Ethique : les craintes de Jacques Testart, le père des "bébés éprouvette"
A 75 ans, Jacques Testart est un scientifique inquiet, soucieux des dérives de la génétique et de l'évolution des techniques de reproduction. C'est pourtant lui, le biologiste, qui en 1982, donnait naissance à Amandine, le premier bébé éprouvette français. Expliquant devant les caméras du monde entier sa découverte, la fécondation in vitro. Une invention qui a permis à des millions de couples stériles d'avoir des enfants. 32 ans plus tard, il dénonce les abus.
Ce qu'on appelle la stérilité qu'on traite par fécondation in vitro, dans environ un tiers des cas, il n'y a pas de stérilité, ce que la loi exige. L'actualité me montre qu'on dérive de plus en plus.
Depuis la naissance d'Amandine, la génétique a fait de grands progrès, permettant ainsi de décrypter les moindres détails des gènes, des embryons. De connaître la couleur des yeux ou les maladies potentielles. Des techniques que certains pays mettent déjà en pratique.
En Angleterre on peut faire une fécondation in vitro quand on n'est pas stérile dans le but de trier les embryons. Aux Etats-Unis, on fait le choix du sexe systématiquement. Il faut payer un petit supplément pour choisir le sexe.
En vieux sage, le biologiste crie à l'eugénisme et voit dans ces progrès techniques une façon de trier les humains, d'éradiquer les éventuels défauts d'un bébé au stade de l'embryon.
Les gens ne vont pas choisir un enfant qui a un risque de diabète ou qui sera petit. Ce sont des choses qu'on va pouvoir lire. Les gens vont choisir quelque chose qui représente un peu l'idéal.
Prédire les maladies à venir par la génétique, c'est la spécialité de ce chercheur. Pour lui, ces techniques ont permis des avancées considérables.
Nous avons déjà fait un pas dans cette direction, avec le dépistage de la trisomie 21. 97 % des foetus trisomie 21 sont avortés. Nous avons fait disparaître cette pathologie par la sélection. On va aussi loin que les parents vont le demander. Il est maintenant possible de séquencer l'ADN des embryons. Il est logique que la société exige que l'on aille de plus en plus loin.
Alors, pour limiter les dégâts, Jacques Testart voudrait que l'on retrouve la raison et qu'on pose plus de cadres.
Ramenons l'usage de la fécondation in vitro aux gens stériles. Ne trions les embryons que sur un caractère : pour une famille. Une famille pourrait dire : je ne veux pas d'un enfant qui louche A ce moment là, il faudrait qu'elle demande je ne veux pas d'un myopathe Il va falloir être de plus en plus prudent. Il n'y a aucune raison d'aller vite sauf des raisons économiques. Cette histoire de compétitivité, c'est l'ennemi de l'espèce.
Pour cesser cette course folle à l'enfant parfait, Jacques Testart voudrait que la France limite ce tri des embryons. Il propose même de l'inscrire dans la loi.
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