: Reportage "Mon prénom, ma tête, mon université…" : déjà victimes de discrimination à l'embauche, les jeunes de quartiers défavorisés s'inquiètent du contexte politique
Des insultes sur les réseaux sociaux aux affiches collées sur des portes d’immeubles : les actes et propos racistes sont de plus en plus nombreux, depuis les élections européennes et pendant cette campagne des élections législatives. Cette "libération" de la parole et la possible arrivée du Rassemblement national au pouvoir, inquiètent particulièrement ceux qui subissaient déjà des discriminations notamment dans leur vie professionnelle. Franceinfo l’a constaté dans les bureaux de Mozaïk RH, à Paris. Ce cabinet de recrutement et d’accompagnement aide chaque année des milliers de jeunes de quartiers défavorisés à s’insérer sur le marché du travail.
Aymen, 20 ans, est l’un des jeunes accompagnés par Mozaïk RH dans ses recherches de stage et d’alternance. Ces dernières semaines, il sent le racisme monter autour de lui : "C'est plus frontal avec la situation politique actuelle, je ressens des regards un peu plus prononcés par rapport à moi ou à des membres de ma famille, par exemple, des femmes qui sont voilées. Il y a plus de paroles qui sont prononcées, etc." Musulman, issu d’un quartier populaire de Paris, cet étudiant en informatique a déjà subi des discriminations, avant les élections.
"Il ne faut pas le nier il y a du racisme en France"
Aymen est en ce moment en stage à Mozaïk RH, faute d’avoir trouvé dans sa branche, et ce malgré les très nombreux CV envoyés : "J'ai creusé vraiment partout et on ne me répondait pas. Je n'ai pas eu de retour frontal des entreprises mais bon… Il y a mon prénom, il y a ma tête, il y a la mention que mon université est à Montreuil. C'est évident, il ne faut pas le nier : il y a du racisme en France et dans énormément de pays. Je pense que ça fait partie des facteurs qui ont fait que j'ai eu du mal à trouver." Aymen s’inquiète maintenant pour son avenir : "Si la parole raciste ou les actes racistes se développent, ce sera peut-être un peu plus difficile de trouver une alternance parce que des recruteurs pourront plus ouvrir la porte à ce genre de choses."
"Quand tu sens ce genre de tensions permanentes dans le pays où tu es né, où tu as fait ta scolarité, tes amis, où tu as travaillé, etc. Tu vis ça mal"
Aymen, étudiantà franceinfo
Aymen confie se demander s'il a sa place ici, s’il partira un jour de France : "Même si le Rassemblement national n'arrive pas au pouvoir, si ça devient de plus en plus difficile de vivre ici, ça m'inquiète." Face à ces difficultés de jeunes qu'il accompagne, Saïd Hammouche, le président fondateur de Mozaïk RH redoute de voir tout son travail balayé : "Quand on a créé Mozaïk RH, on était déjà dans une atmosphère, dans les années 2000, où on avait des taux de chômage inexpliqués dans ces quartiers. La situation s'est améliorée et aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'on va revenir en arrière. La xénophobie, le racisme sont en train de monter. Les faits anti-musulmans vont s'accélérer et la conséquence, c'est qu'on aura de plus en plus de chômage dans ces zones les plus fragiles."
"On ne baissera pas les bras"
Mais "on ne baissera pas les bras, nous allons nous mobiliser, pour les jeunes des quartiers défavorisés, quelle que soit l’issue politique des élections dimanche", souligne le président fondateur du cabinet de recrutement et d’accompagnement. Mais avec quels moyens ? Mozaïk RH est membre du Collectif de l’Ascenseur. Ce groupement rassemble des organismes et associations qui travaillent pour l’inclusion des jeunes. La plupart reçoivent des financements publics pour leurs actions.
Si le Rassemblement national arrive au pouvoir, Mathilde Boulay, la déléguée générale de ce collectif, redoute des coupes budgétaires. "En fonction des résultats des élections, ce sont des financements qui pourront être soit totalement coupés, soit partiellement coupés. On sait qu’on ne sera pas prioritaires dans le programme du RN. En plus du quotidien qui va empirer pour ces jeunes-là, nous nous inquiétons de nos capacités pour les accompagner. Sachant que nous nous occupons déjà d’un public qui rencontre un certain nombre de difficultés cumulées, ce serait la double peine pour eux", estime Mathilde Boulay. Le RN a déjà coupé des subventions à des associations localement, lorsqu’il a gagné des mairies.
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