Présidentielle : "L’élection n’est pas jouée", selon Brice Teinturier d'Ipsos, mais "il y a des dynamiques claires" autour d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen
Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut de sondage Ipsos, rappelle sur franceinfo vendredi que, parfois, certains électeurs ne décident que le jour de l'élection pour qui ils voteront.
"L’élection n’est pas du tout jouée", a indiqué Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut de sondage Ipsos, vendredi 8 avril sur franceinfo. Selon lui, l’abstention qui "pourrait être autour de 28%", introduit "beaucoup d’incertitudes", tout comme l’écart qui se réduit entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Pour Brice Teinturier cela s’explique par un double mouvement : "le retour à la normale" d’Emmanuel Macron "après le boost occasionné par la guerre en Ukraine" et "le phénomène Marine Le Pen" qui a "relegué" Éric Zemmour et "réussi à installer une image un peu différente de ce qu’elle incarnait auparavant", celle d’une "tata protectrice". Par ailleurs, si "Jean-Luc Mélenchon a clairement gagné la bataille à gauche", "il aura du mal à reproduire les 19,58% qu’il avait obtenus en 2017", a ajouté le directeur général délégué d'Ipsos.
franceinfo : L'élection est-elle jouée ?
Brice Teinturier : L’élection n’est pas du tout jouée. L’abstention pourrait être autour de 28% (à +/-2 points). Cela introduit beaucoup d’incertitudes. Le premier facteur d’incertitude c’est que par rapport à 2017, la participation n’a pas bondi dans les tous derniers jours. Le deuxième facteur d’incertitude c’est que les courbes se rejoignent, se resserrent, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il y a 15 jours, il y avait près de 10 points d’écart. Aujourd’hui on est à 3,5 points d’écart. Il y a des dynamiques claires mais tout peut encore changer, le point d’atterrissage n’est pas du tout cristallisé. Les électeurs se déterminent parfois le jour même et ce dans des proportions de plus en plus importantes.
Comment expliquer cette dynamique ?
D’abord Emmanuel Macron, après le boost occasionné par la guerre en Ukraine, revient dans une zone plus conforme à ce qu’il avait avant l’Ukraine, soit 26,5% d’intention de vote dans notre dernière enquête. Donc, pour Emmanuel Macron, c’est plutôt un retour à la normale. En revanche, le phénomène c’est Marine Le Pen. Là, incontestablement, il y a une dynamique à l’œuvre. Il y a des indicateurs d’image qui sont de plus en plus favorables à Marine Le Pen. Elle est en train de s’installer en seconde position, pas très loin d’Emmanuel Macron, en ayant relégué Éric Zemmour dans une zone qui devrait être inférieure à 8%.
La montée de Marine Le Pen s’explique-t-elle uniquement par la baisse d'Éric Zemmour ?
Elle reprend la quasi-totalité des points qu’Éric Zemmour lui avait pris en tout début de campagne, c'est vrai, mais surtout elle a réussi à installer une image un peu différente de ce qu’elle incarnait auparavant, comme si elle était devenue une sorte de "tata protectrice" vis-à-vis des Français et non plus la représentante d’une famille qui était jusqu’à maintenant clairement identifiée à l’extrême droite. Elle donne le sentiment de s’être désextrêmisée en parlant peu, pour l’instant, de préférence nationale et d’immigration et beaucoup plus de pouvoir d’achat. C’est grâce en partie à Éric Zemmour qui a repris ce fil conducteur, beaucoup plus dur et monothématique, de l’immigration et du danger de l’islam mais aussi grâce à une stratégie constante de Marine Le Pen qui a consisté à essayer de se recrédibiliser et d’apparaître comme quelqu’un de plus proche des Français. Tout est centré autour de sa personne comme s’il n’y avait pas derrière un programme qui, lui, reste repoussé par une majorité de Français.
Dans ce schéma, Jean-Luc Mélenchon qui s’est détaché à gauche peut-il accéder au second tour ?
Jean-Luc Mélenchon a clairement gagné la bataille à l’intérieur de l’espace des gauches. Il est entre 16 et 17% d’intention de vote. Yannick Jadot est plutôt à 5,5% et Anne Hidalgo dans une zone de 2%. Fabien Roussel lui prend une partie des voix, 3 à 4% environ. Les choses peuvent encore bouger. Il faut garder une hypothèse Jean-Luc Mélenchon à l’esprit mais il est clairement distancé à date par Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Il aura du mal, sans doute, à reproduire les 19,58% qu’il avait obtenus en 2017 et qui ne lui avaient déjà pas permis d’accéder au second tour.
Valérie Pécresse est rentrée dans le rang ?
C’est pire que ça. On peut parler d’un effondrement. Fin décembre on pouvait évoquer la possibilité d’un match à trois, LR, LREM, RN. Aujourd’hui, Valérie Pécresse est dans une zone inférieure à 10%, elle a beaucoup perdu au niveau des électeurs de droite qui sont allés vers Emmanuel Macron, mais elle a aussi un peu perdu du côté de ces électeurs qui sont un peu allés vers Éric Zemmour et qui maintenant, dans la toute dernière séquence, commencent à être tentés par un vote en faveur de Marine Le Pen, ce qui explique aussi pourquoi Marine Le Pen continue à être en pleine ascension. Mais tout peut encore changer. Tant que les électeurs n’ont pas voté, restons prudents.
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