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Euro 2021 : soupçons de racisme et d'homophobie au stade, finale envisagée à Budapest... L'imbroglio hongrois vu de Hongrie

Une banderole homophobe lors de Hongrie-Portugal, des cris de singe lors de Hongrie-France... L'UEFA a ouvert dimanche une enquête pour des incidents supposés lors des deux premiers matchs qui se sont déroulés dans la capitale hongroise. Le tout dans un contexte sportif et politique qui interpelle.

Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Budapest
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des supporters hongrois au stade Ferenc Puskas lors du match entre la France et la Hongrie à l'Euro, le 19 juin 2021. (FRANCK FIFE / AFP)

Une polémique qui enfle, mais surtout à l'étranger. Deux jours après le match nul entre la Hongrie et la France (1-1), Lucas Digne a évoqué, lundi 21 juin, les cris de singe dont plusieurs joueurs de l'équipe de France auraient été victimes à la Puskas Arena de Budapest. "Il y avait tellement de bruit que je n'ai pas entendu", a expliqué le latéral gauche des Bleus en conférence de presse. "Mais si l'UEFA mène une enquête et qu'il y a eu des cris (de singe), j'espère que les personnes en question seront lourdement sanctionnées", a-t-il ajouté.

Si Lucas Digne n'a pas entendu de propos racistes pendant la rencontre, l'UEFA a bel et bien décidé d'ouvrir une enquête disciplinaire pour des cris de singe qu'auraient entendus plusieurs témoins – notamment des photographes, proches des tribunes – dans un stade en fusion, le seul entièrement rempli de cet Euro, avec plus de 56 000 spectateurs. L'enquête de l'instance européenne concerne également une banderole homophobe déployée lors du premier match disputé dans cette même enceinte de la capitale hongroise, entre le Portugal et la Hongrie (3-0).

"Il n'y a pas eu de chant de masse"

Deux événements qui font tache et qui ternissent l'image d'un pays qui accueille pour la première fois des rencontres d'une compétition internationale de football. Mais sur place, on assure qu'aucun propos raciste n'a été perçu pendant le match contre les Bleus. "J'étais au match, il y avait plus de 55 000 personnes, et il y a toujours des personnes qui se comportent de manière inadmissible. Ce n'est pas digne d'en parler dans la presse internationale, parce que ça ne représente pas l'ambiance qu'il y avait au match", affirme à franceinfo: sport Gyorgy Szollosi.

Pour le rédacteur en chef de Nemzeti Sport, le quotidien sportif de référence en Hongrie, l'équipe de France aurait tenté de détourner l'attention en évoquant différents sujets : "Il y a quelques jours, nous n'aurions pas pensé que les Français allaient parler de la grande chaleur, de la pression des supporters, simplement parce qu'ils n'ont pas pu gagner." Si Lucas Digne et une partie du public n'ont pas entendu ces propos racistes, c'est parce qu'ils auraient été prononcés depuis le bas des tribunes des ultras hongrois, et donc noyés par le vacarme provoqué par les dizaines de milliers de supporters présents au stade.

"Si les micros ont entendu quelque chose, il s'agit sûrement d'individus isolés. Il n'y a pas eu de chant de masse", assure de son côté Gergely Marosi, journaliste sportif indépendant en Hongrie, qui a également assisté à la rencontre. Un "inspecteur éthique et disciplinaire" a été chargé par l'UEFA d'étudier l'affaire et d'en tirer des conclusions. Mais selon Gergely Marosi, "la Fédération hongroise de football a davantage de chances d'être sanctionnée pour les faits qui se sont déroulés pendant le match face au Portugal".

Budapest, la roue de secours de l'UEFA

L'issue de cette enquête menée par l'instance qui dirige le football européen sera scrutée avec attention. D'autant que l'UEFA envisageait ces derniers jours de retirer l'attribution des demi-finales et de la finale de l'Euro à Londres (en raison de la quarantaine stricte encore appliquée à l'arrivée sur le territoire britannique) pour les confier à... Budapest. Lundi, Mario Draghi, le Premier ministre italien, avait d'ailleurs visé le Royaume-Uni en expliquant lors d'une conférence de presse vouloir "s'employer à ce que la finale de l'Euro ne se déroule pas dans un pays où les contagions [au Covid-19] sont en train de croître rapidement."

Compte tenu de cette situation, le stade Ferenc-Puskas apparaissait comme une alternative crédible. La Hongrie et Budapest sont devenus depuis plusieurs mois une roue de secours pour les événements organisés par l'UEFA. En septembre, le stade national a accueilli la Supercoupe d'Europe entre le Bayern Munich et le FC Séville, alors que la rencontre devait initialement se dérouler à Porto. En février et mars derniers, Leipzig, Liverpool, Manchester City et le Borussia Mönchengladbach sont également venus jouer à Budapest des huitièmes de finale de la Ligue des champions en raison des restrictions sanitaires en vigueur au Royaume-Uni.

Mais cette fois, l'optimisme n'était pas nécessairement de rigueur quant à une éventuellement relocalisation des derniers matchs du championnat d'Europe en Hongrie. "Je ne pense pas que l'UEFA va changer sa destination. Personne n'y croit réellement ici. C'est un plan B de l'UEFA pour prendre en otage les Anglais", affirmait à franceinfo: sport Gergely Marosi avant que l'UEFA annonce, dans un communiqué mardi en fin d'après-midi, un accord final avec le gouvernement britannique pour entériner le fait que le stade de Wembley accueillera bien les demies et la finale de l'Euro.

Un contexte politique tendu

Reste que le contexte politique dans le pays et les polémiques des derniers jours avaient probablement dû refroidir un peu l'UEFA, alors que le Parlement hongrois a adopté, la semaine passée, un texte interdisant la "promotion" de l'homosexualité auprès des mineurs. La dernière loi homophobe d'une longue série depuis que Viktor Orban est revenu au pouvoir en 2010. L'Allemagne a d'ailleurs souhaité réagir et marquer le coup en illuminant l'Allianz Arena de Munich aux couleurs de la communauté LGBT en signe de soutien, avant la rencontre entre la Hongrie et la Mannschaft mercredi soir.

"Le gouvernement hongrois considérerait ça comme un geste de provocation", affirme Gergely Marosi. "C'est extrêmement nuisible et dangereux de mêler sport et politique. Nous avons adopté une loi pour protéger les enfants hongrois, et voilà que maintenant ils la combattent en Europe de l'ouest", avait pour sa part déclaré lundi Peter Szijjarto, le ministre des Affaires étrangères hongrois. L'UEFA, qui entend respecter une neutralité politique et religieuse, a finalement refusé mardi matin la requête allemande, "étant donné le contexte politique de cette demande."

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