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Présidentielle 2022 : "abstentionnistes forcés", les Français de Shanghai, privés de vote par le confinement, oscillent entre déception et frustration

En raison des mesures sanitaires très strictes mises en place contre le Covid-19 par les autorités, les 25 millions d'habitants de la mégapole chinoise sont contraints de rester chez eux. Parmi eux, des milliers de Français qui ne peuvent pas voter dimanche pour le premier tour de la présidentielle.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un enfant dans un bureau de vote à l'ambassade de France en Chine à Pékin, le 10 avril 2022. (NOEL CELIS / AFP)

"D'un coup, je deviens spectateur de l'élection, je ne suis plus acteur." Enseignant à Shanghai depuis août 2018, Alexandre Chauvel ne votera pas à la présidentielle pour la première fois. Lui qui, d'habitude, s'intéresse "à la vie citoyenne", se retrouve privé de ce droit fondamental en démocratie pour le premier tour du scrutin, dimanche 10 avril, en raison du confinement imposé au sein de la capitale économique de la Chine. Face à la recrudescence des cas de Covid-19, la ville de Shanghai a été mise sous cloche, d'abord en partie, puis en totalité depuis début avril. Par conséquent, tous les habitants ont interdiction de sortir de chez eux. Et les Français ne font pas exception, y compris pour glisser un bulletin dans l'urne. "Nous sommes des abstentionnistes forcés", déplore Alexandre Chauvel, joint par franceinfo.

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Le consulat de France en Chine, chargé de l'organisation de l'élection présidentielle pour les expatriés français, a bien tenté de négocier avec les autorités. "Nous avons proposé aux autorités locales un système de dispense pour aller voter", explique à franceinfo le consul, Benoît Guidée. Sans succès. L'ambassade de France en Chine a envoyé, vendredi, un message aux 5 200 ressortissants français de Shanghai, dans lequel elle explique qu'"en raison de ces circonstances exceptionnelles que sont l'impossibilité officielle de se déplacer (...) il a été décidé de ne pas ouvrir les bureaux de vote de Shanghai pour le premier tour de l'élection présidentielle".

Une partie du message de l'ambassade de France en Chine envoyé ax ressortissants français, le 8 avril 2022. (DR)

"Je suis déçue, bien sûr", confie Jordane, qui a transmis à franceinfo le message de l'ambassade. "L'élection présidentielle est quelque chose qui nous relie à la France. C'est un acte démocratique fort, c'est important d'y participer", insiste celle qui travaille dans la finance et vit à Shanghai depuis onze ans, avec mari et enfants. Comme beaucoup d'autres Français, Jordane se dit "déçue", mais pas "surprise" de cette décision. "Le confinement est très strict ici, donc je ne vois pas comment les autorités auraient pu accepter qu'on sorte", commente-t-elle.

"Une bureaucratie pesante"

"Même en étant loin, on a quand même envie de participer à la vie politique du pays, de se dire aussi qu'il pourrait y avoir certaines solutions mises en place. Et puis finalement, on se rend compte que ça ne va pas être le cas, donc on est frustrés", regrette Mathieu, lui aussi installé à Shanghai. Des solutions, c'est ce que Carole Gabay, bénévole de l'association Solidarité Covid, qui donne des informations aux Français de Chine sur l'évolution de l'épidémie depuis 2020, a tenté de trouver. "Je suis en contact avec le conseiller des Français de l'étranger et ma première réaction a été de dire 'il faut absolument mettre en place un vote électronique'", affirme-t-elle à franceinfo.

Mais, pour des raisons de sécurité et "des risques de hacking", c'est impossible. Contrairement aux élections législatives, la loi n'autorise pas le vote en ligne pour l'élection présidentielle, explique à RFI Guillaume Mallet, représentant des Français de l'étranger à Shanghai. Impossible aussi de faire des procurations par visioconférence. "J'en déduis qu'il y a une bureaucratie pesante. C'est bien dommage", déplore Carole Gabay. Des conditions qui perturbent le scrutin pour tous les Français de Chine.

Un espoir pour le second tour

Gaël Caron comprend la situation, et s'en accommode, lui qui réside depuis plusieurs années dans le pays. "Je me suis habitué à cette rigidité donc ça ne m'étonne qu'à moitié on va dire", témoigne ce Cannois interrogé par France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur"Il n'y a rien d'étonnant, ici personne ne vote, le vote n'est pas quelque chose de courant en Chine, comme vous pouvez le savoir, donc faire une exception pour les étrangers, et notamment les Français qui doivent aller voter, je pense que ce n'est vraiment pas la priorité", estime-t-il.

Ces derniers jours, la priorité, pour tous les habitants de Shanghai, quelle que soit leur nationalité, est d'être suffisamment approvisionné en eau et en nourriture. Alexandre Chauvel, qui vit avec sa compagne chinoise, s'en inquiétait, car depuis le début du confinement, les livraisons à domicile ont cessé. Jusqu'à ce qu'il reçoive, dans la nuit de samedi à dimanche, "un grand panier avec des légumes et de la viande" de la part du gouvernement. "On a de quoi tenir deux semaines, alors que certains Chinois sont vraiment dans le besoin." 

"On s'organise par résidence. On passe un tiers de la journée à chercher comment se faire livrer. Pour l'eau aussi c'est difficile, on n'a pas l'habitude de boire de l'eau du robinet", complète Jordane, dont la priorité est aussi de gérer l'école à la maison. Jusqu'à quand ? La stratégie "zéro Covid" de la Chine ne permet "aucune visibilité sur une sortie de confinement", estime l'expatriée. En ce qui concerne le second tour de la présidentielle, tout dépendra de "l'évolution des normes sanitaires locales", précise l'ambassade. Jordane garde tout de même espoir de voter le 24 avril. Ou en juin, pour les élections législatives.

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