Municipales : entre son lit d'hôpital et le terrain, la campagne en pointillé du maire d'Aubervilliers
Candidat à sa propre succession, le socialiste Jacques Salvator a été opéré d'une tumeur au cerveau le 2 janvier.
Entraînée par une militante en K-Way blanc, elle s'approche du maire d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), un peu gênée. "Bonjour M. Salvator. Vous allez bien ? Je demandais de vos nouvelles", lâche-t-elle timidement. L'édile, qui patiente jeudi 6 mars en bas des tours du square Lucien-Brun en attendant le début d'une opération porte à porte, lui répond calmement. "Ça va. C'est dur, mais ça va", glisse le sexagénaire en ce bel après-midi ensoleillé.
Jacques Salvator, 64 ans, ne parle pas de la lutte acharnée qui l'oppose une nouvelle fois au Parti communiste dans cette banlieue rouge repeinte en rose lors des municipales de 2008. Il ne fait pas non plus référence au jeune père de famille en survêtement du Milan AC, qui vitupère à quelques mètres de là sur ce maire qui donne "tout" aux "noich" [chinois]. Ni au colistier de son adversaire, qui prend un malin plaisir à coller une affiche anti-TVA du Front de gauche sur la cabine téléphonique à l'angle du square.
Une erreur de diagnostic
Ce n'est pas non plus le retard de son invitée, la porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, qui l'enquiquine. Pas plus que les SMS qui circulent, accusant cette dernière d'avoir soutenu le mariage homosexuel et appelant les musulmans à ne pas "se tromper d'adversaire".
Non, cette année, la dureté de la campagne est ailleurs. Jacques Salvator a été opéré le 2 janvier d'une tumeur au cerveau. "J'ai cru au départ qu'elle était bénigne, raconte ce médecin de formation. En fait, ils ont diagnostiqué par la suite qu'elle était maligne. Ça change tout." Comme le maire d'Ivry (Val-de-Marne), Pierre Gosnat, il rend publique sa maladie, dans une interview au Parisien. "Je n'avais pas le choix, analyse l'élu. Les gens n'auraient pas compris que je m'absente pendant un mois et demi sans explication."
"Cela change un peu le rythme de la campagne"
Surtout, l'opération chirurgicale est assortie d'une chimiothérapie de quatre mois. Une semaine sur deux, Jacques Salvator fait campagne depuis le lit d'un hôpital parisien. "Quand je suis hospitalisé, je travaille à la conception théorique de la campagne. Je m'occupe des tracts, des argumentaires", raconte l'intéressé. Une navette lui apporte courriers et documents.
"Ce n'est pas l'usine"
Quelques signes laissent cependant deviner sa maladie. Il y a d'abord cette cicatrice qui coupe sa couronne de cheveux blancs. Et le fait que l'édile n'est pas toujours au fait de son agenda. "Pourquoi vous les embêtez ?" lance-t-il amusé à son directeur de campagne, sur le palier du 12e étage d'une des tours, alors que ce dernier s'apprête à appuyer sur les sonnettes des appartements. "Vous faites du porte-à-porte, nous les avions prévenus hier que vous alliez passer", répond son collaborateur.
Des "pertes de mémoire minimes"
Un militant qui le connaît de longue date rapporte des "pertes de mémoire minimes". Ce jeudi soir, en conseil municipal, Jacques Salvator interpelle à deux reprises des responsables associatifs. "Je crois que les membres d'AVEC sont dans la salle, levez-vous, qu'on vous voit !" demande l'élu. Les intéressés s'exécutent, un peu gênés, pour la seconde fois.
A-t-il pensé tout arrêter ? Non. "Au bout de quatre mois, l'essentiel du traitement sera terminé, rappelle le maire. Je ne suis pas inquiet quant à ma capacité à diriger la ville." Ses adversaires refusent tout critique personnelle. "L'annonce de sa maladie n'a pas changé les choses. L'exercice démocratique est un exercice d'idée", explique Pascal Beaudet, tête de liste du Front de gauche. "Et cela n'empêche pas l'empathie à titre personnel, on se connaît depuis vingt-trois ans", ajoute l'ancien maire.
Ses médecins, qui lui ont demandé d'arrêter le vélo, n'y voient rien à redire. "On m'a donné l'autorisation. Le médecin m'a dit : 'Ça ne peut pas vous faire de mal'", raconte Jacques Salvator. Candidat à son dernier mandat, ce vieux routier de la politique, ancien du PSU de Michel Rocard, juge même que cette campagne l'aide à faire face à la maladie. "Si je n'avais pas ça à faire, confie-t-il, je me lamenterais toute la journée sur mon sort."
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