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Elections régionales : pourquoi "La Voix du Nord" part en campagne contre Marine Le Pen

Dans son édition de lundi, le quotidien fait part de son "inquiétude" quant à une victoire du FN dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Le directeur général délégué du journal, Gabriel Darcourt, évoque un engagement "nécessaire".

Article rédigé par Céline Bernatowicz - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Marine Le Pen lors d'un meeting à Hayange (Moselle), le 25 novembre 2015. (MAXPPP)

"Pourquoi une victoire du FN nous inquiète". Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, La Voix du Nord s'engage contre Marine Le Pen. Lundi 30 novembre, à moins d'une semaine du premier tour des élections régionales, le quotidien lillois a choisi de consacrer sa une à la probable victoire frontiste dans la région, et de faire part de son "inquiétude"

Marine Le Pen dénonce un "scandale moral, éthique et déontologique". Interrogé par francetv info, le directeur général délégué du journal, Gabriel d'Harcourt, lui répond.  

Francetv info : Pourquoi avoir choisi de publier cette une à moins d'une semaine du premier tour ?

Gabriel d'Harcourt : Cette une, on avait déjà prévu de la publier la semaine dernière, mais le contexte – après les attentats du 13 novembre – ne s'y prêtait pas. On a donc jugé plus judicieux de reporter sa publication. Aujourd'hui, les circonstances étaient d'autant plus idéales que notre une fait suite à la publication de notre sondage du week-end, qui donne le Front national en tête, avec un score qui s'est encore accru. 

Publier cette une, c'est vrai, était pour nous une nécessité. Le but n'était pas de démontrer notre force de frappe journalistique. L'objectif était plutôt, à la veille du scrutin, de décrypter l'actualité, de donner notre avis, notre éclairage, et de le partager auprès de nos lecteurs, sans jamais pour autant remettre en question leurs convictions politiques.

Considérez-vous cela comme un acte militant ?

C'est un acte engagé, c'est sûr, mais pas un acte militant. On a livré au travers de nos deux pages un véritable argumentaire. On a offert aux lecteurs de La Voix du Nord des articles factuels et précis, les thèmes abordés étaient choisis avec précision, les termes aussi...

Notre décision n'est pas neutre. Elle s'inscrit dans l'histoire du journal, dans ses gènes... Si on ne l'avait pas prise, on aurait légitimement pu nous le reprocher. C'est une prise de position délibérément forte, mais un journal d'information doit pouvoir en prendre à certaines occasions. Il s'agit ensuite de les assumer.

Marine Le Pen a aussitôt qualifié votre une de tract pour le Parti socialiste. Comprenez-vous sa réaction ?

Ses propos ne me surprennent pas davantage, et pour être tout à fait honnête, on ne s'attendait pas à meilleure réaction. C'est même plutôt rassurant pour notre ligne éditoriale : le Front national nous compare à un tract socialiste, quand les autres partis nous accusent de faire le jeu du FN, et cela dure depuis quelque temps déjà...

Si le Front national nous attaque aujourd'hui, c'est uniquement parce qu'on a objectivement su expliquer pourquoi le FN n'était pas la solution pour notre région et ses habitants.

Marine Le Pen vous reproche un manque d'impartialité, affirmant que votre journal a bénéficié de subventions de la part du conseil régional socialiste, à hauteur de neuf millions d'euros. Que lui répondez-vous ?

Il n'y a pas à polémiquer sur un quelconque manquement déontologique de notre part. Il n'y a pas de "scandale". Et il n'y a pas non plus d'arrangement avec le conseil régional, dont on ne reçoit d'ailleurs aucune subvention*, contrairement à ce qu'a pu insinuer Marine Le Pen.

Alors bien sûr que l'on travaille avec lui, comme n'importe quel autre journal local, mais on n'a pas publié cette une, et ces articles, guidés par un quelconque intérêt. Ce serait même plutôt irréfléchi de notre part, puisque le Front national risque de remporter la région... Mais nous, quoi qu'il arrive, on publie, on n'a pas peur.

* Comme l'explique le journal sur son site, le conseil régional du Nord-Pas de Calais finance en fait la télévision locale Wéo, détenue à 33,84% par le groupe La Voix du Nord, via des aides à la coproduction de programmes audiovisuels, et à hauteur de 1,5 million d'euros par an.

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