Législatives : faute d'avoir atteint les 5%, ces socialistes se retrouvent endettés
Près de cent candidats PS aux législatives ne pourront pas bénéficier du remboursement de leurs frais de campagne. Certains se retrouvent avec plus de 30 000 euros à payer.
"Avec 26 voix de plus, j'atteignais le score. Maintenant, je dois rembourser 15 000 euros", rumine un candidat malheureux. Ce socialiste, qui souhaite rester anonyme, est l'un des 97 représentants du PS à n'avoir pas réussi à franchir la barre des 5% au premier tour des élections législatives. Autant de défaites humiliantes, mais également lourdes de conséquences financières pour ces battus qui vont maintenant devoir passer à la caisse.
Car le Code électoral est sans pitié. Un score supérieur à 5% des suffrages et la quasi-totalité des frais de campagne seront remboursés par l'Etat. En dessous, c'est la tuile : aucune des dépenses engagées ne sera prise en charge. Habituellement, ce type de mésaventure est le lot de candidats qui concourent sous les couleurs de petits partis. Habitués aux scores faibles, ils anticipent le risque en réduisant les dépenses au strict minimum.
Mais ces précautions ne sont pas dans les habitudes du Parti socialiste, dont l'hégémonie à gauche lui évitait jusqu'à présent de réaliser des scores dignes d'un petit parti. La comparaison avec 2012 est saisissante : il y a cinq ans, aucun candidat PS n'avait été relégué sous les 5%. C'est, cette année, le cas d'un socialiste sur cinq, aux quatre coins de la France.
Un prêt de 33 000 euros à rembourser avant le mois de février
Après plusieurs semaines à battre le pavé dans la 2e circonscription de la Drôme, Isabelle Malric a déchanté lors du dépouillement : seulement 3,02% des voix. Un score qui la laisse seule pour rembourser le prêt de 33 000 euros qu'elle a contracté pour financer ses affiches, tracts, professions de foi et bulletins de vote. Les 4,93% réalisés par Benoît Hamon dans la circonscription auraient pu lui laisser imaginer que l'objectif des 5% était loin d'être acquis. "On s'est vraiment posé la question, mais on a pensé que ce score n'était pas représentatif du PS et qu'aux législatives, nous pourrions atteindre 8 à 10% au premier tour", raconte-t-elle à franceinfo.
La semaine dernière, la candidate a lancé un appel aux dons. "L'urgence pour moi, c'est de régler cette situation au plus vite, car le prêt doit être remboursé au plus tard en février 2018", explique-t-elle.
La fédération PS de la Drôme est à mes côtés, elle va certainement participer, mais ce sera loin d'être suffisant, car elle n'en a pas les moyens.
Isabelle Malric (PS)à franceinfo
Agnès Dupuis a subi la même mésaventure qu'Isabelle Malric, à Douai, dans la 17e circonscription du Nord, et doit désormais éponger un emprunt de 20 000 euros. La fédération PS du Nord va l'aider à hauteur de 5 000 euros, selon La Voix du Nord. Le reste dépendra de la générosité de ses sympathisants. "Des camarades socialistes m’ont déjà laissé entendre qu'ils allaient mettre la main à la poche pour m’aider. Même un élu qui n’est pas de ma couleur politique m’a contacté avec beaucoup d’élégance", confie-t-elle au quotidien régional.
"Je ne sais pas encore comment, mais je vais trouver la solution"
A Marseille, Gérard Oreggia a bien essayé de tout faire pour réduire la voilure. "Malgré tout, il me reste une ardoise de 10 000 euros", explique le candidat, qui n'a obtenu que 2,57% dans la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône. Lui, qui n'a pas encore réglé la note à ses fournisseurs, va sans doute devoir souscrire un prêt pour payer ses créanciers. "Je ne sais pas encore comment, mais je vais trouver la solution", jure ce père de famille, quitte à se serrer un peu la ceinture à la maison.
Gérard Oreggia se refuse, en revanche, à solliciter les militants socialistes de sa circonscription. "Il ne faut pas oublier que nous sommes dans les quartiers est de Marseille, et que les 120 adhérents de notre section n'ont pas des revenus élevés", explique-t-il.
Ce serait indigne de ma part de faire l'aumône. Ce n'est pas aux militants qui sont dans la précarité de payer pour cette déroute collective qui touche les socialistes partout en France.
Gérard Oreggia (PS)à franceinfo
"La responsabilité est collective", estime aussi Valérie Méry, qui a échoué à 2,32% en Seine-Saint-Denis, dans la difficile circonscription du centriste Jean-Christophe Lagarde. "Mon score est dû à la situation politique nationale. Sans cette séquence désastreuse, j'aurais fait les 5%", estime-t-elle. Pour combler les 8 000 euros dépensés pendant la campagne, cette militante classée à l'aile gauche du parti a pu compter sur la générosité du président du conseil départemental, Stéphane Troussel, et de figures du parti comme Emmanuel Maurel ou Marie-Noëlle Lienemann. Tous trois l'ont aidée sur leurs deniers personnels. Peut-être de quoi "éviter de passer un coup de fil à Cofidis ou à Cetelem..."
Des économies "parties en fumée" et "pas un coup de fil"
Tous n'ont pas reçu tant d'égards. "Je n’ai pas eu un coup de fil de soutien. Le parti n’a rien prévu pour accompagner les candidats dans cette situation : aucune caisse de compensation, pas de cellule psychologique, regrette un autre candidat battu sous couvert d'anonymat. J’ai engagé 25 000 euros sur mes économies, donc aujourd’hui, je n'ai plus d’épargne. Cela crée même des tensions dans mon couple, car ma femme n'est pas ravie de voir nos économies partir en fumée", raconte-t-il, moralement très atteint par sa défaite.
On me dit d'appeler ou d'envoyer un mail à untel pour demander de l’aide, mais c'est humiliant de devoir quémander.
Un ex-candidat PSà franceinfo
Au siège du Parti socialiste, on assure avoir conscience de ces situations délicates. "On ne va pas laisser nos candidats se sortir tous seuls de ce mauvais pas. L'objectif est que le problème soit traité dans l'été, avant le 18 août, date limite de dépôt des comptes", explique le trésorier national du PS, Jean-François Debat. Le parti se garde bien de promettre d'absorber la totalité des dépenses de la petite centaine de candidats concernés – il en serait financièrement incapable –, mais privilégie une approche au cas par cas. "Certaines fédérations ont les moyens de leur venir en aide, d'autres moins", commente-t-il.
"Ma seule dépense : trois bouteilles de jus de fruit"
Parmi les candidats restés sous les 5%, tous ne sont d'ailleurs pas dans une situation catastrophique. Dans l'Ain, Elodie Schwander, qui se savait dans un territoire très compliqué pour la gauche, a d'emblée choisi de mener une campagne très économe. Elle explique aussi avoir eu la chance de bénéficier de la prise en charge par sa fédération des 3 500 euros nécessaires à l'impression de la propagande officielle (professions de foi et bulletins). "Je n'ai presque rien dépensé d'autre. Au final, je n'ai mis que 500 euros de ma poche, relate-t-elle, mais je sais bien que ce n'est malheureusement pas le cas de nombreux camarades."
Dans le sud de la région lyonnaise, Jules Joassard a, lui aussi, vu la catastrophe arriver. Et tout fait pour limiter les dépenses pendant la campagne : "Je n'ai édité qu'un seul document de campagne, un A4 plié en deux. Et lors de mes réunions publiques, ma seule dépense, c'était trois bouteilles de jus de fruits…" Une campagne au rabais difficile à assumer lorsqu'on porte les couleurs d'un parti dans lequel on milite depuis des années, mais que Jules Joassard ne regrette pas. "Sur le moment, ça me crevait le cœur, mais je crois que j'ai bien fait."
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