Le redécoupage des régions a-t-il favorisé le Front national ?
Les Français votaient pour la première fois pour élire les conseillers régionaux de leur nouvelle région. La réforme territoriale a-t-elle un effet sur les résultats ? Eléments de réponse.
Des régionales pas comme les autres. Inédites, même. Les Français ont voté pour la première fois, dimanche 6 décembre, depuis la réforme territoriale. Résultat : la métropole ne compte plus 22 régions mais 13. Si les frontières de certaines régions n'ont pas été modifiées, comme la Bretagne ou les Pays de la Loire, d'autres ont été bouleversées. L'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne ont par exemple fusionné.
Quelle influence ce nouveau découpage a-t-il eu sur les résultats ? Selon nos calculs, l'issue du premier tour des élections régionales n'aurait pas été vraiment différent, ni pour un camp, ni pour l'autre s'il n'y avait pas eu de fusions. Francetv info a quand même cherché à savoir si le nouveau découpage des régions a pu favoriser le FN.
Avec des régions plus grandes, les victoires sont amplifiées
Avec ses 7 749 100 habitants, la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie devient la deuxième région la plus densément peuplée derrière l'Ile-de-France. Marine Le Pen y est arrivée largement en tête avec 40,64% des suffrages. Un territoire agrandi a un effet sur le vote, estime Romain Pasquier, spécialiste des collectivités territoriales et directeur de recherche au CNRS. "Avec des surfaces géographiques beaucoup plus importantes, les victoires sont amplifiées", assure-t-il, contacté par francetv info.
Concernant la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le chercheur estime que le Front national a toujours été très fort en Picardie mais la fusion des régions a accéléré l'importance du vote frontiste dans le Nord-Pas-de-Calais. "S'il n'y avait pas eu la fusion, il y aurait eu une progression du Front national mais le vote aurait été endigué dans le Nord", détaille-t-il. Le Front national aurait fait un score de 42,15% sur la seule Picardie et 39,93% dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Par ailleurs, Marine Le Pen aurait dû choisir une des deux régions pour se présenter. Par conséquent, faute de candidat aussi charismatique et médiatique, les scores n'auraient pas été, selon lui, aussi forts dans les deux régions.
Les électeurs se prononcent sur des enjeux nationaux, plus que locaux
Avec ces nouvelles frontières, l'entité régionale peut paraître floue et les candidats ne sont plus forcément des personnalités politiques de proximité. "La nouvelle région est loin, explique Romain Pasquier. Ce n'est plus un vote local mais un vote national. Les thématiques de campagne sont celles du chômage, de l'après-13-Novembre, de la crise migratoire."
Ainsi, en Lorraine, le climat est très favorable au Front national, explique Jean-Claude Némery, professeur de droit public à l'université de Reims, joint par francetv info. "Dans le nord de la Lorraine, très marqué par les disparitions d'emplois, il y a eu un vote sanction", affirme-t-il. Le candidat du FN, Florian Philippot, a récolté dans cette région 36,06% des voix loin devant la liste de Philippe Richert, l'élu des Républicains, président sortant du conseil régional d'Alsace. Lequel n'a obtenu que 25,83% des suffrages. Du coup, le manque de notoriété de certains candidats dans certaines parties de la région a été flagrant. "En Lorraine et en Champagne-Ardenne, tout le monde connaissait Florian Philippot. Richert, personne ne le connaissait à part les spécialistes", analyse Jean-Claude Némery.
Même constat en Bourgogne Franche-Comté. Le candidat de la liste d'union de la droite et du centre, François Sauvadet, président du conseil général de Côte-d'Or, est arrivé en deuxième position avec 24% des voix, derrière la candidate frontiste Sophie Montel (31,48% des voix). "Pourtant, la Franche-Comté est une région à droite", rappelle Jérémy Chevreuil, journaliste politique à France 3 Franche-Comté. "Personne n'a su s'adresser à la grande région", ajoute-t-il.
Dans les régions où le FN est fort, la réforme était jugée avec sévérité
Ces nouvelles régions n'ont pas encore d'identité aux yeux des électeurs. "Les électeurs sont déboussolés", note Romain Pasquier. "Beaucoup d'Alsaciens ont été furieux de la fusion", assure de son côté Jean-Claude Némery. "Philippe Richert se bat pour une Alsace comme entité unique et quelques mois plus tard, il part en campagne pour être à la tête de cette grande région. Les Alsaciens ont un sentiment de frustration. Le candidat des Républicains a pu être pénalisé par ce qui a été perçu comme un renoncement."
Un sondage TNS-Sofres réalisé, en octobre, pour l'Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation révèle que 37% des Français considèrent que la réforme territoriale est une mauvaise chose, relaie L'Express. La désapprobation atteint son maximum en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (57% d'avis défavorables contre 20% d'avis favorables) et dans le Nord-Pas-de-Calais- Picardie (45% contre 29%). Des régions où le FN réalisent ses meilleurs scores.
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