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Jugement majoritaire, vote par élimination successive... Des scientifiques testent d’autres scrutins pour la présidentielle

Devant les limites du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, des chercheurs français expérimentent d'autres systèmes qui refléteraient davantage l'opinion des électeurs.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des panneaux électoraux, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), le 10 avril 2017. (LAURENT FERRIERE / HANS LUCAS / AFP)

Voter utile ou simplement contre un candidat : voilà à quoi pourraient se résoudre certains électeurs le 23 avril, au premier tour de l'élection présidentielle. Pour tenter de gommer les imperfections du scrutin, des chercheurs français testent d'autres systèmes de vote. Explications.

Qu'est-ce qui cloche dans le système actuel ?

Les Français élisent leur président au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Ce type de scrutin "ne reflète pas la volonté de l'électorat", affirme Michel Balinski, directeur de recherche émérite au CNRS et à l'École polytechnique. Ainsi "en 2002, presque tous les sondages montraient Lionel Jospin gagnant contre Jacques Chirac au second tour", rappelle le mathématicien. "Plus que d'autres modes de scrutin, celui de la présidentielle tend à ne pas élire le candidat qui vaincrait tous les autres en duel", souligne Herrade Igersheim, économiste du CNRS à l'université de Strasbourg.

De plus, ce mode de scrutin incite les électeurs à voter utile, selon ces chercheurs. Il "pousse à faire des calculs complexes afin de donner sa voix au moins mauvais parmi les candidats qui ont une chance", explique Michel Balinski. "C'est le grand drame, on ne demande plus à l'électorat ce qu'il veut, on le force à des calculs basés sur des sondages", ajoute-t-il.

Autre problème relevé par les scientifiques : les électeurs ne peuvent exprimer qu'un avis alors qu'ils en ont souvent plusieurs. Selon des expérimentations de scrutin menées par les chercheurs lors d'élections précédentes en France, plus des trois quarts des personnes expriment un avis sur plusieurs candidats quand on leur laisse le loisir de le faire. Signe que se limiter à choisir un seul bulletin est réducteur, selon ces études.

Comment les chercheurs procèdent-ils ?

Si les scientifiques sont d'accord sur les faiblesses du vote majoritaire à deux tours, ils ne le sont pas sur un mode de scrutin idéal. Alors ils testent, comparent, étudient. Le 23 avril, jour du premier tour de la présidentielle, à Strasbourg (Bas-Rhin), Hérouville-Saint-Clair (Calvados), Grenoble, Crolles et Allevard-les-Bains (Isère), les électeurs pourront tester quatre modes de scrutin. Ils pourront noter, éliminer successivement, approuver ou ne pas approuver, ou encore classer chaque candidat. Cette expérimentation est décrite sur le site vote.imag.fr.

Sur Laprimaire.org, depuis le 11 avril et jusqu'au 23 avril, Michel Balinski et Rida Laraki invitent les électeurs à tester un système encore différent : "le jugement majoritaire". Les électeurs attribuent à chaque candidat une évaluation sur une échelle allant de "Très Bien" à "A Rejeter".

Existe-t-il un mode de scrutin idéal ?

Le système américain n'est pas beaucoup plus juste. Aux Etats-Unis, où le président est élu au suffrage indirect par les grands électeurs, les victoires de George W. Bush en 2000 et de Donald Trump en 2016 ont montré le rôle important que joue le mode de scrutin dans une élection. Tous deux ont été élus par les grands électeurs, mais ont engrangé moins de voix populaires que leurs adversaires.

Certains des systèmes testés par les chercheurs français ont déjà été adoptés à l'étranger. "Le vote par élimination successive est utilisé pour l'élection présidentielle en Irlande, pour l'élection des députés en Australie et, depuis cette année, pour toutes les élections dans l'Etat du Maine aux Etats-Unis", selon Sylvain Bouveret, de l'université de Grenoble.

"Kenneth Arrow, prix Nobel d'économie, a démontré en 1951 que le scrutin parfait n'existait pas, donc on essaye de trouver celui qui reflète le plus possible la préférence des électeurs", conclut Herrade Igersheim. Tout en gardant à l'esprit qu'en la matière "la neutralité n'existe pas".

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