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L'article à lire pour comprendre les élections sénatoriales du 27 septembre 2020

La moitié du Sénat est renouvelée dimanche 27 septembre. Un scrutin pas comme les autres qui devrait permettre à la droite de rester majoritaire au palais du Luxembourg.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
L'hémicycle du Sénat, au palais du Luxembourg, photographié en 2012. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Parmi tous les scrutins politiques en France, les élections sénatoriales sont sans doute les plus méconnues du grand public. D'abord parce que seule une infime partie de la population a le droit de voter. Et parce que le rôle du Sénat, institution souvent moquée, voire décriée, reste obscur pour le commun des mortels. Avant les élections sénatoriales du dimanche 27 septembre, franceinfo vous explique tout sur le déroulement et les enjeux de ce scrutin qui va renouveler 172 des 348 sièges de la chambre haute.

Qu'est-ce que le Sénat et à quoi sert-il ?

En France, le Parlement, dont le rôle est de voter les textes de loi, de contrôler l'action du gouvernement et d'évaluer les politiques publiques, est composé de deux chambres : l'Assemblée nationale, où siègent les députés (élus lors des élections législatives), et le Sénat.

Ces deux chambres ne sont pas placées sur un pied d'égalité. Comme l'explique le Conseil constitutionnel, on parle en France d'un "bicamérisme inégalitaire", car l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, dispose de moyens plus étendus que le Sénat, qui est élu au suffrage universel indirect. Ainsi, contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat ne peut pas renverser le gouvernement. Autre exemple : pour être adoptés, les textes de loi doivent être votés dans les mêmes termes, à la virgule près, par les deux assemblées. En cas de désaccord entre les deux chambres, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot, à l'issue d'un processus d'échanges appelé "navette parlementaire".

Selon l'article 24 de la Constitution, le Sénat assure "la représentation des collectivités territoriales de la République". Cela se traduit notamment par un mode de scrutin original : les sénateurs sont désignés par des "grands électeurs", essentiellement des élus locaux.

La chambre haute du Parlement symbolise également la continuité de l'Etat. Grâce à son mode de scrutin indirect, elle est insensible aux alternances politiques. Sa permanence est garantie par la Constitution : le Sénat, à la différence de l'Assemblée nationale, ne peut pas être dissous par le président de la République. Par ailleurs, "en cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit", les fonctions du chef de l'Etat sont exercées provisoirement par le président du Sénat. Ce cas de figure s'est produit à deux reprises sous la Ve République : en 1969 après la démission du général de Gaulle, et en 1974 après la mort de Georges Pompidou. A chaque fois, c'est Alain Poher qui a assuré l'intérim quelques semaines, le temps d'organiser une élection présidentielle.

Généralement peu médiatisé, le travail sénatorial a bénéficié d'une forte exposition à l'été 2018, lorsque la chambre haute a décidé d'ouvrir une commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Benalla. Des heures d'auditions avaient été retransmises en direct sur les chaînes d'information. Le Sénat a depuis longtemps pris le parti d'exercer pleinement son rôle de contrôle de l'exécutif. Comme le souligne l'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas dans un "Que sais-je ?", "le Sénat fut la première des deux chambres à user de cette large capacité d’investigation", dès 1971, à l'occasion du scandale sur la reconstruction des abattoirs de La Villette. 

"Talon d'Achille" des institutions pour le général de Gaulle, "anomalie démocratique" pour l'ancien Premier ministre Lionel Jospin… Jugé tantôt inutile, tantôt archaïque, le Sénat a souvent été sur la sellette et sa suppression à maintes reprises évoquée. Cette disparition nécessiterait toutefois l'approbation du Sénat lui-même, ce qui la rend très improbable.

Est-ce que je peux voter lors de ces élections ?

Les sénatoriales se déroulent au suffrage universel indirect. Les sénateurs ne sont donc pas élus directement par l'ensemble des citoyens, mais par un collège de "grands électeurs", eux-mêmes élus au suffrage universel direct.

De qui s'agit-il ? Parmi ces "grands électeurs", on retrouve l'ensemble des députés et des sénateurs actuels, les conseillers régionaux et les conseillers départementaux, mais surtout – ils composent plus de 95% du corps électoral – des délégués des communes élus au sein de leur conseil municipal. Dans ce collège de "grands électeurs", les petites communes sont davantage représentées que les grandes, ce qui avantage généralement la droite.

Au total, on compte 162 000 "grands électeurs" sur tout le territoire. Comme le scrutin n'est organisé que dans certains départements, seuls 92 000 "grands électeurs" seront invités à voter le 27 septembre. Ils sont même contraints de le faire, puisque le vote est obligatoire pour les élections sénatoriales, sous peine d'une amende de 100 euros.

Pourquoi ne vote-t-on pas partout en France ?

Le Sénat compte 348 membres, élus pour un mandat de six ans, mais renouvelés par moitié tous les trois ans. Dans le détail, les sièges sont répartis en deux séries, selon le numéro minéralogique du département d'élection des sénateurs. La série 1, qui compte 170 sièges, a été renouvelée lors des élections de 2017 : le mandat des sénateurs élus à cette occasion n'est donc pas remis en jeu.

La série 2, elle, compte 178 sièges, correspondant aux départements 01 (Ain) à 36 (Indre) et 67 (Bas-Rhin) à 90 (Territoire-de-Belfort), à l'exception de Paris, de la Seine-et-Marne et des Yvelines. La Guyane, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna votent également dans la série 2. Le renouvellement de six sénateurs des Français de l'étranger est en revanche reporté en septembre 2021, les élections consulaires prévues en mai n'ayant pu se tenir en raison de l'épidémie de coronavirus. Le 27 septembre, 172 sièges de sénateurs sont donc à pourvoir.

Comment les sénateurs sont-ils élus ?

Attention, il faut s'accrocher, car le mode de scrutin est différent selon les départements. Dans les moins peuplés, qui n'élisent qu'un ou deux sénateurs, il s'agit d'un scrutin majoritaire. Pour être élu au premier tour, organisé le dimanche matin, il faut obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés (plus de 50%). Si ce n'est pas le cas, un second tour est organisé dans l'après-midi, où la majorité relative suffit.

Dans les départements qui élisent trois sénateurs ou plus, c'est le scrutin à la proportionnelle qui s'applique. Les candidats se présentent sous la forme de listes composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. Un seul tour de scrutin est organisé dans la journée, et les sièges sont répartis en fonction des résultats à la proportionnelle.

Cette année, 34 départements ou collectivités d'outre-mer désignent 59 sénateurs au scrutin majoritaire. Le scrutin proportionnel est utilisé dans 29 départements pour la désignation de 113 sièges. Les départements les moins peuplés sont sur-représentés par rapport à leur poids démographique. Par exemple, la Creuse (118 638 habitants) envoie deux élus au Sénat, chacun représentant donc environ 60 000 habitants. Alors que les huit sénateurs des Bouches-du-Rhône (2 millions d'habitants), représentent chacun plus de 250 000 habitants.

Qui dirige le Sénat aujourd'hui ?

La droite et le centre y sont majoritaires depuis les années 1970. Sous la Ve République, la gauche n'a été majoritaire que durant une courte période de trois ans, entre 2011 et 2014.

Dans l'hémicycle sortant, présidé par Gérard Larcher, le groupe Les Républicains (LR) est le plus représenté, avec 144 sénateurs. Il bénéficie de l'appui du groupe Union centriste (UC), avec 51 sièges, essentiellement issus de l'UDI. A gauche, le groupe socialiste compte 71 membres, ce qui en fait le deuxième de l'hémicycle. Depuis 2017, un groupe de La République en marche a fait son apparition, composé majoritairement d'anciens socialistes.

Est-ce que ça va changer après ces élections ?

A priori, le scrutin du 27 septembre ne devrait pas engendrer de grands bouleversements. Le collège des grands électeurs étant à plus de 95% composé de représentants des communes, le dénouement des élections dépend en grande partie des résultats des élections municipales. Or, en mars et en juin, Les Républicains ont certes perdu des grandes villes symboliques comme Bordeaux et Marseille, mais ils ont globalement conservé leurs positions dans les villes petites et moyennes, tout comme leurs alliés de l'Union centriste. "Le corps électoral n'a pas beaucoup changé et il n'y a donc pas de grand mouvement à attendre", observe le sénateur LR Roger Karoutchi.

Si elle a conservé de nombreuses villes lors des élections municipales, la gauche ne semble pas en mesure de faire basculer le Sénat. "L'accident" de 2011 "n'est pas près de se reproduire", reconnaît le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner. Il table, à quelques unités près, sur une stabilité des effectifs de son groupe, qui devrait rester la deuxième force au Sénat.

Pour les plus petites formations, l'enjeu est de rester au-dessus des 10 sièges, seuil minimum pour former un groupe. Après la débâcle des municipales, La République en marche risque de souffrir, mais le groupe ne disparaîtra pas, car seuls 10 de ses 23 sièges sont renouvelables. Le groupe communiste (seulement 3 sièges renouvelables sur 17) est également assuré de subsister.

Le groupe des Indépendants – Liberté et territoire (7 élus renouvelables sur 13) peut trembler, tout comme le RDSE (Rassemblement démocratique et social européen, 14 élus renouvelables sur 24), qui devra subir la défection de deux élus écologistes dans ses rangs. C'est en effet l'une des conséquences des bons résultats d'EELV aux élections municipales : le groupe écologiste, disparu au Sénat en 2017, pourrait logiquement renaître de ses cendres. Trop peu nombreux ces trois dernières années pour constituer un groupe, les sénateurs écolos s'étaient éparpillés dans plusieurs groupes.

Quels sont les autres enjeux de ce scrutin ?

Certaines personnalités jouent gros. L'actuel président du groupe LREM au Sénat, François Patriat, est par exemple menacé dans son département de la Côte-d'Or, où ses anciens amis socialistes ne lui feront pas de cadeau. Son homologue du groupe LR, Bruno Retailleau, a en revanche peu de souci à se faire en Vendée, mais cette élection peut constituer une rampe de lancement pour sa candidature à une éventuelle primaire à droite, pour la présidentielle de 2022.

Deux membres du gouvernement sont également sur les rangs : le ministre des Outre-mers, Sébastien Lecornu, dans l'Eure, et le secrétaire d'Etat au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, dans l'Yonne.

De la composition du nouvel hémicycle dépendra aussi l'avenir de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron, qui nécessite l'accord du Sénat pour être adoptée. Le projet initial, qui prévoyait de réduire le nombre de parlementaires, est embourbé. Le chef de l'Etat espère toujours inscrire la lutte contre le réchauffement climatique à l’article 1 de la Constitution, ou de faire passer sa réforme de la nomination des magistrats du parquet.

J'ai eu la flemme de tout lire. Vous pouvez me faire un petit résumé ?

Dimanche 27 septembre, 87 000 grands électeurs (essentiellement des conseillers municipaux) sont appelés à renouveler pour six ans 172 des 348 sièges du Sénat. La chambre haute, qui siège au palais du Luxembourg, ne devrait pas changer de couleur politique à l'issue de ce scrutin. Sauf énorme surprise, la droite y restera majoritaire, et le président du Sénat, Gérard Larcher, sera réélu.

Moins médiatisé que l'Assemblée nationale, le Sénat est la deuxième chambre du Parlement : il vote les lois, contrôle l'action du gouvernement et évalue les politiques publiques. S'il a moins de pouvoirs que l'Assemblée nationale (il n'a pas le dernier mot sur les textes de loi et ne peut renverser le gouvernement), il se distingue par sa permanence (il ne peut être dissous par le chef de l'Etat) et sa grande indépendance vis-à-vis de l'exécutif.

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