Des gendarmes racontent leur nuit à surveiller le site du crash, "un cimetière de 150 personnes"
Ils sont notamment chargés de s'assurer que personne ne s'approche du site.
"Dormir dans la montagne c'est pas un souci. C'est juste de dormir à côté de ça qui rend le lieu particulier". Toutes les nuits depuis le crash de l'A320 dans les Alpes-de-Haute-Provence, quatre gendarmes veillent dans la montagne, au plus près de la zone d'impact de l'appareil de Germanwings. Frédéric Frouin, un gendarme de l'escadron de Digne-les-Bains, et deux autres collègues, ont monté la garde entre 19 heures vendredi 27 mars, et 6 heures du matin, samedi 28.
A leur retour, ils ont raconté, neutres car professionnels mais emprunts d'émotion contenue, cette nuit passée dans ce cimetière à ciel ouvert.
Une zone d'enquête à préserver des curieux
"Il s'agit d'une zone d'enquête, sensible. Il faut préserver le travail de la journée, les indices", explique l'adjudant chef Philippe Thomy, du peloton de gendarmerie de haute montagne. Car des curieux, il y en a : "on voit des traces de pas, que des personnes se sont déplacées" à proximité du site du crash, a confirmé l'adjudant chef. Alors les hommes veillent, et dorment "à côté d'un cimetière de 150 personnes."
Le groupe a été hélitreuillé en début de soirée à l'endroit même où d'autres gendarmes ont travaillé toute la journée pour prélever des éléments biologiques qui permettront l'identification des corps des 150 disparus. Pour ne pas "contaminer" la scène, mais aussi pour être en sécurité, ils s'installent en contrebas. Ils restent éveillés jusque 22 heures, puis commencent les rotations toutes les deux heures, "trois qui surveillent, un qui se repose".
Des conditions difficiles
Pour faire passer le temps, "on parle de tout", autant du drame que "de la famille ou du boulot", a encore confié l'adjudant. Avec des températures négatives (cette nuit, "les flaques d'eau avaient gelé, et un bout du ruisseau aussi" raconte Philippe Thomy), les hommes se sont fait un feu pour se réchauffer. Ils ont aussi dans leurs affaires un sac de couchage, un sursac pour les périodes de repos, et un fusil à pompe, dont ils ne précisent pas l'usage.
Avec les visions nocturnes [des jumelles spécialement adaptées], on aperçoit des vêtements, des débris, et on s'imagine un peu la scène, on se représente le scénario, par où est arrivé l'avion... C'est pas anodin.
Les projecteurs installés sur le site du crash permettent aux gendarmes chargés de cette mission délicate d'avoir un œil sur l'endroit, ils sont également équipés de lampes frontales et de jumelles "intensificateurs de lumière".Pour le reste, ils peuvent compter sur le ciel étoilé la lune, la nature et le silence, parfois brutalement interrompu. "C'est plein de branches cassées... Le moindre bruit résonne là-haut", explique l'adjudant Thomy. Comme dans un temple, à flanc de montagne.
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