à plusieurs sans aucune dignité, c'est ce qu'on appelle une violation de libertés individuelles, l'équivalent d'une séquestration.
Il y avait eu des violences près du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie ?
Bien sûr, il y a eu des violences, mais en France, en République, aucun acte de violence ne peut justifier un traitement aussi humiliant et dégradant. Un traitement que l'on peut qualifier de raciste compte-tenu des victimes qui ont été visées.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.