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Présidentielle 2022 : on a vérifié cinq affirmations des candidats sur les retraites

Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Marine Le Pen, Eric Zemmour, Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan et Emmanuel Macron se sont exprimés récemment à propos de l'âge de départ à la retraite ou sur le financement du système de pensions.

Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Chaque prétendant à l'Elysée a sa propre vision du système des retraites. (ELLEN LOZON / FRANCEINFO)

C'est l'un des grands dossiers de l'élection présidentielle. Si certains candidats, comme Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, plaident pour un retour à la retraite à 60 ans, d'autres défendent un recul de l'âge légal de départ, comme Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou Eric Zemmour.

>> Présidentielle : que proposent les douze candidats pour réformer les retraites ?

A droite comme à gauche, chacun avance ses arguments pour défendre ses propositions sur ce sujet sensible. Financement du système, employabilité des seniors, calcul des pensions... Franceinfo a décrypté et vérifié cinq récentes déclarations des différents candidats.

1Sur le financement du système

"A moyen terme, notre régime [des retraites] est équilibré", a estimé Yannick Jadot, le 10 mars, sur Europe 1. Le candidat écologiste défend donc un maintien de l'âge légal de départ à 62 ans, tout comme Anne Hidalgo. La candidate socialiste estime aussi qu'"il n'y a pas de problème de soutenabilité financière". Un argument également repris début mars dans l'émission "Elysée 2022" par Marine Le Pen, qui plaide pour un système progressif de départ à partir de 60 ans et 40 annuités. 

Pour évaluer la soutenabilité du système à moyen et long terme, c'est-à-dire la capacité des cotisations à financer les pensions, le Conseil d'orientation des retraites (COR) observe l'évolution de la part des dépenses de retraite dans le PIB. En 2020, ces dépenses représentaient 14,7% de la richesse nationale, "un niveau particulièrement élevé", selon son dernier rapport (PDF)Toutefois, à partir de 2030, la part des dépenses devrait baisser "dans tous les scénarios". A plus long terme, cette part varierait entre 11,3% et 13% du PIB d'ici à 2070.

"Globalement à l'horizon 2050, le régime sera équilibré, et à l'horizon 2070, il sera même excédentaire."

Eric Heyer, économiste

à franceinfo

Cette tendance peut surprendre dans un contexte de vieillissement de la population. Mais elle s'explique notamment par l'augmentation de l'âge effectif de départ à la retraite, de 62,2 ans en 2019 à un peu moins de 64 ans vers 2040, sous l'effet du recul de l'âge d'entrée dans la vie active, mais aussi des réformes déjà votées, comme la loi Touraine de 2014, qui ne sera pleinement mise en œuvre qu'en 2035.

Enfin, les estimations du Conseil d'orientation des retraites s'appuient sur l'hypothèse d'une "législation inchangée""Dès lors que vous mettez en place de nouvelles réformes, ces projections ne sont plus valables", détaille Eric Heyer. L'instauration d'un système progressif de départ à la retraite à partir de 60 ans, comme le propose Marine Le Pen, modifierait donc ces évaluations.

2 Sur la part d'actifs et de retraités

"Notre système de répartition (...) demande beaucoup d'actifs par rapport aux inactifs et nous en avons de moins en moins", a déclaré le 18 mars Eric Zemmour lors d'un échange avec des électeurs. "Dans les années 1950-1960, on avait cinq actifs pour un inactif. Aujourd'hui, on en a plus que deux et ça va tomber à 1,7 voire 1,4", a-t-il poursuivi.

Ces ordres de grandeur sont "justes", commente Eric Heyer. Le rapport entre le nombre de cotisants, qui financent donc le système, et la proportion de retraités devrait effectivement diminuer, de 1,7 en 2019 à 1,3 en 2070, selon le Conseil d'orientation des retraites. Dans les années 1950 et 1960, on comptait l'équivalent de cinq personnes en âge de travailler pour un retraité, selon les données de l'OCDE (en anglais).

Selon Eric Zemmour, cet argument justifie sa proposition de reculer l'âge légal de départ à 64 ans. Or, les projections du Conseil d'orientation des retraites tiennent déjà compte de "cette évolution démographique défavorable". Outre l'augmentation de l'âge effectif de départ à la retraite, "la baisse à venir de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité" devrait également permettre de compenser les effets du vieillissement de la population.

3Sur l'espérance de vie après la retraite

C'est l'un des arguments du candidat de La France insoumise pour défendre un âge de départ à la retraite à 60 ans. "On vit moins longtemps depuis qu'on travaille plus longtemps", notamment après les réformes adoptées sous Nicolas Sarkozy et François Hollande, a affirmé Jean-Luc Mélenchon sur France 3

Dans l'ensemble, l'espérance de vie n'a pas reculé depuis une dizaine d'années, selon les données de l'Insee. Elle a toutefois peu augmenté pour les femmes, de 84,3 ans en 2008 à 85,4 ans en 2021. Chez les hommes, elle est passée de 77,6 ans en 2008 à 79,3 ans en 2021. On observe néanmoins une forme de stagnation depuis 2014, comme le montre le graphique ci-dessous.

Quant à l'espérance de vie sans incapacité à 65 ans, qui correspond au nombre d'années qu'une personne d'un âge donné peut espérer vivre sans être limitée dans ses activités quotidiennes, elle a augmenté depuis 2008 "de 1 an et 6 mois pour les femmes et de 1 an et 8 mois pour les hommes", relève la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (PDF)En 2019, elle s'élevait à 11,5 ans pour les femmes et à 10,4 ans pour les hommes.

Ces données ne sont toutefois que "des moyennes" qui masquent de fortes inégalités selon les professions, nuance Monika Queisser, spécialiste des retraites à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Par exemple, un cadre de 35 ans a en moyenne six ans d'espérance de vie de plus qu'un ouvrier, selon l'Insee

4Sur l'emploi des seniors

Emmanuel Macron a défendu mardi sur France Bleu sa proposition de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, assurant que "mécaniquement" elle dopera le "taux d'emploi des seniors". "Quand on regarde les pays voisins, (...) à mesure qu'ils décalaient l'âge de départ à la retraite, ils amélioraient le taux d'emploi des seniors", a assuré le président, candidat à sa réélection.

"Dans l'ensemble, on voit que dans les pays de l'OCDE qui ont augmenté l'âge de départ à la retraite, cela s'est traduit par une substantielle augmentation de l'emploi des seniors."

Monika Queisser, spécialiste des retraites

à franceinfo

En France, le report de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans, prévu par la réforme de 2010, s'est déjà accompagné "d'une augmentation de la durée passée en emploi avant la retraite", note le Conseil d'orientation des retraites

Ainsi, le taux d'emploi des 60-64 ans a augmenté de 14 points depuis 2011, pour s'établir à 33% en 2020. "Pour cette tranche d'âge, il s'agit d'un net retournement de tendance", observe le COR, qui rappelle que le taux d'emploi des seniors avait été marqué par une "longue période de baisse" avant les années 2000. Cette part reste toutefois encore bien inférieure à la moyenne de 50,7% au sein de l'OCDE

Toutefois, le recul de l'âge de départ à la retraite n'est pas sans conséquence sur le chômage des seniors. Ainsi, même si le "surcroît d'activité induit" par la réforme de 2010 s'est "traduit majoritairement par un accroissement de l'emploi", il s'est aussi accompagné d'une hausse de sept points de la probabilité d'être au chômage à 60 ans, selon une étude de l'Insee

"Une proportion sensible des assurés passe par des périodes de chômage ou d'inactivité entre leur sortie définitive du marché du travail et leur départ à la retraite", pointe de son côté un rapport sur l'emploi des seniors remis au gouvernement en 2020 (PDF). En moyenne, entre 2016 et 2018, près de 28% des personnes âgées de 60 ans n'étaient ni en emploi ni en retraite.

5Sur l'indexation des pensions sur l'inflation

"Je propose qu'on indexe sur l'inflation les pensions de retraite. Les pensions de retraite ont été désindexées depuis François Hollande, Emmanuel Macron ministre, et ça continue", a dénoncé Nicolas Dupont-Aignan le 17 mars sur franceinfo. "Je ferai la réforme des retraites pour indexer les retraites sur l'inflation", a promis Valérie Pécresse deux jours plus tard sur France 2.

En théorie, la loi prévoit déjà l'indexation des pensions sur l'évolution des prix à la consommation. Mais en pratique, ce dispositif a été régulièrement contourné. En 2014 et 2016, par exemple, les pensions de base ont été gelées sous le mandat de François Hollande, même si l'inflation était alors limitée. En 2018, la revalorisation avait été reportée à l'année suivante, rappelle la Drees, avant d'être finalement limitée en janvier 2019 à 0,3% alors que l'inflation gagnait 1,8%.

Le décalage du calendrier de revalorisation des pensions de base, tantôt en janvier (avant 2009), en avril (entre 2009 et 2013), en octobre (à partir de la réforme de 2014), puis de nouveau en janvier (depuis 2019), a également pesé sur les pensions des retraités. Ces changements de date se sont fait sans rattrapage sur les mois qui se sont écoulés entre l'ancienne et la nouvelle date, rappelle Le Parisien (article payant).

Les reports de versement et les mécanismes de sous-indexation par rapport à l'inflation "expliqueraient un peu moins de la moitié de la perte de pouvoir d’achat du cadre né en 1932 et environ un tiers de celles des autres générations, le reste étant expliqué par la hausse des prélèvements", estime le Conseil d'orientation des retraites (PDF).

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