Cet article date de plus de dix ans.

Quand des candidats FN admettent relayer sans preuve la "rumeur du 9-3"

A deux mois des municipales, des responsables locaux du Front national tentent d'exploiter à des fins électorales cette rumeur selon laquelle des villes accueilleraient des habitants de Seine-Saint-Denis en échange de subventions.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une rue commerçante de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au nord de Paris, le 23 août 2013. (THOMAS SAMSON / AFP)

Aussi formels qu'ils soient, les multiples démentis ne les ont visiblement pas convaincus. A deux mois des élections municipales, plusieurs candidats et responsables du Front national admettent relayer sans preuve la "rumeur du 9-3". Ce ragot – qui s'est notamment répandu à Niort, Poitiers, Limoges, Tulle, Le Mans, Saint-Quentin, Reims, Châlons-en-Champagne ou Vitry-le-François – voudrait que ces villes reçoivent de l'argent de la part du conseil général de Seine-Saint-Denis, pour accueillir des immigrés ou des personnes d'origine étrangère.

Qui en est à l'origine ? Impossible, par définition, de le savoir. Mais en pleine campagne pour les municipales, plusieurs articles de presse révèlent qu'en dépit des démentis, des responsables du FN n'hésitent pas à relayer cette rumeur.

Les maires du Mans et de Saint-Quentin portent plainte

Le 20 janvier, le maire socialiste du Mans a ainsi annoncé avoir déposé une plainte en diffamation contre le candidat frontiste, Louis Noguès. Celui-ci avait évoqué, lors d'une conférence de presse tenue deux jours plus tôt, "des cars entiers de Noirs déversés au Mans". Dans une vidéo tournée ce jour-là, le secrétaire départemental du FN sarthois, Jean-François Le Gras, évoque "des transactions", et "deux arrivages très importants de population immigrée". Concédant que ces propos avaient bien été tenus, le directeur de la communication de la liste FN au Mans, Louis Valmenier, les a justifiés, en expliquant que "ce sont des rumeurs que les gens nous donnent, et qu'on essaie de relayer afin de vérifier si elles sont vraies". 

Dans un article publié début décembre, le journal L'Aisne Nouvelle fait état d'informations similaires à Saint-Quentin. Dans la ville du député-maire UMP Xavier Bertrand, la "rumeur du 9-3" circule depuis plusieurs mois. Or, dans un tract local que s'est procuré francetv info, le FN assure qu'"une nouvelle population arrive à Saint-Quentin, malgré les démentis…"

Interrogés par le journal lors d'une conférence de presse, les responsables locaux du parti de Marine Le Pen tentent d'abord de se justifier : "On le voit aux plaques d'immatriculation provenant du 93, par exemple (...). Il y a aussi des preuves visibles. On le voit dans la rue. Il y a de tout, des sans-papiers ou des habitants du 93 ou du 77 (...). Ce sont des personnes qui ne ressemblent pas à la population française (...). Ils sont colorés." Avant de finalement reconnaître n'avoir "pas de preuves" et concéder que "cela reste une rumeur". Est-il alors honnête, en tant que personnalité politique locale, de relayer publiquement ce qui n'est qu'une rumeur ? "On n'alimente pas une rumeur. On reprend ce qu'on entend, et ce qu'on voit. Cette rumeur est visible !" maintient aujourd'hui le candidat FN, Yannick Lejeune, contacté par francetv info. De son côté, la mairie de Saint-Quentin a porté plainte contre X, selon France 3 Picardie.

"Toutes les rumeurs partent d'une vérité !"

En mai dernier, la secrétaire départementale du FN de l'Allier, Claudine Lopez, a elle aussi relayé cette rumeur à travers un communiqué de presse. "Toutes les rumeurs partent d’une vérité !" s'est-elle par la suite justifiée, interrogée par Paris Match, ignorant les multiples démentis de la mairie de Vichy…

Contactés par francetv info, ni le vice-président du Front national en charge de la communication, Florian Philippot, ni le directeur de la campagne des municipales du FN, Nicolas Bay, n'ont souhaité répondre à nos questions.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.