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Présidentielle : à deux mois du premier tour, "il y a un certain désarroi pour une partie de l'opinion"

Un sondage Ipsos, publié jeudi, montre des incertitudes dans les intentions de vote. Pour en comprendre les raisons, franceinfo a interrogé Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut de sondage qui a réalisé cette enquête.

Article rédigé par Clément Parrot - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une femme vote lors du second tour de la primaire de la gauche, le 29 janvier 2017, à Saint-Domineuc (Ille-et-Vilaine). (DAMIEN MEYER / AFP)

Rarement une élection présidentielle a été aussi indécise sous la Ve République. Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria, diffusé jeudi 16 février, François Fillon est en forte baisse sur un mois avec 18,5% d'intentions de vote et se voit distancé par Marine Le Pen (26%) et Emmanuel Macron (23%) au 1er tour. Mais cette enquête révèle aussi une forte incertitude dans le choix des électeurs. Franceinfo a interrogé Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos, pour comprendre les raisons de ces hésitations dans l'électorat.

>> Découvrez dans notre carte quel candidat arrive en tête des intentions de vote dans votre région

Franceinfo : A neuf semaines du premier tour, les Français semblent très indécis dans cette campagne présidentielle...

Brice Teinturier : C’est un des enseignements importants de cette enquête. Les électeurs ont des certitudes de choix plus faibles qu'à l'accoutumée, avec seulement environ 50% d'entre eux qui déclarent que leur intention de vote est définitive. Par ailleurs, les Français apparaissent moins sûrs d’aller voter qu'en 2012, avec environ six points de moins qu’il y a cinq ans. L'étude montre un certain désarroi pour une partie de l'opinion, une insatisfaction vis-à-vis de la campagne en cours.

Comment expliquer cette indécision et cette relative démobilisation ?

Il y a tout d’abord l’affaire Fillon. Elle a déçu une partie des électeurs UDI et LR et introduit une rupture dans une campagne qui était bien partie. Sur les 6,5 points d’intentions de vote perdus par François Fillon en un mois, 2,5 sont des électeurs qui ne sont plus sûrs d'aller voter, 4 sont liés à des transferts de vote en faveur d’autres candidats, principalement Emmanuel Macron. Mais ces électeurs sont, par définition, moins sûrs de leur choix que la moyenne. Ils vont et viennent d’un candidat à l'autre.

Le deuxième élément d’explication relève des projets politiques qui sont, aujourd’hui, assez peu audibles. Le projet de Benoît Hamon a été récemment porté à la connaissance des Français. Celui d'Emmanuel Macron reste parcellaire et devrait être dévoilé prochainement. Quant au programme de François Fillon, il est connu de longue date, mais a été parasité par les affaires.

Il n’y a donc pas de lignes de force très nettes, de débats sur les propositions qui polarisent et fixent le vote des électeurs. Cela ajoute au sentiment de flou et de désarroi de l'opinion.

Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut Ipsos

à franceinfo

Enfin, tout cela se joue sur fond de désengagement profond vis-à-vis du politique, après deux quinquennats qui ont déçu, à droite comme à gauche. Le clivage gauche-droite est très affaibli, et les deux candidats actuellement en tête des intentions de vote, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, sont précisément ceux qui le réfutent. C’est un point fondamental, et totalement inédit. Si demain, le second tour oppose Marine Le Pen à Emmanuel Macron, cela signifierait que ce clivage, fondateur et organisateur de la vie politique française, ne fonctionne plus. Or, il structurait la vie politique française depuis toujours, en la rendant plus claire, en permettant de situer les candidats dans un cadre familier. Cela contribue à la situation actuelle, extrêmement liquide.

L'absence de candidat sortant peut-elle aussi expliquer cette incertitude ?

Oui, tout à fait. Le rapport au candidat sortant structure habituellement une élection présidentielle. Avec le renoncement de François Hollande, il n'y a pas de sortant et cela contribue à l'absence de ligne identifiée, d'aspérité, d'arête solide. C’est un moteur classique et fondamental de l’élection qui ne joue pas. En plus, tous les candidats se sont démarqués du quinquennat : personne ne revendique le bilan, ni Benoît Hamon, ni Emmanuel Macron. Chaque candidat tente donc de dérouler ses propositions dans son couloir, sans toujours se faire entendre. C’est une difficulté supplémentaire pour l’électeur.

Il reste Marine Le Pen, dont les intentions de vote sont stables...

Effectivement, c'est la seule qui garde une structure électorale solide et constante. Son image varie peu, tout comme ses propositions. Il y a donc peu de mouvements pour les électeurs de Marine Le Pen, et son socle est très solide. Chez les autres, on constate, au contraire, une forte mobilité électorale. Benoît Hamon est passé de 7 à 14%. François Fillon a chuté de 25 à 18,5%. Pour toutes les raisons précédemment évoquées, cette élection est donc beaucoup plus imprévisible que les précédentes.

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