Euro 2024 : Dortmund, temple du ballon rond et du foot populaire
Toutes les deux semaines, 81 000 personnes se massent dans les tribunes du Signal Iduna Park, l'antre du Borussia Dortmund. Aucun autre club de football au monde ne peut en dire autant. L'effervescence autour des Jaune et Noir est telle que l'équipe est plus célèbre à l'étranger que la ville en elle-même, qui compte pourtant près de 600 000 habitants, ce qui en fait la neuvième plus peuplée d'Allemagne.
Ici, le football est à tous les coins de rue, chez le boucher et le boulanger du coin, à l'entrée de la ville aussi. "Wir sind guter Fussball" – "Ici, on pratique du bon football" en français – est écrit sur un pont à l'entrée est de la ville, comme pour annoncer la couleur aux automobilistes n'y ayant jamais mis les pieds. Avec l'Euro, le jaune et le noir ont été remplacés par d'autres teintes car Dortmund a accueilli les deux premiers matchs de la Turquie, contre la Géorgie et le Portugal, trois adversaires évoluant tous en rouge.
La ferveur des anciennes villes minières
La ferveur et l'agitation autour de ces rencontres n'ont produit aucun dépaysement. Le passage des supporters français et polonais n'impressionnera pas non plus les Dortmundois, habitués à animer le fameux "mur jaune" à chaque rencontre à domicile. Cette tribune longue de 100 mètres et haute de 40, dans laquelle se massent 20 000 supporters par rencontre, est devenue une attraction touristique pour les groundhoppers, ces fans de football qui sillonnent les stades d'Europe.
Mais comment cette ville est-elle devenue une telle terre de football ? Comme Lens ou Saint-Etienne en France, Dortmund est une ancienne ville minière. "Les gens travaillaient très dur pendant la semaine et allaient voir les matchs du Borussia le week-end. Puis, quand les entreprises ont fermé, beaucoup se sont retrouvés au chômage" mais ont continué à vibrer pour leur équipe, raconte Benjamin McFadyean, supporter du club depuis les années 80, après un déménagement du Royaume-Uni vers l'Allemagne.
"Ce n'est pas la ville la plus belle, mais c'est une ville très fière, de son football et de son héritage industriel."
Benjamin McFadyeanjournaliste et supporter de longue date du Borussia Dortmund
Les autres villes de la Ruhr – de loin la région la plus dense en clubs professionnels, comprenant le Bayer Leverkusen, Schalke 04 ou encore Bochum – ont connu pareil sort dans les années 1960. Dortmund n'était alors pas le club le plus glorieux d'Allemagne. "De 1966 à 1989, le club a connu une période de vaches maigres, avec même une relégation en deuxième division en 1972. Cette saison-là, il n'y avait que 1 500 spectateurs au stade pour le dernier match", raconte Benjamin McFadyean.
Mais le club a connu un petit coup de pouce du destin en 1974 avec la construction du Westfalenstadion (qu'on nomme aujourd'hui Signal Iduna Park et qui a fêté ses 50 ans) en vue du Mondial en RFA. Il a fallu le retrait de la candidature de Cologne, qui était pressenti pour avoir droit à son nouveau stade, pour que ce club évoluant alors en deuxième division se retrouve avec une enceinte de 54 000 places à sa disposition. "Au début, beaucoup de fans venaient pour expérimenter ce nouveau stade moderne", détaille celui qui tient également un podcast sur l'actualité et l'histoire du Borussia Dortmund.
Une gloire assez récente
Malgré le sacre en Coupe des vainqueurs de coupe en 1966, la renommée internationale des Jaune et Noir est finalement assez récente, puisque bâtie en grande partie sur les 30 dernières années. Une victoire surprise en Coupe d'Allemagne 1989 a ouvert la voie à une décennie exceptionnelle, avec l'apogée en 1997 quand Matthias Sammer – Ballon d'or 1996 – et ses coéquipiers ont décroché la Ligue des champions. "Le club a connu une augmentation constante de son nombre de fans au gré de ses succès. Il compte aujourd'hui 500 000 supporters dans le monde et 900 clubs de supporters", rapporte Benjamin McFadyean, relégué à la 20 000e place sur liste d'attente pour un abonnement saisonnier.
Depuis 2005 et une extension de la capacité du stade à 81 000 places (hors dispositif de match international), tout le monde a envie de voir les matchs du BVB, une équipe attractive par son authenticité mais aussi pour son jeu. Jürgen Klopp y a développé son "heavy metal football" (avec du pressing et beaucoup d'intensité) de 2008 à 2015. Surtout, pléthore de grandes stars du football y sont passées alors qu'elles n'étaient encore que des pépites comme Jude Bellingham, Erling Haaland ou encore Jadon Sancho.
Des liens forts entre famille et football
Malgré la multiplication de joueurs étrangers et des sommes des transferts, le club n'a pas perdu son identité. "Si vous sortez de chez vous, une foule ne s'agglutinera pas autour de vous. Les gens vous voient comme une personne normale. Ils ne veulent pas vous déranger. Ils comprennent quand vous êtes avec votre famille et vous laissent de l'espace", se remémore avec nostalgie l'ex-international ghanéen Matthew Amoah, qui a porté les couleurs du club pendant deux saisons (2005-2007).
Les liens entre famille et football sont très forts à Dortmund. Les jours de match, ce sont des familles entières qui s'assoient en tribunes. "Mon beau-père allemand, c'est son père qui l'amenait au stade. C'est lui qui m'a emmené et j'ai transmis cela à mon neveu, ma nièce et mon petit frère", donne comme exemple Benjamin McFadyean. Ainsi, la passion du football n'est pas réservée à une minorité de spécialistes mais bien à toute la population. Ce n'est pas sans raison si le musée de l'histoire du football allemand a ouvert ses portes à Dortmund en 2015.
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