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Régionales : le RC Toulon va-t-il pâtir de l'engagement de son président, Mourad Boudjellal ?

Le président du club, qui se revendique de gauche, s'est engagé en faveur de Christian Estrosi (Les Républicains) pour faire barrage au FN en Paca. Or, selon, les sondages, Marion Maréchal-Le Pen est en pole position pour remporter les élections.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le président du RC Toulon, Mourad Boudjellal, lors de la demi-finale de Top 14 de son club contre le Stade Français, à Bordeaux, le 5 juin 2015. (NICOLAS TUCAT / AFP)

"Les gens de gauche et tous ceux visés pas le Front national, je leur dis : 'Attention, si Marion Maréchal-Le Pen passe, vous allez déguster. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous a pas prévenus'", a déclaré Mourad Boudjellal dans une interview à Libération. Le médiatique président du RC Toulon met-il en danger son club si la candidate FN est élue présidente de région, le 13 décembre, comme l'annoncent les sondages

Les supporters du RCT "pris en otage" pour le FN

"Ce n'est pas le RCT qui soutient Christian Estrosi, c'est moi", se défend Mourad Boudjellal, contacté par francetv info. "Et ça n'a pas toujours été bien pris dans mon entourage", confie celui qui s'est toujours revendiqué de gauche. Pour lui, le traumatisme de la victoire du FN aux municipales de 1995 à Toulon est encore vivace. Pendant le mandat du maire frontiste Jean-Marie Le Chevallier, le RCT est rétrogradé administrativement pour des problèmes financiers, et sauvé par le conseil général, présidé par Hubert Falco (UDF, l'ancêtre de l'UDI), devenu maire de la ville et indéfectible soutien du club. 

Si, aujourd'hui, il roule pour Christian Estrosi (Les Républicains), c'est parce qu'il craint "une catastrophe économique" si Marion Maréchal Le Pen arrive au pouvoir. Le Front national a été prompt à dénoncer l'engagement du patron du club varois, département où le parti de Marine Le Pen compte le plus d'adhérents. Marc-Etienne Lansade, tête de liste départementale du FN, a dénoncé "la prise en otage" des supporters toulonnais dès l'annonce du ralliement de Boudjellal à Estrosi, "une envolée politique ridicule".

"Il est déplacé d'amener la politique au stade"

Le parti frontiste a beau jeu de souligner que l'entraîneur du club, Bernard Laporte, figure aussi parmi les soutiens du candidat des Républicains. Et que les écrans géants du stade Mayol ont diffusé, lors du traditionnel montage d'avant-match, une parodie du "Maillon faible" montrant Marine Le Pen et Florian Philippot éliminant du jeu Jean-Marie Le Pen. "J'étais dans les tribunes ce jour-là. J'avais annulé une réunion pour aller au stade et me détendre pendant la crise interne que traversait le parti, raconte Frédéric Boccaletti, patron de la fédération du FN du Var. J'ai ri un peu, plus sur l'ironie de la situation que pour le message en lui-même. Mais sur le fond, c'est déplacé d'amener la politique dans un stade." 

Au point que la région cesse de verser une subvention au club, suivant les consignes de Marion Maréchal-Le Pen, qui menace de couper les vivres aux associations "politisées" ? "Je ne vois pas pourquoi on couperait la subvention d'un club qui fait rayonner la région au niveau européen, balaye Frédéric Boccaletti. Mais ça ne me surprendrait pas que Mourad Boudjellal annonce, au soir du second tour, qu'il ne déposera pas de demande de subvention à la région." Un geste symbolique, comme le refus de jouer à Béziers (Hérault), en juillet 2014, après l'élection de Robert Ménard à la mairie, est-il à prévoir ?

La subvention régionale, un symbole qui pèse lourd

Le Rugby club toulonnais, c'est 30 millions d'euros de budget, dont un peu plus de 3 millions de subventions, a détaillé Mourad Boudjellal dans une interview à Midi Olympique. Une subvention régionale largement supérieure à ce que touchent ses rivaux du Top 14 –c'est dix fois moins pour le Stade Toulousain, par exemple– qui a fait tiquer les élus FN. 

Sur cette enveloppe, environ 70 000 euros sont apportés par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et financent en partie le centre de formation. Le gros de l'argent public provient de la municipalité, de la communauté d'agglomération et du département, qui paradent fièrement dans la liste des sponsors du club aux côtés d'Orangina et de Volkswagen. 

"Je ne demanderai pas de subventions de la région, mais ce n'est pas parce que c'est l'argent du FN, se défend Mourad Boudjellal. L'argent de la région m'appartient plus qu'à eux." Et le président du club ne résiste pas à lancer cette pique : "Ce n'est pas comme si j'étais anti-européen et que je pointais au Parlement européen pour toucher quelques milliers d'euros", allusion à l'absentéisme de Jean-Marie et Marine Le Pen au Parlement.

Les anti-Boudjellal "peuvent toujours se désabonner"

Dans les travées de Mayol – à Toulon, on a voté à 38% pour le FN aux dernières élections départementales – le sujet du combat de Mourad Boudjellal contre le parti frontiste est sensible. "Mourad Boudjellal n'est qu'un cow-boy", fustige un supporter toulonnais, sympathisant du FN. "Je ne veux pas entrer dans la polémique", balaye un responsable d'association, qui se définit comme "apolitique""Toutes les couleurs politiques sont représentées au sein des associations de supporters et dans les tribunes de Mayol, affirme Jérôme Lecompte, président de l'association Les Fils de Besagne. Les gens font la différence entre ses positions et les valeurs du club." 

Pas si sûr, si l'on écoute Serge Oddo, président du club de supporters des Bulls du RCT : "Si on n'est pas d'accord avec Boudjellal, on peut toujours résilier son abonnement !" Avant de nuancer : "Marion Maréchal-Le Pen peut s'afficher avec le maillot du RCT, c'est son droit, mais les supporters sont grands et ne vont pas se laisser influencer." La jeune tête de liste fera-t-elle une apparition dans les travées de Mayol, comme sa tante qui s'est affichée au stade Bollaert de Lens début novembre ? C'est en projet, confie Frédéric Boccaletti : "On ne s'interdit pas d'aller voir un match. C'est avant tout un problème d'agenda." Mourad Boudjellal assure qu'elle "est la bienvenue à Mayol et qu'elle sera traitée comme les autres candidats". Quid de l'accueil du public ? "Je pense qu'elle ne serait pas bien accueillie, veut croire Patrick Fornet, président de l'association des Mordus du RCT. Ici, le FN, on a donné."

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