Enquête : la seconde vie de nos vêtements

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Enquête sur la seconde vie de nos vêtements déposés dans des bennes de recyclage.
OEIL DU 20H RECYCLAGE VÊTEMENTS Enquête sur la seconde vie de nos vêtements déposés dans des bennes de recyclage. (Oeil du 20h)
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
C’est l’une des solutions des marques pour rendre la mode plus verte, plus responsable. Depuis quelques années, toutes les boutiques H&M, Zara ou Mango sont équipées de bennes où déposer les vêtements que vous ne portez plus afin qu’ils soient recyclés, quelle que soit leur marque ou leur état. Mais derrière ces promesses, qu’arrive-t-il réellement aux habits dont nous nous débarrassons ?

Il y a plus de 6 mois, nous avons fait le tri dans notre garde-robe. Et mis de côté trois vestes, dont nous ne voulions plus. Nous les équipons de balises de géolocalisation pour les suivre dans tous leurs déplacements. 

Une fois ces quelques points de couture terminés, nous nous présentons dans 3 magasins de grandes marques. Au-dessus des bennes, aucun doute. Les promesses de recyclage sont affichées noir sur blanc :    

"Laissez ici les vêtements que vous ne portez plus et nous recyclerons leurs tissus."

Mango

Un marché de la seconde main mondial

Très vite, un coupe-vent déposé chez H&M, prend la direction des Pays-Bas, acheminé par la route. Il va borner dans un hangar du port de Rotterdam, chez un grossiste qui achète et revend des vêtements de seconde main. Nous entrons en contact avec lui. Il nous confirme ne faire que du tri, pas de recyclage. Cette entreprise vend sa marchandise au poids, de 1 euro 85 le kilo, à 4 euros 85 pour les lots en meilleur état.

Qu’en est-il de notre kway ? Pendant des semaines, nous l’avons cru perdu ou notre balise GPS hors-service. Mais début février, soit trois mois après nous en être séparés, il réapparaît sur nos écrans. Après plus de 20 000 kilomètres parcourus, dans l’un des pays les plus pauvres au monde, à Karachi, au Pakistan. 

Des exportations vers des pays déjà submergés

Notre coupe-vent pointe dans un marché, où trois-mille échoppes revendent les vêtements dont l’Europe ne veut plus. Nous nous rendons sur place dans ce quartier où des milliers d’habits s’entassent dans des hangars, parfois jusqu’au plafond. Ils sont triés à la main par des travailleurs pakistanais, débordés. Notre veste est là, quelque part au milieu de ces piles. 

“Regardez tout ce stock !". Le gérant du magasin où se trouve notre veste nous interpelle : "On reçoit des vêtements d’Italie, on en reçoit aussi de France. Les vêtements qui viennent de la France, sont plus propres, mais on en reçoit aussi des abîmés et ici, personne n’en veut. A Karachi, nous n’avons pas d’hiver rude et long, donc il n’y a pas de demande.”

Une veste comme la nôtre sera au mieux revendue 250 roupies, soit 80 centimes d’euros. Mais comme le confirment ces ouvriers, elle ne sera jamais recyclée. Si elle ne trouve pas preneur au Pakistan, elle continuera son voyage vers la Thaïlande, probablement.

Contacté, H&M à qui nous avions confié notre veste réaffirme que 30% des articles collectés dans ses boutiques sont bien recyclés. Quant au cas de notre coupe-vent, voici la réponse du géant suédois :

“Les vêtements triés pour la seconde-main sont vendus dans le monde entier, dans les pays où il existe une demande et où ces vêtements peuvent constituer une alternative appréciée et abordable aux vêtements neufs.”

H&M

Notre kway n’est pas le seul de nos vêtements à avoir été envoyé à l’autre bout du monde. Une veste déposée chez Zara borne désormais depuis le Nord de l’Inde. Voilà comment l’explique la marque :

“Les vêtements en bon état (67 % du total collecté l'année dernière) sont donnés ou revendus. Les produits restants, ceux qui ne peuvent être réutilisés, sont transformés en fibres textiles ou en matériaux à usage industriel”.

Zara

Des compositions qui rendent le recyclage difficile

Un troisième vêtement , confié à Mango cette fois, est, lui, aux Emirats Arabes Unis, après être passé par Valence, en Espagne, où le sous-traitant de la marque a accepté de nous recevoir. Cette ONG est chargée de gérer les vêtements collectés dans les boutiques françaises de Mango. Elle trie chaque année 20 000 tonnes d’habits dans ses centres, notamment grâce à ces machines qui détectent automatiquement leur matière. Un quart seulement des vêtements qui arrivent ici sont recyclés car leur composition serait trop complexe avec beaucoup de matériaux synthétiques, comme nous l'explique le responsable des exportations de Koopera. "Avec ces nouveaux phénomènes de la fast-fashion et de l’ultra fast-fashion, il est de plus en plus difficile d’avoir des compositions pures, il y a des plus en plus de compositions mélangées, de différentes matières pour confectionner un même vêtement." 

Alors, que deviennent les articles qui ne passent pas ce filtre ? Pourquoi notre vêtement s’est retrouvé aux Emirats Arabes Unis et pas dans une friperie française ou espagnole ? 

Selon Mango il ne correspondait pas au standards de qualité de la clientèle européenne :

“Son état n’a pas été considéré comme suffisamment bon pour être réutilisé ou revendu, alors il a été exporté.”

Mango

Nous avons fait part de notre expérience et du voyage de nos vêtements à Zero Waste France, une association qui lutte contre le gaspillage. Pour elle, la promesse du recyclage est mensongère et les marques ne feraient que déplacer le problème. "Il faut savoir qu’en réalité, il y a moins d’1% des fibres textiles aujourd’hui sont recyclées en nouveaux vêtements," rappelle Manon Richert, la responsable communication de l'ONG. “Ces pays-là reçoivent nos déchets textiles depuis des années et des années donc ils ont déjà la masse de vêtements à traiter des années précédentes et tout ça ne fait que s’accumuler en réalité." 

Au moment de la diffusion de cette enquête, et après avoir chacun parcouru plus de 20 000 kilomètres, nos 3 vêtements continuent d’émettre, dans l’attente de leur seconde vie.

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