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A la Fête de l'Huma, le Front de gauche et le PCF confrontés au dilemme des municipales

Réunis comme chaque année à La Courneuve, la gauche radicale hésite à soutenir des listes communes avec le PS pour les municipales.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jean-Luc Mélenchon, le coprésident du Parti de Gauche, le 14 septembre 2013 à la Fête de l'Humanité, à la Courneuve (Seine-Saint-Denis). (CHRISTOPHE RAUZY / FRANCETV INFO)

"Non à la guerre en Syrie". Le slogan est placardé tous les dix mètres dans les allées de la Fête de l'Huma, édition 2013. Mais c'est un autre conflit qui agite les débats dans les stands de la grand messe communiste : faut-il interdire des alliances avec le PS aux prochaines élections municipales ? Les militants hésitent entre la ligne Mélenchon, partisan d'une autonomie totale vis-à-vis de l'"ennemi" socialiste et la ligne Pierre Laurent, le patron du PCF, favorable à des décisions prises au "cas-par-cas", pour ne pas perdre les postes autrefois conquis par des communistes alliés au PS. 

Ce spectacle de combat des chefs désole Roselyne, retraitée de 61 ans. "En se disputant comme ça, ça décrédibilise le message, et au final, ça ne peut que faire monter le FN." Elle a beau distribuer des tisanes solidaires devant le stand du PCF du Havre, c'est pourtant bien la position de Jean-Luc Mélenchon qu'elle soutient, au risque de voir les communistes perdre des élus: "Il faut savoir perdre pour pouvoir gagner. Au moins, avec des listes uniquement Front de Gauche, il y aurait une vraie force pour construire. Pierre Laurent devrait penser à passer aux choses sérieuses."

"Diviser, c'est pas une bonne idée"

Robert Baldes, 68 ans et le bouc grisonnant, est moins catégorique, devant sa côte de porc-frites qu'il déguste, avec quelques amis, à l'intérieur du stand du PCF de l'Eure. Le maire communiste de Gauriac, petit village de Gironde, espère que la consultation des militants communistes, prévue en octobre, n'ira pas dans le sens de listes autonomes: "Ça n'aurait pas de sens au niveau local, parce que ça voudrait dire se priver de gens de gauche, explique l'élu. Et souvent, dans de petites localités comme la mienne, c'est globalement un duel gauche-droite. Je n'aime pas la politique du gouvernement, mais certains socialistes ou certains verts non plus. Je comprends Mélenchon, mais diviser, c'est pas une bonne idée."

La stratégie du coprésident du Parti de Gauche passe mal. Mais il attire pourtant toujours autant de sympathie. "Il parle à quelle heure, Mélenchon ? demande sa voisine à Robert Baldès. Dans une demie heure ?! Vite, finis tes frites !" Et immanquablement, à quelques pas de là, le stand du PG est plein à craquer pour la prise de parole du leader du mouvement.

"On passera devant le PS !"

Dans l'assitance, l'un derrière l'autre, Michel et Aline, s'impatientent un peu. Ces deux syndicalistes CGT venus de Moselle se disent "un peu perdus", face au débat des municipales. "On a toujours voté communiste, mais chez nous, à Metz, si la gauche n'est pas unie, c'est sûr que la droite reviendra, explique Aline. On peut difficilement faire sans le PS."

Face à l'hésitation du couple, Véronique, regard sombre, se retourne : "Mais bientôt, on passera devant le PS ! Il faut lutter pour ne pas être à la remorque de ces petits bourgeois !" Michel lui sourit : "C'est vrai qu'on a été trahi, que Hollande, il fait du Sarkozy." Puis il se renfrogne : "Mais le 'grand soir', il arrivera pas comme ça, faut être pragmatique."

Le sourire de Michel revient. Jean-Luc Mélenchon fait son entrée en scène. Clameur, applaudissements, crépitements de flash. A la tribune, le coprésident du Parti de Gauche, après avoir découpé en morceaux l'attitude du gouvernement sur la question syrienne, salue le "magnifique discours" de Pierre Laurent, qui a appelé la veille au "rassemblement" du Front de gauche, avec un "esprit d'ouverture".

Duel d'applaudimètre

L'ex-candidat à la présidentielle étale alors la "confiance" qu'il a en ses "amis communistes" mais enfonce le clou sur sa stratégie de rupture totale avec le PS: "Les municipales sont une élection nationale, parce que les problèmes que l'on rencontre localement, sont des problèmes nationaux : précarité, chômage, sécurité." Derrière il réitère son appel : "Sanctionnez ceux qui nous ont trahi !".Embrasement général de l'assistance. Michel et Aline applaudissent chaleureusement.

Partie gagnée pour Mélenchon ? Pas vraiment. A cent mètres de là, sous le grand hall appelée Agora de L'Humanité, Pierre Laurent déclame à son tour son appel: "Il est possible de rassembler des majorités municipales, avec des gens et des forces qui vont très au-delà du Front de gauche". Puis le secrétaire national du PCF s'en prend au champion du Parti de Gauche, jugeant "pas réaliste" et "irresponsable" l'idée de changer le rapport de force politique "d'abord au niveau national". Applaudissements nourris, encore une fois. Avec autant de mots durs et d'antagonismes, la Fête de l'Huma n'a pas vraiment permis de démêler, et encore moins de régler, un dilemne qui pourrait empoisonner la campagne du Front de gauche jusqu'au printemps prochain.

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