Euro 2024 : comment la Géorgie, entraînée par le Français Willy Sagnol, a réussi à s'inviter parmi les meilleures équipes du continent

Couvert de louanges après la première qualification des Caucasiens pour l'Euro, l'ancien sélectionneur des Bleus Espoirs a surtout bénéficié du soutien sans faille d'une Fédération très investie.
Article rédigé par Mateo Calabrese
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Willy Sagnol (au centre) dirige un entraînement de l'équipe de Géorgie, le 13 juin 2024 à Velbert (Allemagne) avant l'Euro 2024. (FABIAN STRAUCH / DPA)

La Géorgie s'éveille au plus haut niveau. La sélection disputera sa première compétition internationale depuis l'indépendance obtenue en 1990. Menés par le Français WIlly Sagnol depuis 2021 les Croisés vivront un moment d'histoire, mardi 18 juin, contre la Turquie, en disputant leur premier match dans un tournoi majeur, après une qualification arrachée en barrages contre la Grèce (0-0, 4-2 t.a.b.).

"Les joueurs m'ont tous dit qu'ils n'iraient pas en Allemagne pour faire du tourisme : ça tombe bien, je connais déjà", assénait Willy Sagnol, ancien joueur du Bayern Munich, dans un entretien à L'Equipe, le 28 mars. "Continuer à célébrer cette qualification n'est plus la bonne chose à faire, on est là pour jouer, pour se battre jusqu'au bout. On veut montrer qu'on mérite d'être ici", a assuré le capitaine Guram Kashia en conférence de presse.

Seul néophyte de l'Euro 2024, la Géorgie fait figure de petit poucet dans le groupe F, aux côtés du Portugal, de la Tchéquie et de la Turquie. Mais son parcours de qualification porte la griffe de son sélectionneur : humble et résilient, après la désillusion des barrages de l'Euro 2021, achevés par une défaite surprise contre la Macédoine du Nord à Tbilissi (0-1).

Un "exploit" savamment préparé

"C'est le héros de la Géorgie", affirmait Nikolo Kvekveskiri à propos de Willy Sagnol, après un match amical contre la Macédoine du Nord le 9 juin. Un qualificatif que refuse l'intéressé, préférant mettre en valeur une réussite collective : "Nous devrions considérer cette victoire comme une récompense pour cette Fédération, estimait le vice-champion du monde 2006 dans un entretien accordé au site de l'UEFA. Elle essaie de faire progresser les jeunes. J'espère que la participation à l'Euro apportera à la Fédération et à la nation géorgienne une expérience qui nous poussera à réaliser de nouveaux exploits à l'avenir." 

L'ancien entraîneur des Girondins de Bordeaux est conscient que si ce pays de 3,7 millions d'habitants, davantage réputé pour son rugby, s'est hissé parmi les 24 meilleures sélections européennes, il le doit surtout au travail de longue haleine de la Fédération géorgienne de football (GFF).

Un investissement illustré par la création d'une Académie nationale en 2014 et qui se traduit rapidement par un nombre de licenciés plus que doublé, passant de 14 676 en 2015 à 37 600 en 2021. En résulte l'éclosion récente de certains des plus grands talents de l'histoire du pays, à l'image de Khvicha Kvaratskhelia (Naples), héros du titre napolitain en 2023, élu meilleur joueur de Serie A et 17e du Ballon d'or la même année.

"La Fédération a mis en place des choses intéressantes il y a plusieurs années sur les infrastructures et sur les académies. À un moment donné, il n'y avait même plus de stades pour que les gamins puissent jouer."

Willy Sagnol, sélectionneur de la Géorgie,

à FIFA.com

La récompense de ce travail de fond est d'abord venue d'une première participation à l'Euro Espoirs en 2023, co-organisé avec la Roumanie, et une épopée achevée en quarts de finale. Cinq joueurs de cette équipe U21 sont du voyage en Allemagne cet été, dont le Bordelais Zuriko Davitashvili et le gardien Giorgi Mamardashvili (Valence), parmi les meilleurs du championnat espagnol. 

Humilité et patience, clés de l'avènement géorgien

Des talents sur lesquels Willy Sagnol sait s'appuyer : malgré un jeu minimaliste, la Géorgie a terminé invaincue en Ligue des nations C pour rallier les barrages de l'Euro, avant de valider son ticket en écartant le Kazakhstan (2-0) puis la Grèce (0-0, 4-2 t.a.b.). Des équipes qualifiées pour l'Euro 2024, la Géorgie est celle qui a le moins marqué lors des éliminatoires (1,4 but par match) et le moins tenu le ballon (43,4 % de possession), mais aussi celle dont le gardien, Giorgi Mamardashvili, a été le plus décisif (34 arrêts).

Les supporters géorgiens envahissent la pelouse du Stade Boris-Paichadze de Tbilissi (Géorgie) pour célébrer leur qualification à l'Euro contre la Grèce, le 26 mars 2024. (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

Un pragmatisme assumé par Willy Sagnol : "Les joueurs ont progressé mais certains jouent en Pologne, en L2 grecque ou à Chypre et on doit être réalistes sur nos ambitions dans le jeu, confiait-il à L'Equipe. On a une équipe de guerriers-travailleurs, capables d'avoir le contrôle du jeu contre certaines équipes, mais pas contre l'Espagne ou le Portugal." La solide défense caucasienne à trois est dirigée par le capitaine Guram Kashia, recordman de sélections (112), et le secteur offensif est bien doté avec Khvicha Kvaratskhelia, mais aussi le Franco-Géorgien Georges Mikautadze (Metz) ou le talentueux Giorgi Chakvetadze (Watford).

Plus encore que de ces quelques individualités, Willy Sagnol a pu compter sur la grande confiance de la Fédération géorgienne après des débuts très délicats (sept défaites en neuf matchs). Celui qui, de son propre aveu, aurait "pu partir dans des projets plus cléments et plus visibles", louait justement cette confiance réciproque au soir de son plus grand accomplissement d'entraîneur, après la qualification contre la Grèce : "Dans le football, on ne peut pas tout changer en un mois ou en six mois. Il faut du temps, toujours."

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