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Elections régionales 2021 : pourquoi ce scrutin ressemble à une répétition générale de la présidentielle

Dans moins d'un an, Emmanuel Macron devrait remettre son mandat en jeu. En attendant, les Français sont appelés aux urnes pour les régionales et les départementales. De quoi préfigurer les rapports de force pour 2022. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des passants s'arrêtent devant les affiches des candidats aux élections dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, le 31 mai 2021, à Valence (Drôme). (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)

Elles devaient avoir lieu en mars. Mais à cause de la crise du Covid-19, les élections régionales et départementales se tiendront les dimanches 20 et 27 juin, moins d'un an avant l'élection présidentielle de 2022. Une proximité temporelle qui donne une couleur très particulière à ces scrutins locaux. "Avec ces élections régionales, on est déjà dans l'élection présidentielle, c'est le pré-premier tour", glisse à franceinfo le politiste Rémi Lefebvre. Thèmes de campagne nationaux, prétendants à l'Elysée en quête de légitimité, stratégies partisanes orientées vers 2022... Franceinfo vous explique pourquoi ces régionales sont l'antichambre de la présidentielle

Parce que les enjeux nationaux dominent la campagne

Sécurité, immigration, emploi, chômage mais aussi système de santé ou épidémie de Covid-19... Voilà les préoccupations les plus citées par les personnes interrogées dans les enquêtes d'opinion consacrées aux élections régionales et départementales. Une nationalisation des enjeux sur laquelle ont décidé de surfer certains partis, dont le Rassemblement national. "On peut parler des TER et savoir si le ticket doit être à 1,28 euro ou 1,33 euro, c'est super intéressant, mais le pays est dans un tel état... raille Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen. Ce sont les électeurs qui nationalisent le scrutin et les thèmes cités sont des thèmes très nationaux."

Pourtant, si ces thèmes fleurissent sur les plateaux télé et donnent lieu à des passes d'armes entre candidats, ils ne sont que très peu en rapport avec les attributions des régions. C'est notamment le cas de la sécurité, régulièrement mise en avant par les têtes de liste, domaine dans lequel les régions ne possèdent aucune compétence. "C'est une façon d'entamer la campagne présidentielle car la sécurité sera un enjeu inévitable lors de cette élection", estime le politologue et constitutionnaliste Olivier Rouquan.

>> Elections régionales 2021 : mais que vient faire le thème de la sécurité dans la campagne ?

Parce que des ténors de la droite s'en servent comme d'un tremplin vers 2022

En 2015, Xavier Bertrand s'était défendu, en préambule de son projet, de se servir de la région comme d'"un marchepied" ou d'"un laboratoire". Mais il écrivait aussi, en conclusion de ses 132 pages de programme "Il faudra appliquer ces solutions au niveau national. Ce qui fonctionnera pour 6 millions de personnes fonctionnera pour 66 millions de Français." Le président de la région Hauts-de-France a dévoilé fin mars sa candidature à l'élection présidentielle"Je le fais par devoir, parce que j'estime qu'au moment où nous sommes, le choix sera entre le déclin et le redressement de mon pays", s'est expliqué l'ancien membre des Républicains dans une interview au Point (article réservé aux abonnés).

L'ex-ministre a d'ailleurs lié son destin présidentiel à sa réélection à la tête de sa région, expliquant qu'il arrêterait la politique s'il perdait. Pour le gêner dans sa campagne, le chef de l'Etat lui a envoyé Eric Dupond-Moretti, le médiatique garde des Sceaux, tête de liste dans le Pas-de-Calais. De quoi nationaliser encore un peu plus cette joute électorale.

D'autres poids lourds de la droite misent sur une réélection à la tête de leur région pour éventuellement se lancer dans la course à l'Elysée. Mais, contrairement à leur collègue des Hauts-de-France, Valérie Pécresse (présidente de l'Ile-de-France) et Laurent Wauquiez (président de l'Auvergne-Rhône-Alpes) temporisent et préfèrent ne pas brûler les étapes. Un choix tactique qui pourrait leur permettre d'affiner leurs réseaux. 

Parce qu'Emmanuel Macron utilise ces élections pour continuer à fractionner la droite

A l'occasion de cette campagne, Emmanuel Macron poursuit son travail de sape contre la droite. En tendant la main au candidat LR Renaud Muselier en Provence-Alpes-Côte d'Azur, la majorité présidentielle a provoqué un véritable psychodrame au sein des Républicains, le parti de droite menaçant de retirer son investiture à son propre candidat. Après des jours de polémique, le maire de Nice, Christian Estrosi, et celui de Toulon, Hubert Falco, ont fini par claquer la porte de LR. Des défections regardées avec délectation dans le camp macroniste.

"Les régionales sont pour nous un moyen d'accélérer la clarification. Sans ces élections, je ne sais pas si Estrosi et Falco seraient sortis comme ça de LR."

Un membre du gouvernement

à franceinfo

L'épisode est révélateur de la stratégie d'Emmanuel Macron pour la présidentielle. "Son objectif, c'est de siphonner encore un peu plus la droite modérée et d'empêcher l'émergence d'une candidature de droite", analyse le politologue Rémi Lefebvre

Parce que le Rassemblement national est en quête de victoires et de légitimité

"Comme le dit Jordan Bardella, il y a la présidentielle derrière. Les régionales, c'est l'apéritif de la présidentielle." Cette petite phrase de l'ex-journaliste Philippe Ballard, désormais engagé au RN, a le mérite d'être claire. Marine Le Pen y voit la même continuité. "Il n'y a pas de séquences différentes entre régionales et présidentielle", a-t-elle déclaré, le 2 juin, lors d'un déplacement dans la Loire. Remporter une région ne constituerait pas seulement une victoire électorale pour le RN. "Il y aurait une dimension symbolique très importante, celle de montrer que ce parti peut diriger un exécutif local", explique le sociologue et spécialiste de l'extrême droite Sylvain Crépon. Ce dont on ne se cache pas dans l'entourage de la patronne du parti.

"On aimerait bien montrer que l'on est capables de gérer à l'échelle régionale."

Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen

à franceinfo

Après la conquête en 2020 de Perpignan, première grande ville à tomber dans les mains du RN, le parti remportera-t-il une région en 2021 ? Une victoire permettrait à l'ex-FN "d'envoyer un signal aux sympathisants et militants qu'il peut proposer des postes à responsabilité", souligne Sylvain Crépon. Et donc de drainer d'autres adhésions, bien utiles dans la perspective d'une campagne présidentielle.

Et le RN a de quoi espérer, notamment en Provence-Alpes-Côte d'Azur, en Bourgogne-Franche-Comté ou encore en Centre-Val de Loire. En région Paca, certains sondages donnent le candidat du RN, Thierry Mariani, gagnant même en cas de retrait de la liste de gauche. En 2015, le retrait du candidat socialiste Christophe Castaner avait permis à Christian Estrosi de s'imposer face à Marion Maréchal-Le Pen. Cette fois, le front républicain, s'il a lieu, pourrait ne pas être suffisant.

Parce que la campagne confirme la descente aux enfers de la gauche

La marginalisation de la gauche se poursuit. Quatre ans après la dernière présidentielle, ses forces ne se sont toujours pas remises du quinquennat de François Hollande et de la victoire d'Emmanuel Macron. Après des élections municipales correctes, ce scrutin régional, où les logiques partisanes sont plus marquées, risque d'être beaucoup plus douloureux.

Dans la plupart des régions, la gauche part en ordre dispersé, avec deux, trois, voire davantage de listes en concurrence. "C'est la division qui prévaut. Elle s'explique par des luttes d'appareil et de personnes", explique Rémi Lefebvre. 

"La situation est catastrophique. Les élections locales exacerbent les divisions."

Rémi Lefebvre, politologue

à franceinfo

"Ce sont des partis d'élus. Or, beaucoup de gens sont restés sur le carreau et veulent aujourd'hui reprendre leur place", poursuit le politologue. Ces divisions s'expliquent aussi par l'absence de leadership. "Aucune force politique ne s'impose sur une autre, il n'y a pas d'hégémonie et les partis n'arrivent pas à se mettre d'accord." Illustration de ce constat : en Ile-de-France, les listes d'Audrey Pulvar (PS), de Clémentine Autain (LFI) et de Julien Bayou (EELV) plafonnent autour de 10% chacune, sondage après sondage.

Les faits montrent que les tensions sont toujours aussi vives entre les différentes composantes de la gauche. Alexis Corbière, député LFI, dénonce ainsi "le sectarisme" de certains. "C'est derrière eux ou rien et aucune exigence programmatique : bref, la défaite", dit-il. Une intransigeance que les concurrents de LFI reprochent aussi aux mélenchonistes. Une candidature unique à l'élection présidentielle semble de plus en plus improbable. "Il n'y aura pas d'électrochoc, c'est une impasse terrible pour la gauche", analyse Rémi Lefebvre. 

Même lorsqu'elle parvient à se mettre d'accord, la gauche a du souci à se faire. Dans les Hauts-de-Francel'écologiste Karima Delli, qui mène la seule liste d'union de la gauche en France, ne pointe pour le moment qu'en troisième position au premier tour, très loin derrière Xavier Bertrand et le candidat RN Sébastien Chenu. Une faiblesse qui en dit long, dans cette région qui est pourtant un ancien fief électoral. Les possibles victoires de présidents PS sortants (Carole Delga en Occitanie, Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine) pourront difficilement dissimuler la gravité de la situation pour une gauche en plein marasme.

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